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Billet de blog 14 avril 2020

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Le Lion tint conseil

À côté du ton pathétique du président de la république, qui pourrait paraître sincère, coexistent et se dissimulent un certain nombre de manipulations repérables pour qui prête un peu attention au langage employé, et remet le discours du président en perspective, tant du point de vue de l'action politique proprement dite, que du point de vue de l'exercice du pouvoir et de la parole.

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Ce n'est pas un hasard, j'inaugure ce blog par un bref billet sur l'utilisation par Emmanuel Macron de l'expression « les Jours heureux » à la fin de son discours du 13 avril 2020.

Je songeais depuis longtemps à lancer un blog où je parlerais de politique et de littérature, et de l'usage des mots. Ce n'est certainement pas un projet original, j'en conviens aisément, ce travail a été largement entamé par d'autres, ici et là, de manière brillante. Je m'en ferai à l'occasion l'écho et le relais, et je tâcherai d'apporter mon éclairage personnel, à la mesure de mes moyens. Ce qui a précipité l'écriture de ce premier billet, c'est le scandale, l'indignation ressentie hier soir lorsque j'ai pris connaissance sur les réseaux sociaux de la conclusion du discours présidentiel, que je n'ai pas écouté tant le jeu de ce mauvais acteur m'insupporte.

Ayant appris qu'il avait conclu en promettant le retour des "Jours heureux", j'ai d'abord voulu interpeller mes élèves d'Humanités - Littérature et Philosophie avec qui j'ai travaillé pendant un semestre sur les pouvoirs de la parole, sur ce flagrant délit d'imposture de langage. Mais en ces temps troubles, il m'a semblé plus opportun de m'exprimer ici, et j'ai saisi l'occasion d'écrire ce premier billet. 

J'ai donc, puisque décidément je ne pouvais me résoudre à l'écouter et le regarder, lu le discours du président, dont l'intégralité est reproduite ici : https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/13/nous-tiendrons-l-integralite-du-discours-d-emmanuel-macron_6036480_823448.html

J'ai lu, avec les a priori qui sont les miens, et j'ai remarqué un certain nombre d'impostures, en plus de celle des "Jours heureux", sur laquelle je reviendrai à la fin.

Le président commence sur un ton pathétique : Nous sommes en train de vivre des jours difficiles. Nous ressentons tous en ce moment la peur, l’angoisse pour nos parents, pour nous-mêmes face à ce virus redoutable, invisible, imprévisible.

La fatigue et la lassitude pour certains, le deuil et le chagrin pour d’autres. Cette période est encore plus difficile à vivre lorsqu’on habite à plusieurs dans un appartement exigu, lorsqu’on ne dispose pas chez soi des moyens de communication nécessaires pour apprendre, se distraire, échanger. Encore plus difficile à vivre lorsque les tensions sont là, que les risques de violence dans la famille scandent le quotidien et nous mesurons tous, dans cette période, la solitude et la tristesse de nos aînés."

Le président convoque les figures de style les plus traditionnelles de la rhétorique : répétitions, anaphore, rythme ternaire en fin de premier paragraphe et au milieu du second pour clore les phrases, parallélisme de construction et antithèse au début du second paragraphe... Il semble surtout tenir enfin compte des réalités de la vie des habitants du pays et notamment des plus pauvres. Pourtant, il passe sous silence un certain nombre d'autres réalités : car ce virus "redoutable, invisible, imprévisible", le pouvoir nous a d'abord dit de ne pas le redouter ; ce virus invisible peut être détecté par des tests, comme cela s'est fait dans d'autres pays, et comme le recommande l'Organisation Mondiale de la Santé. Ce virus enfin, n'est pas imprévisible, puisqu'il s'est d'abord propagé en Chine et qu'il était possible d'évaluer le danger qu'il représentait à ce moment-là. La période rhétorique clôt la phrase et le paragraphe sur un rythme ternaire, mais aussi sur une triple imposture.

