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Billet de blog 12 juillet 2024

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Les boutiquiers du Nouveau Front Populaire prennent leur temps

Depuis dimanche soir, les dirigeants de la coalition de gauche offrent un spectacle aussi pathétique que désespérant.

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La fumée blanche n’est toujours pas sortie du conclave du Nouveau Front Populaire (NFP). Ce serait « dans la semaine » a-t-on d’abord entendu, puis « au plus tard vendredi » et puis finalement peut-être pas avant le 18 juillet selon Manuel Bompard qui ne veut pas se fixer de « deadline ».

« Nous avons gagné », « le programme, tout le programme, rien que le programme » ont proclamé dès dimanche soir les dirigeants des partis du NFP. Alors ils pèsent, soupèsent, se toisent pour savoir qui a le plus gros (groupe à l’Assemblée). Il leur faut ménager les égos des uns, faire avec les vétos des autres (ce sont parfois les mêmes). Cela prend du temps, beaucoup de temps, beaucoup trop de temps.

Tout cela résulte d’une analyse du résultat des élections législatives qui relève de la délusion pure et simple. Car les faits sont têtus même s’ils sont déplaisants : l’extrême-droite est arrivée largement en tête au 1er tour et le RN est de loin le 1er groupe à l’Assemblée Nationale. 70% des votants ont apporté leur voix soit à l’extrême-droite soit à ses fourriers de la droite extrême, macroniste ou LR. Ces deux blocs politiques réunissent près des deux-tiers des sièges à l’Assemblée.

Certes, le NFP est la coalition qui réunit le plus de députés et c’est à ce titre qu’il revendique de former le gouvernement. Mais pour qu’il puisse appliquer son programme, encore faudrait-il que le président de la République lui confie la responsabilité du gouvernement et que les deux autres blocs à l'Assemblée (RN et droite extrême) ne se coalisent pas contre lui.

Or M. Macron, qui n’aurait pas hésité une seconde à appeler Jordan Bardella à Matignon en cas de victoire du RN, n’a aucunement  l’intention de nommer un Premier ministre issu des rangs du NFP. Parce que Macron, LR et le RN sont (et ne sont que) des concurrents électoraux qui se disputent le premier rôle pour mener une politique réactionnaire, autoritaire et raciste mais ils n’ont qu’un seul et même adversaire idéologique : la gauche, les syndicats et les mouvements sociaux.

Il n’y a donc aucune chance que le NFP puisse gouverner sur la base du seul rapport de forces au Parlement. Ce n’est que par une puissante mobilisation sociale que Macron et les forces réactionnaires de l’Assemblée auraient pu se voir contraints de reculer. Pour cela, au lieu des interminables palabres et des calculs d’épiciers auxquels se livrent ses dirigeants, le NFP aurait dû dès lundi présenter un candidat au poste de Premier ministre. Mis au pied du mur dès la démission de Gabriel Attal, le plus probable est que le président de la République n’aurait pas nommé le Premier ministre proposé et la démonstration aurait ainsi été faite qu’il entend s’y opposer. En parallèle, le RN, LR et la très grande majorité des macronistes auraient immédiatement brandi la menace d’une motion de censure.

C’est la mise en évidence de ce front « tout sauf le NFP », réunissant les fascistes et les fascisateurs (selon l’expression de Frédéric Lordon), qui aurait pu contribuer dès lundi à une mobilisation sociale prenant le relais de la mobilisation électorale du second tour. Au lieu de cela, le temps passe, Macron et la droite préparent un plan B tandis que les forces sociales qui ont soutenu le NFP se désespèrent en observant la bataille que se livrent les boutiquiers de la gauche pour se répartir les portefeuilles d’un gouvernement qui n’existera sans doute jamais.

Une telle mobilisation pouvait-elle voir le jour ? C’est loin d’être certain mais les dirigeants du NFP auront tout fait cette semaine pour qu’elle n’ait pas lieu. En juin 2019, Charlotte Girard publiait une lettre aux militants LFI leur annonçant qu’elle quittait le mouvement. Elle écrivait ceci : « [Le mouvement des gilets jaunes] nous a dit beaucoup sur notre organisation, en particulier l’écart que nous n’avons pas comblé entre le monde militant institutionnel et les gens. C’est la seconde raison qui me conduit à penser que l’outil, trop tourné vers l’exercice institutionnel du pouvoir, en l’occurrence l’exploitation du seul contre-pouvoir parlementaire que nous avons encore, n’a pas permis de travailler à réduire cet écart. »

Cinq ans plus tard, rien n’a changé. LFI, et donc le NFP dont elle constitue la force principale, demeurent entièrement tournés vers la conquête et l’exercice institutionnel du pouvoir. Les mouvements sociaux sont priés d’attendre que la fumée blanche sorte du conclave réunissant les caciques. D’ici quelques semaines, nous les entendrons se lamenter que M. Macron n’a pas été gentil avec eux et que cela ne se fait pas. En attendant, braves gens, partez donc en vacances et divertissez-vous avec les jeux du cirque de Paris 2024.

Déprimant ? Assurément. Mais réaliste, malheureusement.

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