martine silber (avatar)

martine silber

Martine Silber, journaliste sans journal

Abonné·e de Mediapart

184 Billets

5 Éditions

Billet de blog 25 janvier 2013

martine silber (avatar)

martine silber

Martine Silber, journaliste sans journal

Abonné·e de Mediapart

Fahrenheit 451 à La Commune d'Aubervilliers

martine silber (avatar)

martine silber

Martine Silber, journaliste sans journal

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Etant boulimique de livres, Fahrenheit 451 ( le livre de Ray Bradbury, puis le film de François Truffaut) m'a toujours touchée.

Voilà une société où les pompiers brûlent les livres avec autant d'honnêteté que nos pompiers combattent les flammes, en conséquence, personne (ou presque) ne lit plus et les gens sont abrutis (pour leur bien)

Abrutis par la télévision  d'Etat qui leur propose à longueur de journée des programmes d'une nullité confondante comme ce programme de télé-réalité  interactif   où l'on peut suivre les aventures de "la famille", une famille à laquelle on s’identifie au point de la considérer comme "sa" famille et que l'on suit sur les murs de son appartement comme sur d'immenses écrans plasma (qui n'existaient pas bien sûr  en 1953 quand le livre fut publié). Les gens sont donc abrutis et dépressifs, sans idées, sans ambitions, sans objectifs. Et ils se bourrent de tranquillisants....

L'adaptation de David Géry et sa mise en scène plongent le spectateur dans cette atmosphère lourde, oppressante,  où chacun suspecte et se méfie de son voisin. Montag le pompier qui brûle les livres sans y penser va d'abord rencontrer une jeune fille, Clarisse, qui refuse ce monde sans âme et qui le trouble. Mais de retour chez lui, il est face à sa femme, Mildred, évanouie sur son lit, ce qui vaut une scène comico-bizarroïde où une équipe d'un bizarre SAMU pratique un tout aussi bizarre lavage d'estomac. Mildred est l'incarnation de la citoyenne modèle, écouteurs-coquillages aux oreilles, coulée dans le moule, gavée de "divertissement" bas de gamme et de propagande tranquillisante, fantôme, poupée, marionnette.

Montag peu à peu va sombrer dans la déviance, entraîné par le souvenir de Clarisse dont l'image le hante et surtout par celle, terrible,  d'une vieille femme qui refuse de quitter sa maison et brûle avec sa bibliothèque.

Peu à peu, il subtilise des livres qu'il cache pour les lire en secret. Son chef,  Beatty le soupçonne et le fait surveiller par deux comparses et surtout par le "limier" , terrifiant  dragon-robot....

Les comédiens évoluent dans un espace souvent sombre _ même les vidéos des murs sont en noir et blanc _  illuminé par les jets de flamme des incinérateurs, le laser vert et les jets de feu du Limier . Ces effets spéciaux sont superbes  mais la fumée envahit un peu trop  la salle et ça tousse! Pas de quoi troubler toutefois  la suite de l'histoire et de la pièce.

David Géry a mis en place trois mouvements. La première partie est contée en voix off, puis Montag devenu acteur de sa vie prend la parole et la fin au milieu des "hommes-livres" est empreinte de sérénité, chacun se déplaçant  lentement dans une sorte de ballet glissant. Les comédiens laissent alors la place aux amateurs, chaque soir différents,  qui viennent un peu émus sans doute partager leur livre avec le public.

C'est un de ces spectacles qui donnent à réfléchir sans jamais ennuyer, une parabole  sur l'acculturation, la dictature, la résistance, la liberté, la soif de savoir, la protection des citoyens malgré eux, la mémoire et l'oubli, on a déjà dit et écrit tant de choses sur le livre et le film qu'on ne peut rien y ajouter mais  cette oeuvre dramatique ne peut que les  ressusciter de façon salutaire.

Et c'est beau. La pyrotechnie de Jeff Yelnik (Groupe F) y est pour beaucoup mais pas seulement. Les déplacements des comédiens, les costumes, les ruptures entre les atmosphères froides et chaudes, la comédie et la tragédie,  y contribuent aussi.

Toutes les infos ici.

Photos: Philippe De la Croix

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.