L’état de santé de Marianne s’étant fortement dégradé – au point que ses amis de Bruxelles s’en inquiétaient et exigeaient d’avoir leur mot à dire sur le traitement -, le vénérable docteur Barnier fut appelé à son chevet en septembre dernier. Son diagnostic plongea la famille et les amis de Marianne dans la stupeur : c’est à force de faire la bamboche qu’elle avait ruiné sa santé et qui plus est en s’endettant. Selon le docteur Barnier, la gangrène menaçant, il n’y avait d’autre solution qu’une amputation des deux bras. Il y avait certes des traitements plus couteux qui auraient pu éviter une amputation mais il aurait fallu mettre à contribution les plus fortunés du pays et de cela, le médecin savoyard ne voulait pas entendre parler.
Indignés par le diagnostic et scandalisés par le traitement prescrit, la famille et les amis de Marianne renvoyèrent au mois de décembre le docteur Barnier dans sa Savoie natale. C’est son confrère béarnais, le tout aussi vénérable docteur Bayrou, qui le remplaça presque immédiatement. Il confirma que la patiente était dans un état très grave et s’empressa lui aussi d’exclure une contribution des familles Arnault, Bettencourt, Wertheimer, Saadé, Dassault, Pinault, Niel et d'autres au financement d’un traitement. Une amputation des deux bras était inévitable : il n’y avait pas d’alternative. Mais il promit à l’entourage de Marianne de changer de méthode et de consulter d’autres confrères.
Alors que la chirurgienne Le Pen – fille d’un célèbre boucher et connue pour ne traiter que des patients de même couleur que sa blouse - avait l’oreille du docteur Barnier, le docteur Bayrou, bien que très proche lui aussi de sa consœur, élargit ses consultations en y incluant le docteur Faure. Le médecin béarnais estimait avoir besoin de ce dernier pour faire passer la pilule auprès de la famille et des amis de Marianne. Le docteur Faure s’était certes opposé au docteur Barnier au mois de décembre mais étant issu d’une lignée de médecins formés à l’ancienne faculté Solferino et réputés pour leur souplesse, notamment du côté de l’échine, le docteur Bayrou se faisait fort de l’amener sur ses positions.
Pendant plusieurs jours, des discussions eurent lieu entre les docteurs Bayrou et Faure. Ce dernier se trouvait dans une position très inconfortable : ayant approuvé le refus de l’amputation proposée par le docteur Barnier, comment justifier le même traitement deux mois plus tard ? Le seul fait de discuter avec le docteur Bayrou lui était d’ailleurs vivement reproché par certains de ses confrères – notamment le docteur Mélenchon - en complet désaccord avec le diagnostic.
Finalement, les deux médecins parvinrent à se mettre d’accord sur un compromis : au lieu d’amputer les deux bras, le docteur Bayrou concéda que l’on pourrait se limiter à un bras et une main. Le docteur Faure s’employa alors à expliquer à la famille et aux amis qu’il fallait se montrer responsable, qu'on ne pouvait pas rester sans rien faire. Bien sûr, être amputée d'un bras, c'est fâcheux mais c’est quand même mieux que deux bras en moins. Il ajouta qu’il aurait évidemment préféré qu’on ne coupât pas la main du second bras mais que c’était un moindre mal et qu’avec le moignon Marianne pourrait quand même se débrouiller. Et que s’il avait refusé, le docteur Bayrou aurait fait appel à la chirurgienne Le Pen et que Marianne risquait alors d’y laisser une jambe en plus des deux bras.
Dans les mots du docteur Faure, cela donna ceci : « Nous avons cherché à "limiter la casse" pour préserver [Marianne] de souffrances supplémentaires ». Ayant été soignée dans le passé par les docteurs Mitterrand, Jospin et Hollande, Marianne a l'habitude et se souvient à l'occasion de ce qu'écrivait Hannah Arendt : « La faiblesse de l'argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu'ils ont choisi le mal. »