En 2017, l’effondrement du PS et les casseroles de M. Fillon permirent à M. Macron de remporter l'élection présidentielle. Ce fut la première édition du « barrage » contre le RN : une élection obtenue grâce aux voix d’électeurs de gauche voulant à tout prix écarter Marine Le Pen de l’Élysée. A peine élu, le nouveau président de la République s’empressa de donner un grand coup de barre à droite en nommant un Premier ministre (Édouard Philippe) et des ministres issus de LR (Gérald Darmanin et Bruno Le Maire).
Durant cinq ans, M. Macron et ses gouvernements successifs menèrent la politique la plus réactionnaire de ces dernières décennies : fiscalité favorable aux plus riches, précarisation des salariés par le détricotage du droit du travail, paupérisation par la baisse des allocations logement et des allocations de chômage, atteintes innombrables aux libertés publiques (loi SILT, loi séparatisme, loi asile et immigration, état d’urgence sanitaire) et répression sanglante du mouvement des gilets jaunes. En parallèle et avec le concours des médias publics et privés à la botte du pouvoir, ils érigèrent le RN en partenaire-opposant afin de garantir la présence de Mme Le Pen au second tour de la présidentielle de 2022.
En 2022, M. Macron s’est donc retrouvé à nouveau face à la dirigeante du RN au second tour. Après avoir escamoté la campagne du premier tour en ne daignant même pas présenter un programme, il s’est souvenu des électeurs de gauche entre les deux tours pour leur demander de faire à nouveau « barrage » à Mme Le Pen. Ce qu’ils firent bien que dans une moindre proportion qu’en 2017.
Une fois réélu avec les voix de la gauche, M. Macron mit à nouveau le cap à droite avec la réforme des retraites contre tous les syndicats et 90% des actifs puis à l’extrême-droite avec la loi immigration qui vit les députés macronistes, LR et RN voter ensemble un texte reprenant le cœur du programme du RN depuis des décennies : la préférence nationale. Et de nouveau, ce pouvoir déclencha une violente répression des manifestations contre la réforme des retraites et une « pacification » des émeutes des banlieues en juin 2023 digne de l’époque coloniale.
En juin 2024, le parti de M. Macron subit deux échecs cinglants aux élections européennes et au premier tour des élections législatives. L’extrême-droite arriva largement en tête lors de ces deux scrutins confirmant ainsi l’adage de Jean-Marie Le Pen : les électeurs préfèrent l’original (le RN) à la copie (ReNaissance). Après avoir réservé tous leurs coups au Nouveau Front Populaire (NFP) avant le premier tour lors d’une campagne digne de Trump, c’est grâce aux désistements de plus d’une centaine de candidats du NFP que les macronistes parvinrent à éviter la débâcle au second tour. Pour la troisième fois, les électeurs de gauche firent donc « barrage » à l’extrême-droite.
Dès le lendemain du deuxième tour des législatives et mettant à profit les divergences stratégiques entre LFI et PS, M. Macron et ses affidés commencèrent les grandes manœuvres pour tenter de convaincre les députés LR de former une coalition de droite dont le nombre de députés dépasse celui du NFP, du moins sur le papier.
C’est dans ce cadre que fut réélue Mme Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée Nationale. Celle-là même qui sabota la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Benalla en tant que présidente de la Commission des Lois en 2018, celle qui n’a eu que des compliments pour les deux vice-présidents RN depuis 2022, celle qui a prononcé d’innombrables sanctions contre les députés LFI, celle qui a affirmé en octobre 2023 le soutien « inconditionnel » de la France à Israël et s’est rendue à Tel-Aviv avec M. Meyer Habib (l’agent de M. Nétanyahou à l’Assemblée Nationale) et M. Ciotti. Elle doit sa réélection aux promesses de postes-clé à l’Assemblée faites à LR et à la participation au vote des ministres du gouvernement démissionnaire, en violation de la séparation des pouvoirs inscrite dans la Constitution.
Cinq semaines après la déroute des européennes, deux semaines après l’échec cuisant aux législatives, M. Macron continue d’exercer pleinement le seul pouvoir qui lui reste : le pouvoir de nuisance. M. Attal est toujours Premier ministre, M. Le Maire s’applique à lier les mains du prochain gouvernement vis-à-vis de la Commission Européenne, M. Darmanin continue d’insulter les électeurs de gauche à chaque intervention et la garde-chiourme de l’Assemblée Nationale en est à nouveau la présidente.
Cela suffira-t-il à dessiller les yeux de ceux qui au PS, au PCF et à EELV croient possible de gouverner avec le soutien – ou du moins l’abstention - des « macronistes de gauche » et des « gaullistes sociaux », ces êtres que personne n’a jamais aperçus mais dont les médias ne cessent de parler, un peu comme les extra-terrestres. Ce qui se trame depuis le 7 juillet et qui a abouti à l’élection de Mme Braun-Pivet démontre s’il en était besoin que les projets de « tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d'un programme d'urgence républicaine » (selon les termes de la tribune du 11 juillet 2024 signée par Mme Tubiana) ne sont au mieux qu’une chimère et au pire les prémices d’un reniement. Car qui peut encore croire que les macronistes, LR et le RN laisseront passer le SMIC à 1600€, l’abolition de la réforme des retraites, une fiscalité plus juste, etc… ? La grande erreur des médiocres dirigeants du NFP aura été de ne pas être capable dès le lundi 8 janvier de proposer un Premier ministre pour mettre M. Macron au pied du mur et provoquer un vote de censure par les députés d’Ensemble, du LR et du RN. A quelques jours du 235ème anniversaire de la nuit du 4 août 1789, ils auraient ainsi fait la démonstration que tous ces gens marchent main dans la main pour le maintien des privilèges.
Quant aux électeurs de gauche, après ce n-ième crachat au visage, il ne faudra plus trop compter sur eux une quatrième fois en 2027 quand il s’agira de choisir entre l’extrême-droite et l’un de ses fourriers. En dix ans, M. Macron aura donc tout détruit : la Sécurité Sociale (au sens du CNR), les services publics, l’État de droit, les libertés publiques et pour finir, les conditions mêmes de son accession et de son maintien au pouvoir.

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