Les courtisans de l’Élysée frétillent de plaisir. Leur maître sera le premier chef d’État au monde à être reçu en visite d’État par le président Biden et le premier président français à recevoir à deux reprises les honneurs d’une visite d’État à Washington. Pour un dirigeant à qui la communication tient lieu de politique, c’est à la fois une consécration et la reconnaissance de l’importance qu’il s’attribue sur la scène internationale.
Et pourtant, en septembre 2021, la signature du pacte AUKUS entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie à la barbe de la France avait fortement marri M. Macron et ses ministres. « Coup dans le dos », « rupture de confiance entre alliés », « trahison », les ministres de la Défense et des Affaires Étrangères avaient alors puisé dans un registre lexical qui relevait plus du dépit amoureux que de la diplomatie. M. Macron avait convoqué un Conseil de défense et rappelé pour consultations l’ambassadeur de France à Washington. On allait voir ce qu’on allait voir. On a vu. Le caniche est rentré à la niche après avoir mordillé les mollets de l’oncle Joe. « Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise », « il faut tourner la page et se tourner vers l’avenir », bla bla bla bla bla.
Quinze mois plus tard, M. Macron est de nouveau inquiet car le président des États-Unis a fait une nouvelle crasse à la France et plus généralement à l’Union Européenne. Le plan Biden de 370 milliards de dollars pour financer des investissements dans le secteur des énergies dites renouvelables sur le sol américain est en effet de nature à attirer les entreprises implantées en Europe et risque d’y accélérer la désindustrialisation. A cela s’ajoute le coût de l’énergie, bien plus faible aux États-Unis qu’en Europe à la suite des sanctions décidées par les Occidentaux contre la Russie.
C’est déloyal va dire le président de la République à M. Biden. Et pourtant, la vente à la découpe de l’industrie française au profit des entreprises états-uniennes (Technip, Alstom, Latecoere et bientôt Exxelia), cela ne lui a jamais fait peur à M. Macron. Et d’autant moins que cela profitait à ses amis banquiers d’affaires qui contribuaient ensuite à financer sa campagne présidentielle. Mais là, Joe, cela tombe vraiment mal, en pleine vague d’inflation et alors que beaucoup de ménages n'auront pas les moyens de payer le gaz vendu à prix d'or par les États-Unis à leurs « amis » européens. Si en plus, les entreprises se mettent à délocaliser outre-Atlantique, la France dont l'industrie a déjà été laminée par la politique de l'Union Européenne avec le concours actif de M. Macron va finir de se transformer en un musée pour touristes américains et chinois.
Pour éviter que cela se voit trop rapidement, le gouverneur Macron se rend donc à Washington pour y supplier l’Oncle Joe de faire un geste, comme d'autres allaient à Canossa. Il n’a pas besoin de grand-chose, juste un tout petit geste lui permettant de raconter une histoire pour endormir le bon peuple. Après les 21 coups de canon et le fastueux diner d’État à la Maison Blanche, Joe Biden saura prodiguer quelques bonnes paroles à l’égard de la France - « notre plus vieil allié », Lafayette, bla bla bla -. Joignant le geste à la parole, il donnera une petite tape amicale sur les genoux de son hôte et cela devrait le faire. Les gazettes de la Cour ont déjà préparé les éditoriaux dithyrambiques pour vanter les résultats exceptionnels de ce voyage.

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