Exclusivité de BFM-TV, le première prise de parole de Jérôme Cahuzac depuis sa démission atteint des sommets dans la mise en scène politico-médiatique. Cette affaire, révélée à juste titre par Mediapart, ne doit pas occulter le fait que cet exercice confine à la mise au pilori, poussant au dévoilement le plus extrême de l'intimité de l'ex-ministre du Budget. Sur les réseaux sociaux, la gêne se mêle aux commentaires acerbes. Et au final, quoi de neuf ?
Ca y est. #Cahuzacparle. C'est le Hashtag de la soirée. Dans une mise en scène macabre, le menteur du gouvernement doit s'expliquer, se mettre à poil. Les questions sont lourdes, insistantes, parfois risibles. Cahuzac apparaît abattu, froid, contrit dans une attitude d'enfant pris en faute. L'attente était aussi forte que la nausée qui me vient en regardant cette pseudo flagellation.
Car oui, Jérôme Cahuzac devait s'expliquer. Mais devait-il le faire ainsi, bunkerisé dans un plateau, tel un condamné à mort devant son bourreau ? L'aveu politique n'a duré que quelques instants : il renonce à son poste de député, après celui de ministre. Après, c'est une succession de confessions intimes, théatralisées (à dessein sûrement) et ne relevant plus de son statut d'homme politique en proie aux enfers de la vérité. Le remord, la culpabilité, les regrets : tout y est pour fait de cet épisode télévisuel la preuve que le politique n'est qu'un homme, faible et pathétique.
Les yeux rivés sur le faux direct, les journalistes (dont le journaliste en charge de l'enquête à Mediapart) ou commentateurs du soir ne manquent pas de reprendre, chaque phrase, chaque mot prononcés par Jérôme Cahuzac. Mais entre les critiques (justifiés) sur un homme ayant perdu toute crédibilité politique, pointe parfois le dégoût d'une scène digne d'hollywood. Tout est calibré. Le journaliste maitre d'école face à l'élève récitant la litanie de ses mots d'excuses. Ce n'est plus un plateau télé, c'est un conseil de discipline auquel Cahuzac se présente. Mais la "faute morale" de l'ex-ministre est-elle la seule présente durant cette interview ? Je ne crois pas.
L'exercice était périlleux. Il est à mon sens raté. Non seulement parce que les repentances sonnent creux, mais parce que depuis le début de la journée, l'affaire a été montée en épingle. Annonces, teasing sur les réseaux sociaux, dispositif exceptionnel : rien n'était trop beau pour un mise en patûre des vagues à l'âme du politique. Mais le déroulement fut encore plus navrant. Avons-nous vraiment assisté à du journalisme ? En dehors de sa piteuse contrition sur son compte en Suisse, Jérôme Cahuzac, a pu dérouler son argumentaire auto-psychanalytique sans pour autant répondre aux véritables questions : Singapour, collusions avec le milieu pharmaceutique ou dénigrement du journalisme d'investigation. Ce n'est pas lui qui a décidé de parler, mais c'est bien les révélations d'une enquête poussée qui l'on conduit à le faire. Pire, cette mise à nu trouvera certainement écho auprès de ceux qui pense que cela doit suffire. Le tribunal des internets étant passé, pourquoi diable une justice pénale ? De l'autre côté du pupitre, comme ne peut pas rire devant l'effroyable naufrage du deuxième homme ? Le directeur de la rédaction de RMC n'a pas tardé a être la risée du live-tweet. Et à juste titre. Une myriade de questions prétendument gênantes, mais au parfum bien calibré pour donner de la chair et du lard à l'évènement.
Je crois qu'il y a donc plusieurs perdants ce soir. Le gouvernement, qui ne sortira absolument pas grandi de cette opération "tous à poil" menée à bras raccourcis. Le journalisme qui, une fois de plus, n'a pas su s'élever au delà du pathos. Et bien sûr, Jérôme Cahuzac, condamné à expier ses fautes devant les français (et le monde ?). Mais pas sûr que le dernier soit celui qui y a le plus perdu, malheureusement. Comme prévu, il faudra attendre que la justice passe par là. Ou un autre journalisme que celui auquel nous venons d'assister.