Le 29 juin 2023, à Saint-Denis, Mehdi, 21 ans, a été éborgné par un tir de LBD. Dans la nuit du 1er au 2 juillet, à Marseille, Hedi a été atteint par un tir de LBD à la tempe, puis il a reçu des coups de poing, de pieds, a eu la mâchoire cassée et a l'œil gauche qui ne voit plus. Dans la même nuit, toujours à Marseille, Mohammed B. mourait d’un arrêt cardiaque après avoir reçu un tir de LBD au thorax. Ce déchainement de violences policières faisait suite au meurtre de Nahel par un policier à Nanterre le 27 juin.
Être passé à tabac, éborgné ou tué par la police quand on est jeune et qu’on n’a pas la peau blanche, c’est devenu la routine en France. En règle générale, cela ne prête guère à conséquence : au pire quelques mois de prison avec sursis sans inscription au casier judiciaire afin que les auteurs de ces exactions puissent continuer à sévir dans la police. Parfois même, une petite promotion.
Or voilà que la justice, avoir mis en examen et placé le meurtrier de Nahel en détention provisoire vient de faire de même avec un des quatre policiers qui ont sauvagement agressé Mehdi. Cette fois, c’en est trop. Les collègues de quatre policiers mis en cause à Marseille ont formé une haie « d’honneur » à leur sortie des bureaux de l’IGPN. Tabasser quelqu’un et le laisser pour mort, cela mérite bien quelques applaudissements, tout de même. Plusieurs centaines de policiers se sont depuis fait porter pâle sans que le gouvernement, si préoccupé par « l’explosion » des arrêts maladie, ne réagisse.
Dans un entretien au Parisien, le Directeur Général de la Police Nationale Frédéric Veaux a fait part des insomnies que lui cause le fait de savoir qu’un policier mis en examen est en détention provisoire. « De façon générale, je considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail » a-t-il déclaré. Certes, l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, dispose que « la loi doit être la même pour tous » mais enfin, il est grand temps de remiser ces vieux principes au rayon des antiquités. Et le DGPN d’ajouter : « Il faut se donner les moyens techniques et judiciaires pour que ce fonctionnaire de police retrouve la liberté. » La séparation des pouvoirs, une autre vieillerie.
Frédéric Veaux a immédiatement reçu le soutien du préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, qui fut secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur de 2018 à 2020 et qui supervisa à ce titre la campagne d’éborgnage et de mutilations contre les gilets jaunes.
Nous voici donc en ce mois de juillet 2023 avec les deux plus hauts responsables de la police nationale qui remettent en cause une décision de justice. Soit le ministre de l’Intérieur ne dirige plus son ministère, soit plus probablement ces deux hauts fonctionnaires ont reçu l’aval de Gérald Darmanin avant de faire ces déclarations. On se souvient en effet que ce dernier avait participé en mai 2021 à une manifestation devant l’Assemblée Nationale lors de laquelle le secrétaire général du syndicat Alliance avait déclaré devant des milliers de policiers factieux : « Le problème de la police, c'est la Justice ». Lors de cette même manifestation, le responsable du syndicat Unité-SGP Police des Yvelines annonçait la couleur : « Si cette mobilisation s’avère efficace et très forte, les digues céderont, les digues, c’est-à-dire, les contraintes de la Constitution. »
Selon Le Parisien, Gérald Darmanin, n’a pas digéré de ne pas avoir été nommé Premier ministre : « Il se sent trahi, il est dégoûté, il ne va pas se laisser humilier longtemps ». En mai 1958, les généraux d’Alger firent nommer De Gaulle à Matignon pour abattre la IVème République. La haute hiérarchie policière serait-elle à la manœuvre pour contraindre Emmanuel Macron à nommer leur homme-lige au même poste et enfin faire « céder les digues » ?
Karl Marx écrivait dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte : « Hegel fait remarquer quelque part que, dans l'histoire universelle, les grands faits et les grands personnages se produisent, pour ainsi dire, deux fois. Il a oublié d'ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde comme farce. Caussidière pour Danton, Louis Blanc pour Robespierre, (...), le neveu pour l'oncle. »
La farce a-t-elle commencé ?

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Mes remerciements à Fred Sochard à qui j'ai emprunté ce dessin.