
Il ne s'agit pas comme le pensait gentiment une dame devant moi d'un texte d'Héloïse, la compagne d'Abélard, écrit au soir de sa vie, mais d'une adaptation du roman de Christiane Singer intitulé Une passion entre ciel et chair (éd. Albin Michel).
Qu'à cela ne tienne, le texte bien que récent est beau et résonne clair et fort grâce à la comédienne Christelle Willemez, à la metteuse en scène, Clara Ballatore et aux musiciens (en alternance, Michel Thouseau à la Contrebasse et Birgit Yew au violoncelle).
Bien sûr, il n'y a pas grand suspense, on connaît l'histoire, ses rebondissements, ses bons et ses méchants, la passion et la cruauté du châtiment. Tout tient donc à la langue, à la voix, au son, aux lumières...Vêtue d'une robe blanche toute simple, entre mère abbesse et condamnée à mort, Christelle Willemez illumine la scène, d'abord par le récit pétri de sensualité du bonheur et des voluptés passées, faisant revivre à Héloïse sa jeunesse et ses amours perdues.
Puis, le ressentiment assumé mais encore prêt à resurgir quand Abélard, après la castration tragique, la délaisse et l'oublie, comme si de cette passion hors du commun rien n'avait été laissé en lui, pas la moindre trace de tendresse ou de chagrin. Comme si peut-être il la rendait responsable ou coupable, elle si jeune encore et lui un homme fait. L'effaçant comme elle va s'effacer.
Enfin, la paix de l'âme, loin de tout et de tous, l'acceptation dans le souvenir, bercée par ce temps si court qui ne l'a , elle, jamais quittée.
La mise en scène est aussi simple que la robe blanche, jouant avant tout sur les lumières, le visage, les mains, la musicienne (ou le musicien) dans la pénombre qui prend par moments un peu de lumière et fait vibrer les cordes non pas en accompagnement un peu stérile du texte, mais avec une vie propre, parfois même décalée, presque joyeuse au fin fond de la nostalgie et de la douleur. L'actrice est le plus souvent assise, condamnée à jouer surtout de la voix, de mouvements lents, de gestes infimes. La musique est ici indispensable pour laisser place au temps.
Alors oui, c'est un fort beau spectacle même si parfois se glissent quelques instants d'ennui comme on ne peut en trouver qu'en cellule, dans la solitude. Il ne faut pas en avoir peur et se laisser porter jusqu'au bout.
Photo: B.M. Palazon
Toutes les infos ici et ici sur le site du spectacle (créé à Avignon, en 2004).