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Billet de blog 23 avril 2012

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Top Girls de Caryll Churchill au théâtre de La Girandole, à Montreuil

La Compagnie Bricole s'est emparé d'une pièce de l'auteur dramatique britannique Caryll Churchill, Top Girls, créée en 1982, et donc l'action se situe à cette époque, au début des années Thatcher. Top Girls est le nom d'une agence de placements pour femmes qui en veulent, the best, les meilleures. La pièce a été souvent jouée en Angleterre et aux Etats-Unis depuis sa création et ferait partie pour certains critiques des 100 meileures pièces du 20e siècle.

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La Compagnie Bricole s'est emparé d'une pièce de l'auteur dramatique britannique Caryll Churchill, Top Girls, créée en 1982, et donc l'action se situe à cette époque, au début des années Thatcher. Top Girls est le nom d'une agence de placements pour femmes qui en veulent, the best, les meilleures. La pièce a été souvent jouée en Angleterre et aux Etats-Unis depuis sa création et ferait partie pour certains critiques des 100 meileures pièces du 20e siècle.

C'est en tout cas, une sacrée découverte.

La pièce démarre par la célébration dans un restaurant de la nomination de Marlène, jolie trentaniare,  au poste de directrice générale de l'agence. Lorsque les spectateurs entrent dans la salle, les actrices sont en place, figées, immobiles, dans des poses qui rappellent La Cène.

Ces invitées sont la papesse Jeanne qui dès l'âge de 12 ans s'est fait passer pour un garçon et qui sera donc dit-on pape entre 854 et 856, Isabella Bird (1831-1904), voyageuse anglaise de l'époque victorienne, Dame Nijo, courtisane au XIIIe siècle de l'Empereur du Japon puis nonne boudhiste, Dull Gret (dont le nom vient du Tableau de Bruegel, Dulle Griet, voir ici), paysanne du XVIe siècle, la douce Griselda, sortie des Contes de Canterbury de Chaucer (XIVe siècle). Que des femmes, donc, venues d'époques différentes, de classes sociales différentes, de cultures différentes pour accompagner, Marlène, dans son triomphe.

Cette scène est perturbante, difficile de comprendre ce saut dans l'espace et dans le temps.  Certains y voient la solitude de Marlène, obligée de convier des mortes, d'autres, un raccourci historique de l'histoire des femmes à travers le monde et il y a aussi ceux et celles qui comme moi se contentent d'accepter ce prologue et de comprendre non le pourquoi mais ce qui s'y joue et ce qui s'y dit. Ce qui n'est pas facile puisque le texte précise qu'elles parlent souvent en même temps, leurs phrases se chevauchent, elles ne s'écoutent pas vraiment. Mais l'histoire de chacune se détache, et peu à peu, dans cette atmosphère de dîner de filles, perce la mélancolie, l'injustice, les drames.

 Seule, Marlène, ne se départit pas de son sourire triomphal, elle veille au bien être des convives, ordonne le repas, les vins, avec aplomb, à peine aimable avec la serveuse mais c'est la seule aussi à essayer de communiquer, de partager avec ses invitées. Dès le début, elle a annoncé la couleur, elle a quitté les siens, sa ville natale obscure et un destin tout aussi obscur. Elle déteste le prolétariat, la pauvreté,  tout ce qu'elle a connu dans sa propre famille, c'est une wonderwoman, une de ces femmes actives des années 1980, une battante de droite sûre d'elle et heureuse de l'être.

Dès le deuxième acte, les dames du temps jadis disparaissent pour laisser place à Marlène, ses collègues de travail, sa soeur, Joyce, qui est elle restée dans le village natal, avec sa fille Angie et la copine d'Angie, une petite fille nommée Kit. On va encore sauter dans l'ordre chronologique mais aussi de lieu, passant des bureaux de Top Girls à la maison de Joyce.

Peu à peu, ce n'est pas seulement une histoire familiale qui se développe , c'est aussi un miroir de la société. Les questions plantées par l'auteur sont multiples et restent sans réponse, mais elles sont là: la place des femmes, le carriérisme, le temps dévolu à la vie personnelle et à la vie professionnelle, etc. Questions qui restent sans réponse aussi trente ans après la création de Top Girls.

Il y a beaucoup de moments forts comme les entretiens menées dans les bureaux avec des postulantes à un nouveau job, à un changement de carrière. On a la gâchette facile à Top Girl pour ramener les prétentions des candidates à la réalité. Ou l'épouse d'un employé évincé par Marielle, cet âge est sans pitié.Mais il y a aussi les deux gamines, Angie qui déteste sa mère, admire sa tante, mais n'a envie de rien au fond, n'est bonne à rien, au fond. Et Kit, plus jeune mais plus vive, plus battante peut-être déjà, à son tour. Et il y a Joyce, avec son couple qui prend l'eau, sa fille qui se braque, sa mère dont elle s'occupe, un peu.

Et la fin est une vraie fin. Une fin émouvante et surprenante qui ne met fin à rien.

La scénographie est impeccable, créant ombres et lumières, jeux de miroir, de dissimulation, de surprises. Les costumes baroques du début laissent place aux tenues des femmes d'affaires, des adolescentes, de la mère de famille accablée.

Il ne vous reste donc plus qu'à y aller et c'est juste en face du métro...mais faîtes vite (jusqu'au 28 avril)

Toutes les infos ici

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