Mais ce n'est pas la seule torsion qu'imprime Emmanuel Macron à la réalité : le "nous" qu'il répète à l'envi sonne faux : il est peut-être anecdotique que le président soit bronzé alors que la majorité des français ne peut pas profiter du soleil d'avril, mais qui peut nier que les privilégiés dont il fait partie ne vivent pas le confinement de la même manière que le peuple ? Le "nous" dans un pays où des jeunes de banlieue se font torturer par la police alors qu'ils allaient simplement travailler tandis que les bourgeois catholiques extrémistes de l'église de Saint Nicolas du Chardonnet se rendent à une messe de Pâques clandestine sans être inquiétés, ce "nous" qui prétend accomplir l'union nationale alors que le gouvernement n'a eu de cesse de diviser, de creuser les inégalités, de réprimer toute contestation, dans ce pays où le préfet de Police de Paris, M. Lallement, peut dire à une manifestante "nous ne sommes pas dans le même camp", ce "nous" est hypocrite, et n'est qu'un paravent.

Or ce "nous" prospère tout au long de l'allocution présidentielle : "Et pourtant, grâce à nos efforts, chaque jour, nous avons progressé. Nos fonctionnaires et personnels de santé, médecins, infirmiers, aides-soignants, ambulanciers, secouristes, nos militaires, nos pompiers, nos pharmaciens ont donné dans cette première ligne toute leur énergie pour sauver des vies et soigner. Ils ont tenu. Les hôpitaux français ont réussi à soigner tous ceux qui s’y présentaient. Ces journées, ces semaines ont été et resteront l’honneur de nos soignants, en ville comme à l’hôpital.

Dans la deuxième ligne, nos agriculteurs, nos enseignants, nos chauffeurs routiers, livreurs, électriciens, manutentionnaires, caissiers et caissières, nos éboueurs, personnels de sécurité et de nettoyage, nos fonctionnaires, nos journalistes, nos travailleurs sociaux, nos maires et élus locaux, et j’en oublie tellement, aidés par tant de Français qui se sont engagés. Tous ont permis à la vie de continuer."

Ce gouvernement qui diminue le nombre de fonctionnaires dans la santé, dans l'éducation, qui a réprimé les grèves des soignants, a envoyé la police les chercher chez eux pour les réquisitionner et les envoyer travailler malgré tout, qui a fait matraquer les pompiers grévistes, qui a falsifié les notes du baccalauréat pour éviter toute négociation avec les enseignants, tout à coup parle de ces catégories professionnelles comme si elles lui appartenaient. Il aurait pu dire "vos pompiers". Car ces services publics appartiennent au peuple et pas à l'État. Mais il prétend les ramener, par la force des adjectifs possessifs, dans son camp.

Il s'approprie, au fond, le travail des autres, comme si les soignants, les pompiers, les enseignants, et toutes les autres professions qu'il cite avaient besoin de lui pour accomplir leur tâche, dont d'ailleurs il ne leur donne pas les moyens, et qu'il rend parfois plus difficile en réalité.

De la même manière, le président s'auto-congratule d'une performance qui a en réalité été possible malgré lui, malgré ses tentatives de destruction du service public, et non grâce à lui, : "Ces dernières semaines, soyons aussi justes avec notre pays, ont été marquées par de vraies réussites : le doublement du nombre de lits en réanimation, ce qui n’avait jamais été atteint " Dire que cela n'avait jamais été atteint" est absurde : cette formulation suggère que cela aurait déjà été tenté et que la France d'autrefois aurait échoué dans le passé, là où la France d'aujourd'hui réussit. Mais aucun gouvernement n'a jamais tenté d'augmenter ainsi le nombre de lits en réanimation, puisqu'au contraire, ils n'ont cessé d'en fermer. Macron se félicite de la performance consistant à ouvrir des lits, alors que dans sa vision néo-libérale dont l'objectif est de privatiser le système de santé, la performance consiste justement à réduire le nombre de lits dans les hôpitaux, voire à fermer les hôpitaux eux-mêmes, ou encore les maternités. Il a soudain changé de langage. Cela ne durera pas.

