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Billet de blog 2 avril 2025

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La valse à trois temps pour sauver la soldate Le Pen…

… et lui permettre de se présenter en 2027 malgré sa condamnation pour détournement de fonds publics.

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Le  13 novembre 2024, le parquet requerrait cinq ans de prison (dont deux ans ferme aménageables) et une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire à l’encontre de Mme Le Pen pour détournement de fonds publics au Parlement Européen. Le 31 mars 2025, le tribunal de Paris rendait son jugement et condamnait Mme Le Pen à une peine de prison réduite à quatre ans assortie d’une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire.

Le premier temps de la valse

En novembre 2024, M. Darmanin, alors simple député, réagissait à la réquisition du parquet en déclarant : « Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et, ainsi, ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français. » Le 31 mars 2025, au terme du procès, M.Darmanin, redevenu entre temps ministre de la Justice, s’est abstenu de commenter la décision du tribunal. C’est bien le moins de la part d’un ministre de la Justice. Le 1er avril 2025, lors de la séance de questions au gouvernement, il a toutefois tenu à affirmer « souhaiter personnellement » que le jugement en appel de Marine Le Pen « puisse être organisé dans un délai le plus raisonnable possible ». Et d’ajouter : « Il appartiendra à la cour d'appel de Paris, parfaitement indépendante dans son organisation de fixer la date de cet appel ». Quelques heures après l’expression du « souhait personnel du ministre », la cour d’appel de Paris annonçait qu’elle « examinera ce dossier dans des délais qui devraient permettre de rendre une décision à l’été 2026 ». Qui a dit que la justice était trop lente et manquait de moyens ? Fin du premier temps.

Le deuxième temps de la valse

Le 28 janvier 2025, M. Bayrou, Premier ministre, s’exprimant sur une éventuelle peine d’inéligibilité avec exécution temporaire, affirmait : « Je pense qu’il est très dérangeant que des jugements soient prononcés sans qu’on puisse faire appel ». Le 31 mars 2025, à la suite de la condamnation de Mme Le Pen, M. Bayrou s’est dit « troublé par l'énoncé du jugement » selon les propos qu’il a tenus devant son entourage. Le lendemain, lors de la séance de questions au gouvernement, le Premier ministre a déclaré que « la réflexion doit être conduite » par les parlementaires à propos de l’exécution provisoire, qui « fait que des décisions lourdes et graves ne sont pas susceptibles de recours ». Rappelons que M. Bayrou sera jugé en appel pour les mêmes délits que Mme Le Pen et encourt donc une peine de même nature. Mais cela est évidemment sans rapport aucun avec ses « troubles ». Fin du deuxième temps.

Le troisième temps de la valse

Dès la condamnation de Mme Le Pen, M. Ciotti, député du Var et supplétif de Mme Le Pen depuis les législatives de 2024, fustigeait une « cabale judiciaire indigne » contre sa patronne et s’interrogeait gravement : « La France est-elle encore une démocratie ? » Le lendemain, afin de rétablir la démocratie, il annonçait le dépôt d’une proposition de loi (PPL) visant à supprimer l'exécution provisoire pour les peines d'inéligibilité, proposition qui sera soumise à l’Assemblée Nationale en juin 2025. Rappelons que M.Ciotti est lui aussi visé par une enquête pour détournement de fonds publics lors de la campagne des législatives de 2022. Bien entendu, ceci n'a rien à voir avec cela. Fin du troisième temps.

Conclusion

M. Darmanin « demande » et obtient la tenue d’un procès en appel pour mi-2026. M. Bayrou « souhaite » que le Parlement se saisisse de la question de l’exécution provisoire des peines d'inéligibilité. Et M Ciotti annonce dans la foulée qu’il soumettra au vote du Parlement en juin 2025 une PPL supprimant l’exécution provisoire, ce qui la rendrait applicable pour le procès en appel de Mme Le Pen en 2026 et lui permettrait donc de se présenter à l’élection présidentielle en 2027.

L’opération de sauvetage de la soldate Le Pen a été organisée en moins de vingt-quatre heures. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, le citoyen Bayrou bénéficierait lui aussi de la suppression de l'exécution provisoire pour les peines d'inéligibilité lors de son procès en appel qui se déroulera sans nul doute après le vote de la PPL. Il en va de même pour le citoyen Ciotti s’il devait être traduit en justice au terme de l'enquête précitée. Quant au Premier ministre Bayrou, il pourra compter sur Mme Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement d'ici son procès. En effet, elle ne pourrait se représenter aux élections législatives qui suivraient une éventuelle dissolution de l’Assemblée Nationale par M. Macron si le gouvernement Bayrou venait à être censuré avant son procès en appel. Pour une politicienne dont la famille et les proches vivent aux crochets du contribuable depuis des lustres, ce serait franchement ballot de se priver de sa principale source de revenus.

Permettons-nous une suggestion à M. Ciotti et à ses comparses : plutôt que de faire voter la PPL au mois de juin, ils devraient attendre le 4 août 2025 et l’intituler Proposition de loi visant à restaurer les privilèges.

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