Les images d’enfants décharnés mourant de faim et les vidéos de Palestiniens massacrés par l’armée israélienne alors qu’ils attendaient la distribution de nourriture avaient fini par rendre le soutien inconditionnel à Israël quelque peu problématique. M. Macron lui-même s’était dit « bouleversé » (si ! si !) et avait déclaré que « ce que fait, aujourd’hui, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou est inacceptable ». « Inacceptable » mais accepté puisque M. Macron se garde bien de prendre quelque sanction que ce soit et poursuit la livraison d’armes à Israël (voir les révélations de Disclose ici, ici et là). Le « bouleversé » de l’Élysée sait maitriser ses émotions.
Pour les chaînes d’infox en continu, habituées à déverser la propagande israélienne 24 heures sur 24, feindre d’afficher quelque compassion pour des Palestiniens devenait pesant. N’oublions pas que, comme l’écrivait Theodor Herzl à propos d’un futur état juif : « Pour l’Europe, nous constituerions là-bas un avant-poste contre l’Asie, nous serions l’avant-garde de la civilisation contre la barbarie. » Les « barbares » méritent-ils que l'on dénonce, ou simplement que l’on montre, les massacres commis par « l'avant-garde de la civilisation » ? Poser la question, c’est y répondre pour nos chaînes d’infox.
Ce ne fut qu'un mauvais moment à passer car l’attaque lancée par Israël contre l’Iran a permis de remettre les choses à leur juste place. M. Macron a immédiatement déclaré : « La France réaffirme le droit d'Israël à se protéger et à assurer sa sécurité. » Celles et ceux qui ont naïvement cru que c’est Israël qui avait attaqué l’Iran le 13 juin 2025 et non l’inverse n’ont décidément rien compris : Israël n’attaque jamais, il ne fait que se défendre comme « c’est son droit ». Et le pays qui réplique à ces attaques est en réalité celui qui attaque (voir le Manuel d’interprétation d’une attaque par Israël). Le président de la République n’a pas eu un mot pour dénoncer les centaines de victimes civiles en Iran. Bien au contraire, selon M. Macron, « l’Iran porte une lourde responsabilité dans la déstabilisation de toute la région ». Pas Israël qui a rasé Gaza, rasé le sud Liban, bombardé le Yémen, la Syrie et maintenant l’Iran. Et pas les États-Unis qui ont dénoncé en 2018 l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA) signé en 2015. On ne va quand même pas prendre le risque d’irriter l’oncle Donald pour si peu, il serait capable de doubler les droits de douane sur le cognac vingt ans d’âge !
Parmi les sujets qui fâchent ce « cher Bibi », il y avait aussi cette conférence à l'ONU sur l'État palestinien, qui devait se tenir du 17 au 20 juin à New York. De son côté, M. Trump a menacé les pays qui prendraient des « mesures anti-israéliennes » dans le cadre de cette conférence et a fait savoir qu’ils seraient considérés comme agissant en opposition avec les intérêts américains et pourraient en subir les conséquences diplomatiques. L’attaque de l’Iran a permis à M. Macron d’annoncer le report sine die de cette conférence, « pour des raisons logistiques et sécuritaires ». On en reparlera donc à la Saint-Glinglin. Merci à ce « cher Bibi » qui enlève ainsi une épine du pied au président de la République.
Dès l'attaque d'Israël (qui n'en est pas une, ne l'oublions pas), les chaînes d’infox en continu ont immédiatement hiérarchisé l’information comme elles savent si bien le faire. Allaient-elle parler des dizaines de Gazaouis massacrés chaque jour par l’armée israélienne (89 aujourd’hui dont près de 70 étaient venus pour recevoir de l’aide humanitaire) ? Allons, allons, il y a bien plus important ! C'est ainsi que BFMTV a partagé le témoignage poignant d’un habitant de Tel-Aviv : « On n'a presque pas dormi cette nuit ». S’il avait subi les méthodes de « l’armée la plus morale du monde », ce citoyen israélien n’aurait pas enduré une telle privation de sommeil : lui, sa famille et ses voisins auraient été déchiquetés pendant la nuit. Comme des dizaines de milliers de Gazaouis, hommes, femmes et enfants, depuis 20 mois.