Marwan Muhammad (avatar)

Marwan Muhammad

Auteur, statisticien.

Abonné·e de Mediapart

16 Billets

0 Édition

Billet de blog 10 mai 2022

Marwan Muhammad (avatar)

Marwan Muhammad

Auteur, statisticien.

Abonné·e de Mediapart

Ceux dont Taha Bouhafs est le nom

Depuis l'annonce de sa candidature aux élections législatives, Taha Bouhafs fait l'objet d'une campagne de déstabilisation et d'intimidation d'une ampleur et d'une violence inédite. À travers lui, ce sont également toutes celles et ceux qui auraient pu se sentir représentés par Taha qui sont visés, que lui-même avait mis à l'honneur, dans son ouvrage "Ceux qui ne sont rien".

Marwan Muhammad (avatar)

Marwan Muhammad

Auteur, statisticien.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je vous vois avec votre racisme. Les gens qui ont participé à faire de l’extrême droite la principale force politique de France, mais qui occupent depuis deux semaines tous les écrans de télévision pour mettre en cause Taha Bouhafs. 

Je vous vois avec votre hypocrisie. Les gens qui se sont trouvé aujourd’hui une hygiène du questionnement, quant à la légitimité de la candidature de Taha Bouhafs, qui “clive” (qui ne clive en vérité que les ordures racistes et les fausses consciences de votre espèce). 

Je vous vois avec votre lâcheté. Les gens “de Gauche”, parfois au sein du même camp que Taha, qui n’ont ni le cran ni la dignité de tenir bon, non pas même pour lui ou pour ce qu’il représente, mais parce que la légitimité de sa candidature est l’essence même de ce qui est censé fonder votre existence politique.

Et ceux qui l’accusent pour avoir postulé l’existence des “Arabes de service” lui reprochent en vérité de ne pas en être un. À défaut de faire de lui un sujet politique, un servant docile de vos privilèges, vous avez choisi de le détruire. Ou du moins, d’essayer, comme vous l'avez fait avec chaque personnalité politique et/ou militante issue des quartiers populaires durant les dernières années. 

Mais vous pouvez raconter ce que vous voulez et vous livrer pour les années qui viennent à une vaste thérapie de groupe: la raison pour laquelle Taha (comme Anasse, Mariem, Nagib... avant lui) subit ce lynchage en place publique, sans pouvoir même répondre et se défendre, la cause des menaces, des insultes, des bandeaux télévisés, des unes de journaux, des tendances twitter, des citations assassines et des mises en causes jusqu’au plus haut niveau de l’Etat… est très simple:

Taha est un jeune, journaliste, militant, Arabe, Musulman, issu des quartiers populaires, qui a fait le choix de s’investir en politique. En d’autres termes: de prendre le pouvoir. 

Pas pour lui, mais pour nous tous. 

Quand il était sur le terrain, à couvrir des manifestations et à faire jaillir le réel à en crever les écrans, c’était pour nous tous, car les mobilisations sociales et populaires portent en elles le progrès de toutes et tous.

Quand il montrait les violences policières et se faisait casser son matériel, bousculé à chaque reportage alors qu’il ne faisait que son travail, c’était pour nous tous, car une société où les agents de maintien de l’ordre sont un danger pour une partie du peuple plutôt qu’une protection pour tous devient une société d’oppression. 

Quand il rendait l’affaire Benalla incontournable aux yeux du monde, c’était pour nous tous, car l’exercice cynique du pouvoir au plus haut niveau de l’Etat doit être comptable de ses manquements, de ses connivences et de sa brutalité, si on veut collectivement avoir une chance de vivre dans un Etat de droit. 

Donc quand Taha propose de porter la voix d’une circonscription à l’Assemblée Nationale, c’est, je l'espère, pour nous tous.

Il n’y a même pas besoin de lire son programme pour le comprendre. Il n’y a même pas besoin de voter pour lui ou d’adhérer à ses idées pour le dire: 

La candidature de Taha Bouhafs est le symbole de quelque chose d’essentiel, dans sa simple possibilité.

Si elle fait si peur (à qui?), c’est précisément parce que la voix d’un Taha ou d’une Rachel interrogeant les structures du pouvoir à l’Assemblée Nationale rend une menace politique plus réelle que jamais, pour ceux qui ont depuis des générations survécu de leurs privilèges plus que de leur mérite: la menace du changement. L’inéluctable remplacement (sociologique et politique - restez assis) des Fillon, des Valls et des Guéant de notre temps par une génération d’êtres humains capables de (re) connecter la politique au réel. 

Pour changer la vie des gens, en bien. 

Parce que cela devrait être le seul but de tout ce cirque, en vérité, des élections aux débats à l’assemblée, en passant par les douloureux dîners du prince où le cirage des jupitériennes échasses en échange de quelque strapontin est devenu la principale compétence de nos élites min(istr)ables. 

À moins que tous ces commentateurs zélés ne soient en fait que des opportunistes qui trustent toutes les positions de pouvoir politique, institutionnel et médiatique à la seul fin de conquérir et conserver une once de pouvoir au service de leurs intérêts personnels, au détriment des gens qu’ils sont censés représenter, servir et informer? 

Ça serait choquant (non). 

Donc laissez Taha et tous les autres tranquilles. Laissez-les dire. Laissez-les faire. Laissez-les être. Laissez-les exister politiquement, pour que d’autres puissent avoir une voix. Pour que ce pays puisse avoir une voie. 

Laissez-les définir un projet, laissez-les répondre aux questions et aux attentes de celles et ceux dont ils demandent les suffrages. Laissez-les être candidats. 

Et si pour vous, l’idée que Taha Bouhafs (ou tout autre) puisse s’asseoir sur les bancs de l’Assemblée Nationale est si terrifiante… alors souffrez, car vous avez déjà voté pour lui, en faisant de leur candidature les plus suivie de France, quelle que soit l'issue de cette séquence. 

D’ici là, courage Taha et à toutes celles et ceux qui subissent ce type de campagne. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.