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Font-elles partie des 45 484 morts, des 11 160 disparus ou des plus de 108 090 blessés selon les derniers chiffres du 29 décembre 2024. Ont-elles perdu leur père ou leur mère, leurs frères ou leurs sœurs, leurs oncles ou leurs tantes, leurs cousins ? Ont-elles été blessées, amputées d’une main, d’un bras ou d’une jambe ou bien sont-elles physiquement indemnes mais traumatisées à vie par ce qu’elles ont vécu ?
A Gaza, Israël a détruit des centaines de milliers de vie mais aussi les conditions même de la vie pour celles et ceux que l’armée d’occupation n’a pas encore assassinés. Les infrastructures (routes, réseaux d’eau, d’énergie, de traitement des eaux usées), les habitations, les écoles, les universités, les bibliothèques, les hôpitaux, les commerces, les cultures, le patrimoine architectural et archéologique, les lieux de culte et même … les cimetières sont détruits.
Depuis trois mois, dans le nord de Gaza, tout ce qui n’avait pas encore été détruit après le 7 octobre 2023 a été, est ou sera méthodiquement rasé par Israël. La vie doit disparaitre et la mémoire doit disparaitre. Une fois le nord de Gaza annihilé viendra le tour du sud et de la Cisjordanie. Israël a décidé d'effacer le peuple palestinien de la surface de la Palestine. Avec le soutien politique, économique, diplomatique indéfectible et les armes fournies par les États-Unis et ses vassaux occidentaux.
A de rares exceptions près (au premier rang desquelles l’admirable journal Haaretz), la société israélienne ne veut pas voir ce qui se passe à Gaza et souvent même s’en réjouit. Rien d’étonnant hélas pour qui a lu le Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire : « Il faudrait d'abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l'abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral. »
A propos des pays occidentaux en général et de la France en particulier, les paroles de Césaire résonnent elles aussi avec une singulière acuité. Chaque fois qu’il y a à Gaza un enfant qui meurt sous les bombes et qu’en France on accepte, « il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s'opère, une gangrène qui s'installe, un foyer d'infection qui s'étend et qu'au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et « interrogés », de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l'Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l'ensauvagement du continent. »
L’année 2024 entrera dans l’Histoire comme celle où l’humanité a assisté jour après jour au génocide d’un peuple par l’État d’Israël avec la participation et le soutien des pays occidentaux. Elle entrera aussi dans l’Histoire comme l’année où « l’ensauvagement » de l’Occident (pour reprendre le mot d’Aimé Césaire) a atteint un point de non-retour.