La première citation est tirée d’un livre du général Joseph de La Porte du Theil, fondateur et commissaire général des Chantiers de la Jeunesse, créés par la loi du 30 juillet 1940 promulguée par le maréchal Pétain (voir ici et là). La seconde est extraite du compte Twitter de Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service national universel dans le gouvernement de Mme Borne.
Certes, en 1940, il n’était pas question d’enrôler les jeunes filles dans les Chantiers et la « mixité sociale » ne faisait pas encore partie des « éléments de langage » de la classe politique et des technocrates. Mais un observateur distrait pourrait s’y méprendre tant ces deux citations ont un air de famille et expriment une même vision de la jeunesse à 80 ans de distance. Car la ressemblance ne s'arrête pas là.
L’encadrement des Chantiers de la Jeunesse était constitué de militaires, d’enseignants et d’aumôniers. Alors que Mme El Haïry est placée sous la double tutelle du ministre des Armées et du ministre de l’Éducation Nationale, les jeunes enrôlés dans le SNU sont encadrés par des éducateurs spécialisés, des personnels de l’éducation nationale volontaires et d'anciens militaires et policiers. Si les aumôniers ne sont plus de la partie, les militaires et policiers sont toujours là pour faire marcher la jeunesse au pas.
Les Chantiers, très inspirés du scoutisme, c’était le port de l’uniforme, le salut, l’entrainement physique et la vie dans des camps hors des villes. Le SNU, c’est le port de l’uniforme, le lever des couleurs, des activités physiques et sportives et la vie dans un « centre SNU » situé dans une autre région que la région d’origine.
Le fondateur des Chantiers de la Jeunesse entendait « redresser moralement et physiquement une jeunesse française autour de valeurs traditionnelles telles que le goût du travail, le goût de l’effort, le sens de la discipline et l’amour de la Patrie ». Mme El Haïry croit qu'il faut « renforcer moralement notre pays » et « transmettre le goût de l'effort, du travail, l'assumer aussi ».
Il y a bien sûr quelques différences. Le maréchal Pétain embrigadait les jeunes de 20 ans pendant huit mois. Le président Macron a choisi de le faire dès l'âge de 15 à 17 ans. Les phases obligatoires du SNU ne durant qu'un mois (suivi de trois mois à un an d'engagement facultatif), autant y soumettre des esprits plus malléables. Tenter de se soustraire à l'enrôlement dans les Chantiers était passible d’un emprisonnement de deux mois à cinq ans et d’une amende de 50 à 1000 francs. Selon Politis, le gouvernement envisage de rendre obligatoire le SNU sous peine de ne pas disposer d'une attestation obligatoire pour passer le baccalauréat, le permis de conduire et pour entrer à l’université.
Les formateurs des Chantiers de la Jeunesse, pétainistes convaincus, y trouvaient l’occasion de prolonger leur emprise sur la jeunesse. Lorsque dix ans de présidence Macron auront eu pour conséquence (à moins que ce ne fût son objectif) l’accession du RN au pouvoir, Mme Le Pen disposera à son tour d’un merveilleux outil pour embrigader la jeunesse française. Comme celui que créèrent ceux qui ont inspiré les fondateurs de son parti.

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