Les récents propos du pape sur l'utilisation du préservatif ont suscité de vives réactions en Europe. Même dans les milieux catholiques, beaucoup de voix ont désapprouvé ou regretté la déclaration du pape. Certains vont jusqu'à souhaiter ou réclamer sa démission en tant que chef de l'église romaine. Je ne souhaite pas rentrer dans le débat sur l'interprétation qu'il convient de faire et du sens à donner aux propos de Benoit XVI. Je voudrais plutôt souligner ce qui, dans cette controverse, est troublant par rapport à l'Afrique.
D'abord, il est à noter que l'indignation, ou tout au moins l'incompréhension par rapport à ces propos, a été principalement exprimée en Europe. Si les propos du pape peuvent être considérés comme graves de conséquences pour les Africains, on peut légitimement se demander pourquoi ne sont-ils pas les premiers et les plus virulents dans leur dénonciation ou leur condamnation? Il y a eu certes des voix en Afrique pour dénoncer les propos du pape. Toutefois force est de constater qu'il n'y pas eu de réactions fortes venant de grandes personnalités diverses comme c'est le cas en Europe. Est-ce à dire que le continent africain n'accorde pas la même importance à de tels propos ou pire que les catholiques africains se reconnaissent majoritairement dans la position conservatrice de leur église ? Quoi qu'il en soit, tous les spécialistes de la curie romaine s'accordent pour dire que les évêques et cardinaux africains sont, en général, aussi conservateurs que Benoit XVI.
Ensuite, on peut s'interroger sur le fait que les déclarations du pape sont considérés pernicieuses particulièrement pour l'Afrique. Ce continent est, certes, particulièrement affecté par cette pandémie. Toutefois, les données récentes montrent que la maladie regagne du terrain presque partout dans le monde. Pourquoi alors considérer que la position du pape est d'abord et surtout néfaste pour l'Afrique? Une telle attitude semble basée sur le présupposé que les Africains sont beaucoup plus ingénus par rapport à la parole des autorités ecclésiastiques de Rome. Incapables qu'ils seraient de pouvoir les accueillir avec une distance critique, de séparer le domaine religieux d'un problème de santé publique. Si c'est le cas, ce ne sont pas tant les propos du pape sur le préservatif qui sont néfastes pour les Africains, mais la façon que ces derniers les reçoivent. Ce serait le fait qu'ils ne puissent pas les prendre et les comprendre pour ce qu'ils sont. Le problème ne serait pas tant le message, mais plutôt le récepteur.
De plus le sida étant un problème de santé publique, il revient aux responsables politiques et autres acteurs concernés des pays en question de lutter contre cette maladie en mettant en place les programmes, mesures et infrastructures adéquats. Ils doivent le faire en tenant compte des intérêts de leurs pays et de leurs populations et en fonction de critères de gouvernance qui devraient inclure la séparation entre le temporel et le spirituel.
Enfin, on ne peut manquer de voir dans les réactions outragées qui ont pu être émises une autre preuve de ce paternalisme persistant à l'égard de l'Afrique. Même si, en l'occurrence, on peut trouver louable les intentions qui sous-tendent cette attitude, on ne peut que déplorer l'absence d'une approche adulte qui consisterait à dire aux hommes et femmes de ce continent qu'ils devaient et doivent être les premiers à trouver scandaleux de tels propos, à les dénoncer et surtout à s'en détourner dans leurs comportements tant individuels que collectifs par rapport à un problème aussi sérieux que la pandémie du sida.