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Billet de blog 18 juillet 2022

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Gérald Darmanin et les « interpellations » du Vél d’Hiv

« Il y a 80 ans, la barbarie nazie frappait Paris en son cœur. Plus de 13 000 juifs, dont 4 000 enfants, étaient interpellés par la Police de Vichy, lors de la rafle du Vél d’Hiv, avant d’être déportés. Personne ne peut oublier. » Gérald Darmanin, le 17 juillet 2022.

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Rien ne va dans ce tweet publié par le ministre de l’Intérieur à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv.

D’abord, ce n’est pas « la barbarie nazie » qui a frappé le 17 juillet 1942 à Paris. La rafle du Vél d’Hiv, ce n’est pas le massacre d’Oradour-sur-Glane perpétré par la division SS Das Reich en juin 1944. Ce ne sont pas des soldats allemands mais des policiers français, exécutant les ordres du gouvernement français, qui ont perpétré ce crime.

Ensuite, il ne s’agissait pas non plus d’une « interpellation » mais d’une rafle. Une interpellation est définie comme « une sommation adressée par un agent de l’autorité à un individu en vue d’un contrôle ou d’un rappel à l’ordre » et « ne peut avoir lieu que lorsque les faits constatés encourent une qualification criminelle ou délictuelle ». M. Darmanin pourrait-il nous expliquer de quels crimes ou délits étaient suspectés les 13000 juifs « interpellés » ?

Enfin, ce n’est pas « la Police de Vichy » qui a commis ce crime, c’est la Police Nationale, aux ordres du gouvernement français et dirigée par le secrétaire général René Bousquet (futur ami de François Mitterrand). De même que les centaines d’Algériens noyés à Paris le 17 octobre 1961 l’ont été par la Police Nationale, aux ordres du gouvernement français et dirigée par le préfet Maurice Papon, ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde, entre 1942 et 1944, et organisateur de la rafle de Juifs à Bordeaux du 15 au 17 juillet 1942. La boucle était bouclée.

Le régime de M. Macron illustre à la perfection cette phrase de l’écrivaine indienne Arundhati Roy : « Pour les États et les entreprises, l'unique objet de la langue est de masquer les intentions ». Tordre le sens des mots jusqu’à leur faire dire le contraire de ce qu’ils signifient : de même que selon Mme Borne, réduire les allocations chômage, c’était « lutter contre la précarité et assurer plus d’équité », de même une rafle devient une simple « interpellation » pour le ministre de l’Intérieur.

Il est vrai que, s’agissant des Juifs, M. Darmanin n’a jamais fait dans la dentelle. Dans son livre Le séparatisme islamiste publié en 2021, le ministre louait la politique d’intégration de Napoléon à l’égard des Juifs. On pouvait y lire sous sa plume que l’Empereur « s’intéressa à régler les difficultés touchant à la présence de dizaines de milliers de juifs en France. Certains d’entre eux pratiquaient l’usure et faisaient naître troubles et réclamations ». Et de citer une lettre de Napoléon à son ministre de l’Intérieur : « Notre but est de concilier la croyance des juifs avec les devoirs des Français et de les rendre citoyens utiles, étant résolu de porter remède au mal auquel beaucoup d’entre eux se livrent au détriment de nos sujets. »

Rien d’étonnant donc à ce que M. Darmanin ait pu trouver « un peu branlante, un peu molle » la présidente d’un parti qui a été fondé par d’anciens Waffen-SS, miliciens et collaborationnistes . Rien d’étonnant à ce qu’il fasse partie d’un gouvernement dont la Première ministre juge que « la France a perdu un peu de son âme » en juillet 1942. Oui, n'exagérons rien, juste « un peu ». Et rien d’étonnant enfin à ce qu’il se sente très à l’aise sous l’autorité d’un président de la République qui a rendu hommage à Pétain et qui emprunte à Maurras le concept de « nation organique ».

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