Si ce que son « cher Bibi » fait « aujourd’hui » est inacceptable, c’est donc que cela ne l’était pas aux yeux de M. Macron jusqu’à hier. Plus de 52000 Palestiniens massacrés par l’armée israélienne selon le décompte officiel du ministère de la Santé de Gaza (soit environ 2,5% de la population), des dizaines de milliers ensevelis sous les décombres ou morts faute de soins, que voulez-vous, Israël a « le droit de se défendre » et on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.
Mais ces derniers temps, ce « cher Bibi » exagère un peu et M. Macron en est « bouleversé ». « C’est terrible (…). Il n’y a pas d’eau, il n’y a pas de médicaments. On ne peut plus sortir les blessés. » Fort heureusement, M. Macron, tout « bouleversé » qu’il soit, n'est pas de ceux qui se laissent submerger par leurs émotions. Il se refuse donc à parler de génocide : « Ce n’est pas à un responsable politique d’employer ce terme. C’est aux historiens, le temps venu ». C’est vrai, rien ne presse, laissons donc ce « cher Bibi » exterminer par la famine quelques dizaines ou centaines de milliers de Gazaouis et expulser les survivants. Les historiens pourront étudier la question « le temps venu » en toute tranquillité.
Le président de la République, qui n’a pourtant plus grand-chose à faire depuis les élections législatives de juillet 2024, n’a peut-être pas eu temps de relire la Convention pour la prévention et la répression du crime du génocide, signée par la France le 11 décembre 1948 et ratifiée par la loi n° 50-887 du 1er août 1950. Celle-ci dispose en son article I : « Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir » (souligné par nous).
Le génocide n’est donc nullement une affaire de recherches académiques menées une fois que tout le monde est mort, c’est un crime que les États signataires de la Convention se sont engagés à prévenir. Or la Cour Internationale de Justice de l’ONU, dans un verdict rendu le 26 janvier 2024 (donc bien avant que M. Macron ne soit « bouleversé ») avait ordonné qu’Israël « prenne immédiatement des mesures pour garantir que son armée ne viole pas la Convention sur le génocide » et lui avait demandé « de laisser davantage d’aide entrer dans l’enclave palestinienne ». Le gouvernement israélien a fait très exactement le contraire (sauf pendant le cessez-le-feu que lui a imposé Donald Trump en début d'année) et M. Macron a regardé ailleurs. Pire, la France a continué de livrer des armes à Israël comme l’a révélé Disclose en mars 2024. En n’agissant pas pour prévenir le génocide et en soutenant l’État qui le commet, le président de la République a donc violé la Convention ratifiée par la France.
Imaginons un instant que les pays entourant Israël aient instauré un blocus total du pays, l’aient bombardé sans discontinuer pendant dix-neuf mois, aient détruit toutes les infrastructures (routes, réseaux d’électricité, d’eau, de traitement des eaux usées), aient détruit plus des trois-quarts des habitations, les commerces, les hôpitaux, les écoles, les universités, les synagogues et aient rasé jusqu’aux cimetières, aient tué 250 000 Israéliens (2,5% de la population) dont une majorité de femmes et d’enfants et en soient arrivés à affamer toute la population. Dans de telles circonstances, qui peut croire un instant que M. Macron laisserait aux historiens le soin de qualifier ces actes de génocide ?
Mais n’allez surtout pas penser qu’il pourrait y avoir un « double standard », s’agissant de l’Ukraine d’une part et de Gaza d’autre part. Il n’y en a pas de la part de la France a affirmé M. Macron : « On ne peut pas parler de la guerre en Ukraine si on ne parle pas de Gaza (…), on ne peut pas parler du droit d’un peuple et nier le droit d’un autre ».
Qu’on en juge !
Le 27 février 2022, soit cinq jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les pays occidentaux (dont la France) déclaraient : « Nous avons, avec nos autres alliés et partenaires dans le monde entier, imposé des mesures sévères aux principales institutions et banques russes, ainsi qu'aux architectes de cette guerre, dont le président russe Vladimir Poutine. » Le 14 mai 2025, l’Union Européenne a adopté un 17ème « paquet » de sanctions contre la Russie et M. Macron a annoncé la veille que de nouvelles « sanctions massives » pourraient être prises « dans les prochains jours » si la Russie refusait le cessez-le feu.
S’agissant d’Israël, aucune sanction n’a été prise depuis dix-neuf mois. Le « bouleversé » de la République a indiqué le 13 mai que la France pourrait soutenir la révision de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël : « La question est ouverte de savoir si on doit continuer ces accords en l’état. On ne peut pas faire comme si de rien n’était. On va devoir monter la pression sur ces sujets. »
Des sanctions contre la Russie au bout de cinq jours. Aucune sanction contre Israël au bout de dix-neuf mois mais, promis, juré, « on va devoir monter la pression ». Ce « cher Bibi » en tremble déjà. Les Occidentaux ont aidé militairement l’Ukraine pour qu’elle puisse se défendre et ont fourni à Israël les armes qui ont servi à massacrer les Palestiniens. Mais croyez le Pinocchio de l’Élysée : il n’y a pas de double standard !
Amnesty International a publié le 5 décembre 2024 un rapport dont les conclusions démontrent que les autorités israéliennes commettent un crime de génocide contre la population palestinienne de Gaza. Selon l'Article III de la Convention sur le génocide : « Seront punis les actes suivants : a) Le génocide; b) L'entente en vue de commettre le génocide; c) L'incitation directe et publique à commettre le génocide; d) La tentative de génocide; e) La complicité dans le génocide. »
Le 3 mai 2025, Francesca Albanese, rapporteure spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens, déclarait au media états-unien The Intercept à propos des dirigeants de l’Union Européenne : « Je ne suis pas quelqu’un qui dit « L’Histoire les jugera » - ils devront être jugés avant. »
Dans un monde où régnerait la justice, il ne serait pas nécessaire d’attendre que l’Histoire juge M. Macron : il devrait être jugé et condamné par le Tribunal Pénal International, aux côtés de son « cher Bibi » et comme complice du génocide commis par celui-ci contre le peuple palestinien.

Agrandissement : Illustration 1

Fatma Hassona, photographe palestinienne,
a été assassinée le 16 avril 2025 par l'armée israélienne.