Le Grand Épidémiologiste qui exerce rue du Faubourg Saint-Honoré nous avait avertis dès le mois d’août 2020 : « Pour surmonter la crise sanitaire, nous devons apprendre à vivre avec le virus. Il n'y a pas de fatalité : si nous faisons preuve d'unité et de sens des responsabilités, nous réussirons. » De mauvais esprits pourraient faire observer que 150 000 personnes en sont mortes mais ce serait d’une grande mesquinerie : ces gens n’ont tout simplement pas su « apprendre » ou alors n’ont pas fait preuve de « sens des responsabilités ». Pas assez intelligents et pas assez subtils.
Les records de température qui ont été pulvérisés ces derniers jours ont aussi conduit le nouveau ministre de la Santé à annoncer un ambitieux plan d’action : « La canicule devient un phénomène récurrent, particulièrement depuis 2003, il va falloir vivre avec, tout comme il va falloir vivre avec la Covid. » Cette fois, plus besoin d’apprendre, il va juste « falloir vivre avec » : voilà qui devrait quand même être à la portée « des gens qui ne sont rien ». Depuis la nuit des temps, l’être humain est mouillé quand il pleut et glisse quand il neige. Il n’y a pas de raison qu’il ne s’habitue pas à prendre un petit coup de chaud quand il fait plus de 40° à l’ombre. Faites preuve d’un peu de « résilience », les gueux, enfin !
Lors d’une rencontre avec les députés NUPES de Seine-Saint-Denis qui lui demandaient « des mesures d’urgence » face au recrutement insuffisant d’enseignants pour la prochaine rentrée scolaire, le ministre de l’Éducation a répondu qu’il faudrait « faire avec les moyens du bord ». On notera ici une variation : il s’agit de « faire avec » et non de « vivre avec ». Ce gouvernement a décidément plus d’une corde à son arc.
Est-ce à dire que le « gouvernement d’action » nommé par le président de la République resterait les bras croisés ? Pas du tout, contrairement à ce qu’une « gauche sale, débraillée et qui crie partout » voudrait nous faire croire. Pour combattre les canicules à répétition avec lesquelles il « faudra vivre », le ministre de la Santé compte « sur la responsabilité de chacun » et sur « les bons réflexes » à observer, par exemple « s’hydrater avec de l’eau » quand il fait très chaud. Face à une éventuelle coupure des approvisionnements en gaz russe, le porte-parole du gouvernement nous appelle à multiplier « les petits gestes du quotidien » pour économiser l’énergie. Par exemple « débrancher un maximum de prises électriques (…) et couper le wifi quand on part en vacances ». Quant au ministre des Transports, il a trouvé la solution pour limiter les effets de la hausse des tarifs du train et invite les usagers à « réserver leur billet en avance (…) en choisissant les heures ou les jours qui sont un peu moins coûteux ».
Ce « gouvernement d’action » fourmille donc d’idées plus « disruptives » les unes que les autres : boire de l’eau quand il fait chaud, éteindre la lumière et le wifi pendant les vacances, partir en novembre pour fêter Noël à moindre coût. Comme il est toujours dans l’anticipation, il se murmure qu’il prépare déjà un plan ambitieux en cas de coupures d’électricité pendant l’hiver : nous conseiller de mettre un pull.
Enfin, il n’y a pas un domaine des politiques publiques qui ne fasse pas l’objet d’un numéro vert, d’un « grand débat », d’une « grande cause » ou d’un « grand chantier ». Que pourrait faire de plus ce « gouvernement d’action » pour lutter contre la propagation du Covid, le manque de lits et de soignants dans les hôpitaux, d’enseignants dans les écoles, collèges et lycées, le réchauffement climatique et l’inflation ? Vraiment, on ne voit pas.
Mais il va falloir aussi vivre sans. Sans allocations de chômage décentes, sans retraite avant 65 ans ou plus si affinités, sans hausse des salaires, sans services publics qui fonctionnent, etc.. Et là, le « gouvernement d’action » agit.

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