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Billet de blog 18 février 2023

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Détruire, supprimer et leurs nombreux synonymes en novlangue macronienne

Simplifier, renforcer, fluidifier ou encore sauver. Autant de verbes dont l’utilisation ad nauseam par la propagande du régime illustre ce propos de l’écrivain Erri de Luca : « La langue est un système d’échange comme la monnaie. La loi punit ceux qui impriment de faux billets, mais elle laisse courir ceux qui écoulent des mots erronés. »

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Dans l’exposé des motifs du projet de loi présenté par le gouvernement Philippe en juin 2017 pour « le renforcement du dialogue social », on lisait ceci : « Le dispositif de prévention et de compensation de la pénibilité sera fortement simplifié pour les entreprises ». Simplifier signifiait supprimer quatre des dix critères de pénibilité prévus par la loi sur les retraites de 2014 (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et exposition aux agents chimiques dangereux), ceux qui ont précisément le plus d’impact sur la santé des travailleurs concernés et leur permettaient de bénéficier d’une retraite anticipée. Ils déplaisaient à M. Macron qui avait déclaré pendant la campagne de 2017 : « Je n’aime pas le terme [de pénibilité] donc je le supprimerai. Car il induit que le travail est une douleur. » Le monarque n’aime pas : il supprime. Pardon : il simplifie.

Ce même projet de loi de 2017 avait aussi pour objectif de « simplifier et renforcer le dialogue économique et social et ses acteurs, notamment au travers d’une refonte du paysage des institutions représentatives du personnel. » La refonte en question consistait à supprimer les comités d’entreprise, les délégués du personnel et les CHSCT pour les remplacer par un Comité Social et Economique (CSE). Trois ans plus tard, le syndicat Force Ouvrière, qui n’est pas connu pour son extrémisme,  dressait le bilan suivant : « manque de moyens, perte de proximité avec le terrain, relégation au deuxième plan des questions de santé et de sécurité ». En Macronie, simplifier égale supprimer et renforcer égale affaiblir.

Dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances 2018, le gouvernement annonçait « une réforme globale du régime d’imposition des revenus de l’épargne, dans une logique de simplification des dispositifs existants, afin d’en améliorer la lisibilité et la prévisibilité. » Il s’agissait d’instaurer le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, réduisant ainsi le taux d’imposition de ces revenus pour les contribuables les plus riches. Le même projet de loi prévoyait la suppression de l’ISF. Simplifier, c’est réduire voire supprimer.

Dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif à l’accélération de la construction de nouvelles centrales nucléaires, il est indiqué que l’objectif est « de simplifier et d'accélérer la mise en œuvre de projets de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires en France ». Heureuse coïncidence,  le gouvernement vient d’annoncer son intention de « fluidifier les processus d’examen technique et de prise de décision de l’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) » en transférant à l’ASN les experts de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). En clair, pour que les experts de l’IRSN ne viennent pas freiner la construction au pas de charge des EPR2 chers à M. Macron, il est mis fin à l’indépendance dont ils disposaient vis-à-vis de l’ASN. Simplifier et fluidifier, c’est démanteler.

Allez savoir pourquoi, le gouvernement est souvent amené à « sauver » ce qu’il a précédemment simplifié, renforcé et fluidifié. C’est ainsi que M. Macron a annoncé en janvier son plan pour « sauver l’hôpital public » et que Mme Borne s’emploie maintenant à « sauver notre système de retraite ». On l’aura compris : sauver en novlangue, c’est achever de détruire.

« Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée, car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. » George Orwell , 1984.

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