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Billet de blog 27 avril 2024

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La police et la justice françaises au service de Netanyahou

Interdictions de manifestations et de réunions publiques, convocations par la police souvent suivies de poursuites judiciaires et même de lourdes condamnations pour « apologie du terrorisme » : les manifestations de solidarité avec le peuple palestinien sont durement réprimées par un gouvernement français jouant les supplétifs de ce « cher Bibi ».

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Dans une circulaire du 10 octobre 2023, le garde des Sceaux exigeait du parquet « une réponse pénale ferme et rapide » aux propos « susceptibles de revêtir les qualifications d’apologie de terrorisme (…) prévues par l’article 421-2-5 du code pénal. » Ce délit relevait du droit de la presse depuis la loi du 29 juillet 1881 jusqu'à ce qu'il soit introduit dans le droit commun par la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 (signée, rappelons-le, par François Hollande, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira).

Cette loi liberticide fut votée à la suite de la guerre menée par Israël à Gaza pendant l’été 2014. Déjà. A cette occasion, le président Hollande avait soutenu inconditionnellement le gouvernement Netanyahou. Déjà. Des manifestations de solidarité avec le peuple palestinien avaient été interdites et réprimées par le gouvernement Valls. Déjà.

Le régime macroniste n’innove donc en rien mais il porte la répression et les atteintes à la liberté d’expression, de réunion et au droit de manifester à un niveau inconnu depuis la guerre d’Algérie. C’est pour « apologie du terrorisme » que Mathilde Panot, Anasse Kazib et Rima Hassan ont été convoqués par la police et que le secrétaire départemental CGT du Nord Jean-Paul Delescaut a été condamné à un an de prison avec sursis. Selon cet article de Mediapart, 385 signalements pour des propos liés à la guerre contre la Palestine ont été transmis à la justice entre le 7 octobre et le 31 décembre 2023 et une enquête a été lancée dans presque tous les cas.

Des dizaines d’autres plaintes ont été déposées et visent presque exclusivement des responsables ou militants de gauche ou d’extrême-gauche. Parler de génocide commis par Israël à Gaza comme la Rapporteure spéciale des Nations Unies ou parler d’apartheid comme B’Tselem, Human Rights Watch et Amnesty International, c’est s’exposer au risque de poursuites. Ministère de l’Intérieur, ministère de la Justice et organisations proches du gouvernement Netanyahou marchent main dans la main pour intenter ces procédures bâillon. Des membres de l’une de ces associations, l’Organisation Juive Européenne (OJE), ont leur rond de serviette dans des médias d’extrême-droite tels que CNews, Causeur et Valeurs Actuelles. Quelle surprise !

En France, sous le régime de M. Macron, commettre des dégradations matérielles mineures sur le site de Lafarge ou manifester sa solidarité avec un peuple massacré par l’armée israélienne (plus de 34000 morts à ce jour) est bien plus grave aux yeux du gouvernement que le financement de l’État islamique par Lafarge (*).

Qu’est donc devenu ce pays ?

Près de six mois après la guerre des Six Jours au terme de laquelle Israël a occupé la Cisjordanie, Gaza et le plateau du Golan, le président de la République de l’époque déclarait dans une une conférence de presse tenue le 27 novembre 1967 : « A la faveur de l’expédition franco-britannique de Suez, on avait vu apparaître, en effet, un État d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir. Ensuite, l’action qu’il menait pour doubler sa population par l’immigration de nouveaux éléments, donnait à penser que le territoire qu’il avait acquis ne lui suffirait pas longtemps et qu’il serait porté, pour l’agrandir, à utiliser toute occasion qui se présenterait. (…) Maintenant, il organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour, il qualifie de terrorisme. »

Ce président de la République, c’était de Gaulle. En écoutant ce dernier resituer le conflit dans sa dimension historique (et notamment coloniale), mettre les mots sur l'action d'Israël (occupation, oppression, répression et expulsions) et identifier ses conséquences (résistance palestinienne qualifiée de terrorisme par Israël), on ne peut qu'être frappé par l’inculture historique de celui qui préside à présent ce pays et par l'indigence intellectuelle des discours qu'il a prononcés depuis le 7 octobre 2023. Puis faire le triste constat que, 56 ans plus tard, quiconque tient aujourd’hui en France des propos de même nature est susceptible d'être poursuivi puis condamné pour « apologie du terrorisme », voire pour antisémitisme, par la justice du régime macroniste.

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(*) A propos de terrorisme et de « réponse pénale ferme et rapide », observons que ce gouvernement s'acharne à débusquer des signes « d'apologie du terrorisme » dans toute expression de solidarité avec le peuple palestinien et, « en même temps » envoie la police anti-terroriste interpeller, placer en garde à vue et engager des poursuites contre des militants écologistes. Leur crime : avoir vidé des sacs de pigment de coloration pour béton et des barils de sable sur un site du cimentier Lafarge. Lafarge qui a financé l’État Islamique, ce dont la diplomatie et les services de renseignements français étaient parfaitement informés. Qui peut croire que le président Hollande et le gouvernement Valls – dont le ministre de l’Économie était un certain Emmanuel Macron – ne l’étaient pas ? Serait-ce pour cette raison que la justice française prend son temps et que M. Dupond-Moretti semble avoir oublié de rappeler au parquet la nécessité « d’une réponse pénale ferme et rapide » ? Aux États-Unis, Lafarge a versé 778 millions de dollars au département de la justice contre l’extinction des poursuites.

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