Pas un mot non plus sur le choix politique de renoncer aux stocks de masques constitués sous un gouvernement précédent : qui a perdu ce stock ? On dirait qu'il n'y a pas de responsables, que personne n'est responsable, que jusqu'au 12 avril 2020 il n'y avait personne pour gouverner la France, personne pour prendre des décisions. Emmanuel Macron est coutumier du fait : déjà, une fois candidat à l'élection présidentielle, puis une fois président, il se comportait comme si la situation économique de la France était l'héritage d'un gouvernement d'incapables, gouvernement dont pourtant il était le ministre de l'économie. Et donc, chaque fois que quelque chose ne va pas, c'est de la faute de ceux d'avant, et l'on va faire mieux qu'eux, sauf quand ceux d'avant c'est soi-même et alors personne n'est fautif, mais on va quand même faire mieux. La vérité est que l'une des premières décisions du président Macron, conscient qu'il allait mener une politique qui allait contre les intérêts de la plupart des français et qu'il en résulterait des mouvements sociaux de grande ampleur, a été de constituer un stock non pas de masques de protection pour les soignants et les français de manière générale en cas d'épidémie, mais un stock de grenades lacrymogènes, de grenades de désencerclement, d'armes destinées à réprimer le peuple et qui l'ont maintes fois mutilé, d'armes de guerre, pour mener une guerre, la seule vraie guerre, la guerre des riches contre les pauvres, la guerre des capitalistes contre les travailleurs.

C'est pourquoi le président Macron n'est guère crédible quand il fait mine d'être solidaire. Il ne l'est pas, comme en témoigne la note rédigée à sa demande par la caisse des dépôts, un des plus gros investisseurs publics, qui préconise la privatisation croissante des hôpitaux, ou encore la révélation et la confirmation de la fermeture de 598 lits dans un hôpital : Dans "La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion", La Fontaine montre comment ces animaux "mirent en commun le gain et le dommage", jusqu'à ce que le Lion s'approprie tout le gain et menace les trois autres animaux de dommages. Emmanuel Macron s'attribue toutes les réussites, alors qu'il est, avec tous les hommes politiques néolibéraux qui l'ont précédé depuis le début des années quatre-vingts, responsable de tous les échecs. Et ceux qui réclameront leur part seront accueillis à coups de LBD, qu'ils viennent le chercher, pour voir... Ils verront bien, puis ils ne verront plus.

Comme l'a souligné Clément Viktorovitch, universitaire et chroniqueur régulier sur CliqueTV qui décrypte l'actualité d'un point de vue rhétorique, c'est en particulier par le jeu des pronoms, particulièrement savoureux, qu'Emmanuel Macron prétend regarder ces échecs de l'extérieur, comme s'ils lui étaient étrangers, et le résultat d'une fatalité : "Mais, comme vous, j’ai vu des ratés, encore trop de lenteur, de procédures inutiles, des faiblesses aussi de notre logistique. Nous en tirerons toutes les conséquences, en temps voulu, quand il s’agira de nous réorganiser." Il en est pourtant responsable. Il est chef de l'État. Ou alors il ne l'est pas vraiment ? "Nous réorganiser", qu'est-ce à dire ? Que faut-il réorganiser ? Qui est ce "nous" ? Macron annonce-t-il sa démission ? Annonce-t-il une révolution collectiviste ? La socialisation des moyens de production ? La fin de la république autoritaire et l'avènement d'une démocratie participative, directe ? Annonce-t-il l'autogestion ? Ou simplement un remaniement ministériel, dans lequel trois boucs émissaires permettront de sauver tous les autres parasites cyniques qui peuplent les sphères du pouvoir et se nourrissent comme des tiques du sang des travailleurs ? Si comme le rappelle le président en citant l'article premier de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, “Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.”, ne peut-on en tirer des conséquences sur la distinction sociale d'un Bernard Arnault, parasite en chef de l'organisation religieuse qu'on appelle CAC40 ? Combien de personnes soigne-t-il ? Combien d'enfants éduque-t-il ? Ramasse-t-il nos poubelles ? Fabrique-t-il du bon pain ? Car si de réorganisation il est question véritablement, il y en a au sommet qui n'accepteront guère d'être réorganisés, et qu'il faudra bien réorganiser de force, à commencer par Emmanuel Macron, bonimenteur mais surtout menteur, Castaner très castagneur, Blanquer roi du poker et menteur en second, Pénicaud l'esclavagiste, Belloubet l'injustice et le très-vérolé Véran. Comment ces gens pourraient-ils réorganiser quoi que ce soit pour le bien des françaises et des français, pour le bien de ceux et celles qui vivent en France mais ne sont pas français, pour le bien de qui que ce soit d'autre que les actionnaires et les patrons ?

