"Le Cycle de Mars", saga littéraire de Edgar Rice Burroughs (génial créateur de Tarzan l'homme-singe) est un fabuleux récit d'aventure qui amène le lecteur à voyager dans le temps et l'espace. Passionnante, l'oeuvre est à l'origine de la vocation d'écrivain de Ray Bradburry. "Le Cycle de Mars" s'est, plus d'une fois, retrouvé sur le bureau des studios ou bien de réalisateurs de renoms, tel Ray Harryhausen ou John McTiernan. S'ils ont tous abandonnés, tous ont piochés dans l'oeuvre de Burroughs. Après coup, on se dit, qu'effectivement, Lucas et Cameron lui doivent beaucoup. Affronter la matrice d'oeuvres cinématographiques cultes relève d'une gageure difficile à relever. Prévu, dans les années trente pour devenir le premier film d'animation, "Le Cycle de Mars" est enfin adapté au cinéma. Par une jolie pirouette de l'histoire, c'est un des maîtres de l'animation contemporaine, Andrew Stanton, qui réalise l'adaptation du premier tome du cycle: "John Carter From Mars", en prise de vue réelle.
Malgré un cahier des charges privilégiant le pop-corn à la créativité artistique, Michael Chabon s'en tire avec les honneurs. Son scénario de bonne facture cherche à inscrire les personnages dans un univers réaliste. Il faut voir avec quelle précision et amour du détail, l'on suit les premiers pas des jeunes martiens verts dans l'univers hostile de Barsoom. Les romantiques regretteront, peut être, le manque de consistance de la romance, sacrifiée sur l'autel de la durée du film. Mais l'essentiel est que l'auteur des "Extraordinaires aventures de Kavalier & Clay" nous offre un monde crédible qui puisse parler à un ensemble de spectateurs et pas seulement aux fans de fantasy. Andrew Stanton aurait pu se contenter de filmer l'histoire, mais ce n'est pas l'habitude du bonhomme. Après une excellente carrière chez Pixar où il se révéla être, avec Brad Bird, l'un des meilleurs éléments; Stanton (1001 Pattes, le Monde de Nemo, Wall E) au volant de son premier film live se montre aussi doué que Brad Bird pour son "Mission-Impossible". Ces films aussi impressionnant soient-ils, sont pour eux une façon de se faire la main. Face à l'agilité et la grâce de la mise en scène d'Andrew Stanton, on ose imaginer ce qu'il sera capable de faire une fois que les tournages en prises de vues réelles seront, pour lui, une habitude.
A contrario des blockbusters actuels, "John Carter" est un film qui ose le retour au cinéma et qui refuse de se laisser dompter par les rêgles du home-cinéma. Le monde de "John Carter" est une ode aux grands espaces, à la modestie de l'homme face à l'univers. Loin de l'accumulation des gros plans et des plans moyens devenus habituels dans ce genre de production, Andrew Stanton multiplie les plans larges. Un rapport entre l'infiniment grand et l'infiniment petit que l'on trouvait déjà dans ces œuvres animés. On peut d'ailleurs voir "John Carter" comme une version adulte de "1001 Pattes", moins manichéenne, où un Tilt gonflé aux hormones s'allierait a des sauterelles pas si méchantes contre un danger encore plus grand. Plus musclé que ses œuvres précédentes, "John Carter" offre de magnifiques scènes de batailles, un peu vite expédiée il est vrai, mais qui ont le mérite de la clarté: Signe d'une parfaite maîtrise de la grammaire cinématographique. Peintre des grands espaces, Stanton impressionne également en intérieur avec une utilisation de la profondeur de champs qui n'est pas sans rappeler le travail d'Orson Welles ou de Mankiewicz, tendance "Jules-César" ou "Cléopatre". Des films auxquels on pense lorsqu'on se retrouve dans la cité d'Hellium dont tout le décorum est d'inspiration péplum.
Bref, en 2h20, Andrew Stanton montre l'étendu de son talent et impose le premier volet du "Cycle de Mars", "John Carter From Mars", comme une œuvre aussi massive que ludique. Avec une histoire à l'ancienne,"John Carter" réussi tout de même à faire passer "Star Wars" pour du cinéma à papa. Moins libre de leurs mouvements que James Cameron, le couple Chabon/Stanton propose, pourtant, un univers plus crédible que celui d'"Avatar". Ils livrent, également, une histoire bien plus complexe que le trip new-age de Cameron. Autant dire, un grand moment de cinéma.
Seulement, à peine sorti, on pronostique déjà son échec. Venu trop tard, avec une promo à la Disney qui fait passer "John Carter" pour "Un monde sans fin", l'oeuvre de Stanton est bien parti pour rejoindre "Fight Club" au rang des films maudits. Mais comme le film de Fincher, "John Carter" a de bonne chance de devenir, plus tard, un film culte.