La Colombie a le quasi monopole de la production de cocaïne et domine 70% du marché mondial. Drogue à la mode dans les pays riches, c'est également devenu au fil des années l'un des meilleurs moyens de financer les guérillas qui détruisent la Colombie. Après avoir décidé de prendre les armes pour mener la révolution d'inspiration marxiste, les guérilleros dans un premier temps vont se diviser puis se retrouver sans aides financières suite à l'effondrement du bloc communiste. Après 30 ans de luttes intestines et meurtrières, les fausses utopies vont céder face à l'appât du gain de l'énorme manne financière qu'apporte la culture de la coca et le trafic de cocaïne. Prétextant un financement de leur guérilla, les FARC, l'ELN et l'EPL sont devenus des acteurs majeurs du trafic de drogue. En Colombie comme ailleurs, les communistes se sont convertis aux joies du capitalisme sauvage. Pour continuer à s'entretuer et contrôler leurs territoires, les guérilleros enrôlent aujourd'hui des enfants. Les Petites Voix est leur histoire. On pouvait s'attendre à un film violent et désespéré : le documentaire de Jairo Carrillo est bien au contraire plein d'humour et de malice. Le réalisateur ont eu l'excellente idée de construire leur documentaire en se basant sur les dessins et l'imaginaire des quatre enfants qui reviennent, pretant leurs voix à leurs avatars dessinés, sur leur enlèvement par les guérilleros. Loin du documentaire télévisuel (témoins interrogés sur fond noir, ou dans un lieu typique) il s'agit ici d'un essai dessiné et animé par ordinateur mélangeant différentes techniques d'animation comme le collage, l'animation 2D et la 3D. La vie de ces enfants est difficile mais l'imagination des gamins réussi à la transcender et leur permet de s'évader d'une réalité qui les dépasse. Axé uniquement du point de vue des enfants, nous ne sauront rien des raisons du conflit ni même nous n'aurons accès à la langue des adultes, qui s'expriment par onomatopées. C'est ce qui fait, peut être sa faiblesse, (il faut s'intéresser un minimum à l'actualité géopolitique pour comprendre qui est qui dans ce documentaire), mais également sa force. En effet, l'absence de contextualisation restitue la violence des faits évoqués dans leur aspect fondamentalement injustifiable. Mais cela rend peut être nécessaire la mise en place de soirées débat suite à la projection du film et d'en faire une base pédagogique pour la prévention contre la cocaïne dans les lycées et les collèges. L'aspect poétique et enfantin du documentaire donne néanmoins la possibilité au film d'être vu par ceux pour qui ce film a été fait : Les enfants. Alors qu'il est de bon ton de cacher le côté ultraviolent du monde actuel en « protégeant » les enfants des dessins-animés et des jeux vidéos violents ; le cinéaste colombien nous livre ici un dessin-animé dont certains trais sanglants (jets de sang, cranes qui explosent) sont un moyen d'expression artistique qui à valeur de catharsie pour les enfants. Après Valse avec Bachir, Les Petites Voix, apporte une nouvelle preuve de la vitalité artistique d'un cinéma documentaire qui invente les moyens de son renouvèlement formel.
Billet de blog 5 novembre 2011
Les Petites Voix
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