J'en veux pour preuve cette superbe et subtile pique envoyée à la gauche : "Le moment que nous vivons est un ébranlement intime et collectif. Sachons le vivre comme tel. Il nous rappelle que nous sommes vulnérables, nous l’avions sans doute oublié. Ne cherchons pas tout de suite à y trouver la confirmation de ce en quoi nous avions toujours cru. Non. Sachons, dans ce moment, sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer – et moi le premier." Spéciale dédicace à tous les utopistes qui voudraient profiter de la crise pour critiquer le modèle néo-libéral, Macron nous rappelle que le capitalisme se nourrit des crises, profite des crises pour s'imposer toujours davantage, comme l'a démontré Naomi Klein dans La stratégie du choc. Il n'y a que le néolibéralisme pour tenir ce discours anti-idéologique, lui-même se présentant comme non-idéologique et pur de tout a priori, comme réaliste, ce que bien évidemment il n'est pas.

Surtout, avec ce "moi le premier", déjà relevé par Clément Viktorovitch, Emmanuel Macron nous prépare, nous le peuple, à une scène familière, celle du discours du Lion dans la fable "Les Animaux malades de la peste" de La Fontaine : "Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis, Je crois que le Ciel a permis Pour nos péchés cette infortune ; Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux, Peut-être il obtiendra la guérison commune." Comme le Lion, Macron fait semblant de faire partie du peuple, il dit "nous", produit l'illusion d'un destin commun. Le Lion continue chez La Fontaine son auto-accusation hypocrite :

L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.

Dans la fable, le Lion parle bien le premier, et aussitôt à son secours le Renard intervient, le flatte et l'innocente : la scène est déjà jouée ; l'autocritique, si elle a lieu, sera de pure convention, un simulacre, et tout l'appareil d'influence des capitalistes viendra au secours de celui qui les aura si bien servis, soit en lui permettant de garder son poste de président, soit en lui offrant pour ses bons et loyaux services une sinécure juteuse, une chaude pantoufle. "Moi le premier" n'est que théâtre.

À aucun moment Emmanuel Macron ne nommera le modèle inégalitaire et oppressif dont il évoque les conséquences comme des fatalités, à aucun moment il ne fera de critique sérieuse et autre que purement cosmétique, du capitalisme libéral.

Ne nous y trompons pas, lorsqu'un libéral déclare "Il y a dans cette crise une chance", cela ne peut signifier qu'une chose : davantage de dérégulation, davantage d'inégalités, davantage de répression. Tout le contraire de ce qu'il annonce, oui. Mais le libéralisme n'a pu s'imposer aux peuples que par le mensonge, la manipulation, et bien souvent, la terreur.  

