L'avènement d'Obama s'est traduit par des changements significatifs dans la politique étrangère américaine. La première démarcation opérée par rapport aux années Bush consiste dans l'abandon de la vision binaire, manichéenne du monde qui serait divisé entre les bons, les vertueux et par conséquent investis de la mission quasi divine de répandre la démocratie dans le monde et ceux qui représentent les ténèbres faisant partie d'un axe du mal.
La nouvelle administration américaine a décidé de dialoguer tant avec ses amis et alliés qu'avec ses ennemis et détracteurs. La position stérile qui consistait à ne pas discuter avec certains pays ou à exiger comme préalable à tout début de dialogue l'acceptation inconditionnelle de certaines demandes préalablement posées par les Etats-Unis ne semble plus de mise dans la politique étrangère américaine.
Ce changement de paradigme a été plutôt bien accueilli par beaucoup de pays, y compris ceux parmi les alliés et amis de Washington qui se sont toujours fait l'apôtre du « dialogue critique » ou du « dialogue dans la fermeté ». Le discours du vice-président Joe Biden en Allemagne, lors de la 45e Conférence sur la sécurité, tenue à Munich, le 7 février, le nouveau ton des relations entre les Etats-Unis et la Russie, ou encore les ouvertures faites à l'Iran se sont voulus des actes concrets devant confirmer la nouvelle ligne de politique étrangère des Etats-Unis d'Amérique.
Si cette politique peut certes être considérée comme moins belliqueuse et moins intransigeante, elle constitue aussi un retour à une certaine forme de real politik. En effet par cette nouvelle ligne, les Etats-Unis semblent se détourner de cette forme d'angélisme ou de naïveté qui caractérisait la conception des néoconservateurs du rôle des Etats-Unis dans le monde, lequel était conçu comme une responsabilité quasi divine d'exporter le type de démocratie à l'américaine à travers le monde. C'est cette dernière conception qui avait nourri les actions de la précédente administration dans la conduite des relations extérieures de l'Amérique.
La nouvelle administration américaine, revenant à une conception beaucoup plus proche du réalisme en relations internationales, semble désormais beaucoup plus résignée au statu quo dans le monde. Davantage prête à accepter l'état du monde. Certains actes déjà posés ou annoncés indiquent et illustrent ce nouvel état d'esprit. J'en relèverais deux qui me paraissent très significatifs en ce sens. D'abord une déclaration de Mme. Hillary Clinton, à la veille de sa visite en Chine à la fin du mois de février 2009. En effet, elle fit savoir solennellement aux Chinois que les Etats-Unis d'Amérique n'allait pas laisser les questions de droits de l'homme et le Tibet interférer avec la coopération entre les deux pays relativement à la crise économique mondiale, au changement climatique et à la sécurité. Elle venait ainsi d'assurer au régime chinois qu'il ne serait plus la cible de la part des USA de critiques incessantes contre les violations des droits fondamentaux.
Puis, il y a eu aussi la décision américaine de rechercher le dialogue avec des talibans afghans modérés. Reconnaissant que les Etats-Unis ne sont point en train de remporter la guerre dans ce pays et que les talibans gagnent du terrain tant politiquement que militairement, la stratégie de l'actuelle administration mise sur le dialogue politique avec certains des éléments que l'on rejetait en bloc il y a pas si longtemps. Même si l'actuel président afghan, Hamid Karzaï, a plutôt salué cette ouverture au dialogue avec les talibans (d'autant plus que ce dernier prônait officiellement une telle solution depuis quelque temps), il n'en reste pas moins que ce changement pourrait aboutir à terme au retour des talibans au pouvoir à Kaboul, soulignant encore davantage l'échec de la présidence de celui-ci. Ainsi, cette nouvelle ligne américaine signifierait bien que les Etats-Unis sont donc prêts à accepter une telle éventualité.
Ce retour de la pensée pragmatique dans la diplomatie américaine, en même temps qu'il peut être beaucoup plus fructueux pour les Etats-Unis, constitue aussi plutôt une bonne nouvelle pour tous les dirigeants de la planète qui veulent pouvoir gouverner leurs peuples comme bon leur semble, ce qui souvent implique la violation de leurs droits les plus fondamentaux. Lors de son discours d'investiture à la Maison Blanche, Barack Obama avertissait les dirigeants qui imposent la mauvaise gouvernance à leurs populations qu'ils devront désormais en répondre par devant celles-ci. C'était une façon de faire savoir que ce ne serait plus l'Amérique le premier obstacle sur leur chemin. Si cela peut susciter un soulagement par rapport à la diminution du risque d'équipée militaire américaine dans le monde visant à changer les régimes politiques et exporter la démocratie par la force; pour tous ceux qui luttent contre les régimes dictatoriaux et liberticides dans le monde, ce revirement de la politique américaine n'est pas nécessairement de bonne augure.