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Billet de blog 3 mai 2023

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En finir avec l'État de droit, c'est son projeeeeeeeeet !

La contre-réforme des retraites ayant été promulguée, d’aucuns s’interrogent sur la capacité d’Emmanuel Macron à gouverner jusqu’à la fin du quinquennat. Que les souteneurs du régime se rassurent, ni les projets ni une majorité pour les voter ne feront défaut.

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Lors d’un dîner à l’Élysée le 28 septembre 2022, le président de la République avait tenu ces propos devant ses convives : « On ne reculera pas, ce qui se joue c'est l'autorité de votre serviteur ». Ayant tenu contre 90% des actifs, contre les manifestations et les grèves les plus massives depuis des décennies, contre tous les syndicats et contre la majorité de l’Assemblée, bref, seul contre tous, il a démontré son « autorité ». Applaudissements chez les courtisans.

Pour autant, il subsiste quelques cailloux dans la chaussure du chef de l’État et cela doit cesser. Les tribunaux administratifs qui suspendent les interdictions de manifestation prises sur le fondement d'une loi antiterroriste, les casserolades qui accompagnent ses déplacements et ceux de ses ministres, les « mises en sobriété énergétique » qui le contraignent à se déplacer avec des groupes électrogènes, les piquets de grève dans les secteurs stratégiques, les centaines de manifestants relâchés sans charge après avoir été interpellés arbitrairement, les milliers de vidéos qui montrent au monde entier la brutalité voire la sauvagerie de la répression policière : tout cela n’est plus tolérable. Ni pour lui, ni pour une police transformée en milice à qui il doit la survie de son régime.

L’une des caractéristiques du macronisme, c’est le dévoiement des mots comme le soulignait Frédéric Lordon dans cet article. Fermer des lits, c’est « améliorer la qualité des soins », détruire le code du travail, c’est « protéger les salariés », travailler deux ans de plus, c’est faire œuvre de « justice sociale ». Dès lors, on se doute bien que lorsque le président de la République annonçait le 17 avril que nous avions devant nous « 100 jours d’apaisement », c’est plutôt le déchaînement qu’il nous promettait. A moins que ce ne fût la « pacification » au sens que ce mot pouvait avoir à l’époque coloniale.

Il faut donc s’attendre à une attaque contre les libertés publiques sans précédent depuis la guerre d’Algérie. MM. Darmanin, Dupond-Moretti et Nuñez réclament déjà une nouvelle loi « anticasseurs » pour autoriser les interdictions administratives de manifester, disposition de la loi « anticasseurs » de 2019 censurée par le Conseil Constitutionnel (CC). Selon France-Info, le gouvernement envisage aussi de créer un « délit de construction de barricades ». Pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas y inclure le blocage des routes ou des voies ferrées ? Quant aux célèbres « dispositifs sonores portatifs », ils devraient être interdits pour que dorénavant, les manifestants défilent en silence. En silence, mais sans casque et sans lunettes de protection, afin de ne pas nuire à l'efficacité des matraques, des LBD et des lacrymos.

On peut aussi penser que M. Darmanin, plus que jamais aux ordres des syndicats de police, essaiera de leur donner satisfaction sur deux points qui graveraient dans le marbre l’impunité de la police et de la gendarmerie dans les opérations de répression : l’interdiction de diffuser des photos ou des vidéos de policiers ou de gendarmes (l'ex-article 24 de la loi Sécurité globale, censuré par le CC en 2021 ) et la « présomption de légitime défense ». Les journalistes, de plus en plus violemment pris à partie par la police dans les manifestations, seront sans doute aussi une nouvelle fois dans le viseur, si l'on ose dire. Matraquer, gazer et mutiler à l’abri des regards, les syndicats de police en rêvent et ils finiront bien par l’obtenir de ce régime aux abois.

Le droit de grève, les libertés syndicales et la liberté d'association pourraient bien être également dans le collimateur du régime. La proposition de loi des sénateurs LR visant à restreindre le droit de grève dans les services publics (afin d’éviter les « prises d’otages ») risque de trouver des oreilles attentives dans les rangs macronistes. Des dispositions permettant aux entreprises de licencier plus facilement les participants à des piquets de grève, les auteurs de coupures de courant et les représentants syndicaux les plus combatifs seront très probablement mises sur la table. Enfin, il est à craindre que les dispositions de la loi « séparatisme » ne soient complétées dans le but de remettre en cause les fondements de la liberté d’association.

Pour faire diversion, il faudra bien entendu une n-ième loi immigration afin que soit enfin exaucée la volonté de M. Darmanin : « rendre la vie impossible aux étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. »

Pour approuver ces nouvelles lois scélérates, il n’y aura pas besoin de 49-3. Une large majorité de droite extrême et d'extrême-droite existe à l’Assemblée Nationale et au Sénat, allant des macronistes au RN en passant par LR. On pourrait même trouver quelques parlementaires PS et PCF pour voter certains articles, en « soutien à nos forces de l’ordre » et aux « ouvriers de la sécurité ». Et si, dans un improbable sursaut de dignité, les gérontes du Conseil Constitutionnel sortaient de leur torpeur, cette majorité LR-RN-EM n’hésiterait sans doute pas à engager une réforme constitutionnelle pour éliminer les obstacles. De même, une dénonciation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ne saurait les effrayer.

Une fois ces lois promulguées, M. Macron aura atteint ses quatre objectifs : la baisse massive de la fiscalité pour les plus riches, le saccage des services publics de l’éducation et de la santé au profit du secteur privé, le démantèlement des protections sociales (chômage, retraites, RSA) et la liquidation des libertés publiques et de l’État de droit. Avec le sentiment du devoir accompli, le « fascisateur » pourra alors remettre les clés du palais et des outils de répression en parfait état de marche à la fasciste. Celle-ci n'aura plus qu'à s'en servir pour parachever l’œuvre de son prédécesseur.

Illustration 1
© Fred Sochard

Mes remerciements à Fred Sochard à qui j'ai emprunté ce dessin.

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