Au fond, ces "jours heureux" dont il annonce dans une hypocrisie finale et suprême que nous les retrouverons, Emmanuel Macron les déteste profondément. Cette expression, "les jours heureux" , de la part d'un ancien banquier qui n'a eu de cesse, depuis le début de son mandat, de favoriser les plus riches en supprimant l'ISF, de mépriser les soignants, de casser l'assurance-chômage (en radiant des dizaines de milliers de personnes qui ne seront plus ni comptabilisées comme chômeurs ni indemnisées) et enfin le système de retraites par répartition, a été ressentie par la gauche comme une provocation. Mais s'il y a une polémique, c'est le mensonge présidentiel qui en constitue l'offensive. Que ce soit en tant que ministre d'abord ou ensuite en tant que président de la République, Emmanuel Macron a en effet pris le contrepied, sur tous les plans, du programme du Conseil National de la Résistance qui portait ce titre : « Les Jours Heureux », et cette expression, dans sa bouche, est une promesse vide, fondamentalement hypocrite.

Je ne dis là rien de nouveau, et il suffira pour s'en convaincre et pour remettre les mots et les choses à leurs places, de voir ou revoir le film de Gilles Perret intitulé justement « les Jours Heureux », qui retrace l'histoire de la Résistance en 1944, et les conditions de naissance de ce fameux programme, et qui peut être visionné ici :

https://www.youtube.com/watch?time_continue=58&v=VjQR3Ef0VOM&feature=emb_logo

Gilles Perret a d'ailleurs envoyé son film au président après avoir entendu son discours :

https://www.huffingtonpost.fr/entry/emmanuel-macron-cite-les-jours-heureux-dans-son-discours-gilles-perret-lui-offre-le-dvd_fr_5e954ef7c5b6cc788eae57c0

Qui peut encore croire que Macron devienne demain le champion de la justice sociale ?  Le "logiciel libéral" comme je l'ai lui sur les réseaux sociaux, ne change jamais. Il fait seulement croire qu'il change.


Une fois de plus, donc, la parole du pouvoir se déguise : dans un remake de 1984 d'Orwell, ou du "Loup et l'Agneau", les dominants tentent de vider les mots de leur sens pour leur donner le sens qui les arrange, au mépris de leur histoire et du vécu politique et social bien réel qui leur donne poids. Cette tentative d'appropriation du langage, de dévoiement du sens des mots, participe d'une entreprise de réécriture de l'histoire et en même temps d'une forme de censure : employer le vocabulaire de toutes les idéologies pour en habiller la contre-réforme libérale, c'est saturer l'espace public par la confusion, et faire taire les idéologies contestataires en leur volant leurs propres mots. Ce n'est pas la première fois qu'une telle opération de prescription et proscription du langage a lieu : on se rappelle que le président prétendait interdire de parler de violences policières car cela était contraire à l'Etat de droit. L'emploi d'un vocabulaire guerrier ou les tentatives de se faire passer pour un communiste depuis le début du confinement (sans prendre aucune mesure concrète, cela va de soi) témoignent également de ce langage faux, trompeur.

Le président gère donc la crise, il la gère mal, c'est un fait, ou plutôt il la gère dans l'intérêt de certains, n'ayant pas pour but la réorganisation du monde pour le bien de tous, mais plutôt de sauver de la ruine ceux qui l'ont fait élire à coups de millions et de couvertures de magazines : un des piliers du programme du Conseil National de la Résistance était l'existence d'une presse libre, détachée des puissances d'argent. Or cette presse est aujourd'hui aux mains des industriels et des financiers, et elle fait depuis 2017 le service après-vente de la communication gouvernementale, devenue organe de propagande du macronisme, du néolibéralisme, et de l'extrême-droite avec laquelle le capitalisme macroniste s'entend très bien au fond et ne se querelle qu'en surface, pour le spectacle.

Rappelons-nous que cet histrion n'a aucune limite, et qu'il ne s'interdira aucune hypocrisie : après tout, n'a-t-il pas intitulé son livre-programme Révolution ?

C'est justement à ce mot, et à l'ouvrage que lui a consacré l'historienne Ludivine Bantigny aux éditions anamosa, dans la collection "le mot est faible", que je consacrerai le prochain article de ce blog. 

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