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Billet de blog 14 juillet 2023

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Le 14 juillet de Narendra Macron

Si M. Macron, en bon directeur commercial de Dassault, espère vendre sa quincaillerie militaire à son hôte, ce n’est pas pour cette seule raison que M. Modi est l’invité d’honneur pour le défilé du 14 juillet 2023. Les nombreuses similitudes entre le régime macroniste et celui de M. Modi expliquent aussi ce nouvel abaissement de ce qui fut la patrie de la Déclaration des Droits de l’Homme.

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Pour s’en convaincre, il convient de lire la tribune publiée par Christophe Jaffrelot dans Le Monde du 26 mai 2023 ou son récent article publié dans La Vie des Idées le 10 juillet 2023. Que lit-on sur le régime de M. Modi sous la plume de ce spécialiste de l’Inde ?

Selon lui, le régime indien Inde évolue vers ce qu’il qualifie « d’autocratie électorale ». « Le Bharatiya Janata Party (BJP) (…) de Narendra Modi, bénéficie d’une couverture médiatique inouïe » selon M. Jaffrelot. Explication : «  le pouvoir s’est employé à réduire la diversité d’opinion qui faisait la richesse des médias indiens en permettant, notamment, aux grands oligarques de s’emparer des chaînes de télévision les plus populaires. » La concentration entre les mains d’une poignée d’oligarques de médias assurant la diffusion de la propagande du régime, cela ne vous rappelle rien ?

Sous M. Modi, « la démocratie indienne est littéralement mise entre parenthèses. Le Parlement n’est plus qu’une vulgaire chambre d’enregistrement. » « Le gouvernement lui-même est devenu un assemblage de personnalités de second ordre où les ministres – sélectionnés de manière à ne pas faire d’ombre au Premier ministre et corrélativement peu compétents en général – lui prêtaient tous allégeance. » La ressemblance est saisissante avec ce qu’il se passe en France depuis 2017.

En Inde, « les instances de lutte anticorruption, comme celle qui est chargée d’appliquer le droit à l’information, ne sont plus dirigées que par des compagnons de route du BJP » En France, M. Dupond-Moretti s’en est pris au Parquet National Financier dès sa nomination et le gouvernement a récemment nommé au poste de procureur général près la Cour de Cassation M. Rémi Heitz dont la souplesse d’échine n’est plus à démontrer.

Alors qu’il dirigeait l’État du Gujarat, M. Modi a laissé les milices du RSS (dont il est issu) se livrer à un pogrom anti-musulman en 2002, avec la complicité de la police de l’Etat. Les responsables de la police ont ensuite été promus par M. Modi. Toutes proportions gardées (car il n’y a pas eu de pogrom en France – pas encore ?), on se souvient que le gouvernement français a nommé au poste de préfet de police de Paris, M. Didier Lallement. Celui que M. Juppé avait qualifié de « nazi » était alors connu pour ses méthodes extrêmement violentes à la préfecture de Gironde. C’est sous son autorité que les violences policières ont atteint un niveau jamais observé en France métropolitaine depuis la guerre d’Algérie.

Dans l’Inde de M. Modi, « les opposants sont victimes d’intimidation ou de répression, des journalistes sont pourchassés, des organisations non gouvernementales privées de financements extérieurs ». Dans la France de M. Macron, des militants écologistes ou syndicaux sont arrêtés, des journalistes sont tabassés pas la police et empêchés de faire leur travail lors des manifestations, des associations sont dissoutes (CCIF, SLT) ou voient leurs subventions menacées par le ministre de l’Intérieur (LDH).

« Outre ces atteintes à l’État de droit, l’Inde bascule dans la xénophobie, les minorités musulmane et chrétienne étant progressivement réduites à un statut de citoyens de seconde zone, comme en témoignent les discriminations dont les premiers sont victimes sur les marchés du travail et du logement. » En France, les populations racisées des quartiers populaires subissent également des discriminations à l’embauche ou pour accéder à un logement. Elles font régulièrement l’objet de contrôles au faciès et de violences de la part de forces de l'ordre assurées d'une totale impunité et bénéficiant de ce fait d'un véritable « permis de tuer ».

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Le Premier ministre indien Narendra Modi reçoit la Grand-Croix des mains du président français Emmanuel Macron. © AFP

Certes, M. Modi, au pouvoir depuis 2014, a plusieurs longueurs d’avance sur M. Macron dans l’évolution vers une « autocratie électorale ». Mais comment ne pas voir que la trajectoire suivie par le président français est identique et que ces derniers mois ont été marqués par une brutale accélération du processus de destruction de l’État de droit en France ? Dès lors, la Grand-Croix de la Légion d'Honneur, remise par M. Macron à M. Modi, n'est pas qu'un goodies offert par le directeur commercial de Dassault à son client, c'est aussi l'hommage du disciple à son maître.

Christian Jaffrelot titrait son article de La Vie des Idées « Narendra Modi, ou la fin de la démocratie indienne ». D’ici quelques années, peut-être quelques mois au train où vont les choses, on lira sans doute dans la presse étrangère un article intitulé « Emmanuel Macron, ou la fin de la démocratie française ».

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