Difficile de synthétiser en un titre l'objet qui arrive sur nos écrans. Cela faisait déjà plusieurs semaines que l'on subissait des spots publicitaire Axe à valeurs de bandes-annonces pour Projet X. Sur ce point c'est réussi, plus la peine de faire de placement de produit dans le film. Il reprend les gimmicks visuels du spot. La publicité est, comme les clips, un moyen pour les réalisateurs d'expérimenter des idées de mise en scène et permet d'arrondir les fins de mois, voire de régler des problèmes fiscaux. D'excellents réalisateurs ont affûtés leurs armes dans la publicité, Fincher ou Lynch en tête. Depuis quelques années on se demande, pourtant, si à ce jeu, les marques n'ont pas pris le pouvoir. C'est une question à se poser à la vue de Projet X, une question que l'on se posait déjà à la sortie de MIB2 et que l'on continuera a se poser à la sortie de W.E. de Madonna. Ici, si l'on retient le produit, on ne sait plus qui réalise. Projet X, est un bon titre, celui d'un déodorant.
Projet X est également celui des producteurs. Todd Philips, réalisateur de Very Bad Trip et celui de Joel Silver (Les Armes Fatales,Matrix). La présence de ce dernier intrigue. Sur le papier, on se demande comment en est-il venu à s'intéresser à ce projet. L'histoire d'adolescents transparents petits bourgeois frustrés qui finissent par user des réseaux sociaux pour inviter qui le veut à leur fête. Pas de courses poursuites, pas d'explosions, pas d'extraterrestres, pas de Kung-Fu. Rien qui ne correspond à l'univers du producteur de Prédator. Faut-il s'imaginer Todd Philips en pleine crise d'angoisse? Voyant son film lui échapper, a t-il fini par appeler l'alchimiste Silver pour qu'il transforme son projet boiteux en or? A l'écran, la patte de Silver est bien là: les héros sautent des toits et les voitures explosent. Le succès de SuperBad et de la franchise American Pie n'est pas non plus pour rien dans l'intérêt que les deux producteurs ont portés au projet. Ni, même, la mode du found-foutage qui parasite Hollywood depuis maintenant 15 ans. En mélangeant les deux idées, ils pensaient que la sauce allait prendre. La sauce, ne prend pas.
Projet X ne propose aucune intrigue. Juste des mini-spots pour Blackberry et Heineken. On est loin The Party de Black Edwards. Un peu à l'image des adaptations cinéma de jeux vidéos, où l'absence de gameplay nous retire tout plaisir, le spectateur reste de marbre face à Projet X. Une évidente frustration nous envahie à l'idée de ne pas être convié à la soirée. Le sujet était pourtant, potentiellement, intéressant: une fête qui dégénère poussant la police à faire intervenir les forces anti-émeutes. Cela c'est déjà vu. On a pu, depuis 2008, visionner ce genre de situations sur YouTube. Il aurait été intéressant pour un cinéaste et un producteur de s'interroger sur ces évènements. Pourquoi une jeunesse organise t-elle des bing drinking ? Est ce réellement le cinéma qui pousse la jeunesse à chercher à s'abrutir dans l'overdose d'alcool, comme le dénoncent de récentes études? Pourquoi la seule réponse à ces débordements est-elle d'envoyer les forces anti-émeutes surarmées. Pourquoi celles-ci ne réussissent plus à rétablir l'ordre et doivent battre en retraite face à des ados désarmés?
Sur la forme, comme sur le fond, le réalisateur à renoncé. Loin de se poser des questions, Projet X laisse à la marque le soin de répondre aux problèmes de la jeunesse. Car Axe a bien compris, comme toutes les grandes marques, le besoin chez les jeunes d'avoir un espoir, une utopie, le besoin de rêver. Ce que ne leur offre plus cette société. Comme le souligne Naomi Klein dans No Logo, les marques ont investies le champ de la révolte et de l'utopie pour assoir leur légitimité. En temps de crise économique et sociale, Axe propose a cette jeunesse sans espoir, l'Anarchy. Le déodorant que la marque lance au moment de la sortie du film. L'anarchie est ici limitée aux lieux communs de «il est interdit, d'interdire» et à l'affrontement contre les forces de l'ordre. Projet X se veut un film sulfureux. Sauf qu'il n'ose jamais franchir l'interdit. Aucune drogue évoquée dans le film, en dehors de l'extasy, est interdite en Californie et on est plus proche d'idéologies réactionnaires que libertaires lorsqu'il s'agit d'évoquer les pratiques sexuelles des adolescents. Joel Silver s'éloigne alors de Matrix où, avec les frères Wachowski, il s'amusait à subvertir le blockbuster. On est à milles années lumière d'un autre projet (Mayhem) mis en scène par David Fincher pour Fight Club. L'histoire de Projet X est, donc, celle d'une démission. Plus encore que celle du cinéaste, c'est la démission de Hollywood, face aux puissances de marques qui est mis à jour.