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Billet de blog 6 février 2009

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Gandrange : merci, monsieur le président!

 Merci, monsieur le président. Oui, vraiment, merci. Hier soir, vous avez confirmé ce que Mediapart avait dit il y a déjà plusieurs semaines : l'industriel Poweo, le concurrent d'EDF dirigé par votre ami Charles Beigbeder (frère de, figure du Medef, président de la Fondation pour l'Innovation politique proche de l'UMP) n'investira pas à Gandrange comme vous l'aviez promis en avril 2008 aux syndicalistes d'ArcelorMittal que vous aviez convoqués à l'Elysée. Envolés, les 500 millions d'euros d'investissement prévus, les 600 emplois induits par la construction de deux centrales au gaz, les 80 autres pour les faire tourner... > Pour relire notre article du 5 décembre, c'est par là. 

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Merci, monsieur le président. Oui, vraiment, merci. Hier soir, vous avez confirmé ce que Mediapart avait dit il y a déjà plusieurs semaines : l'industriel Poweo, le concurrent d'EDF dirigé par votre ami Charles Beigbeder (frère de, figure du Medef, président de la Fondation pour l'Innovation politique proche de l'UMP) n'investira pas à Gandrange comme vous l'aviez promis en avril 2008 aux syndicalistes d'ArcelorMittal que vous aviez convoqués à l'Elysée. Envolés, les 500 millions d'euros d'investissement prévus, les 600 emplois induits par la construction de deux centrales au gaz, les 80 autres pour les faire tourner...

> Pour relire notre article du 5 décembre, c'est par là.

Si, si vraiment, merci d'avoir confirmé l'info. Parce que quand Mediapart en avait parlé, ça n'avait pas été du tout repris par mes confrères. Il aura fallu que vous en parliez, Monsieur le président, pour que cette nouvelle devienne réalité. Pour être tout à fait honnête, je dois même admettre que c'est vous qui avez mis le sujet sur la table lors de l'émission de jeudi soir. Les journalistes qui vont ont interviewé avaient bien pensé à vous parler de Gandrange (c'était l'anniversaire de votre première — et unique – visite en Lorraine, et il faut admettre que les journalistes adorent les anniversaires), mais pas du tout de cette histoire Poweo. C'est donc vous, Monsieur le président, qui en avez parlé. En reconnaissant que, oui, dans cette affaire de centrales au gaz, vous n'aviez «pas réussi».

> La vidéo de Nicolas Sarkozy sur Gandrange. Le passage concernant Poweo, c'est vers la fin.

Non, vraiment, merci de votre aide, hein. Parce qu'on ne peut pas dire que lors de mon enquête, les gens de chez Poweo m'avaient aidé. D'abord, on ne m'avait pas répondu, malgré plusieurs appels et des emails. Puis, après une nouvelle relance (après la parution de l'article), un communiquant travaillant pour Poweo m'avait dit en substance "ah mais pas du tout, c'est toujours d'actualité, d'ailleurs le responsable du projet va vous appeler". Deux mois plus tard, j'attends toujours son coup de fil. Je suis toujours joignable au même numéro.

Remarquez, hein, monsieur le président, vous allez me dire, après tout, tout ça s'est du passé. Le Figaro nous apprenait fin janvier que de toutes façons, l'entreprise Poweo est à vendre. Rideau, basta, circulez.

Bon, c'est pas tout ça, je vous tresse des lauriers, mais faut quand même que je fasse mon travail de journaliste, hein, vous m'excuserez (je parle un peu comme vous, avec des "hein" et des "vous m'excuserez", j'aime bien, ça fait direct). Alors jeudi soir, quand vous avez dit «Quand on dit que je n'ai pas tenu, mes promesses, c'est faux»... eh bien, c'est quand même pas tout à fait juste, monsieur le Président. Vous aviez annoncé en avril 2008 qu'ArcelorMittal s'engageait à investir 35 millions d'euros à Gandrange pour sauver 124 emplois? On est à 30 millions, et 119 emplois. Mittal devait investir 10 millions dans la partie de l'usine toujours en fonctionnement? Ce sera plutôt 8. Un centre de formation devait être mis en place, pour pallier aux graves carences de formation qui se sont accumulées depuis 1999, l'année de la reprise de l'usine de Gandrange par Lakhsmi Mittal? Il n'y aura finalement que 20 stagiaires (contre 120 prévus), alors que les départs en retraite vont exploser dans les années à venir.

Alors, oui, bien sûr, pendant que vous parliez, jeudi soir, votre ministre Luc Chatel a fort opportunément (20h32, dit ma boîte aux lettres électronique) envoyé aux rédactions un communiqué parlant d'une «convention de revitalisation» signée avec ArcelorMittal, et encore d'une «convention d'ancrage territorial». Ce que tout ce jargon veut dire, quand, comment, pour quoi faire précisément... cela n'était pas indiqué dans le communiqué de votre ministre.

Ce communiqué indique aussi que le gouvernement veut «s'assurer de l'accompagnement social des 575 salariés touchés par la restructuration de Gandrange» et encore «créer 682 (quelle précision!) emplois dans le bassin concerné». A mon tour de vous faire une promesse, comme vous l'avez fait aux ArcelorMittal le 4 février 2008, juché sur une estrade installée dans l'usine juste pour vous : à Mediapart, nous scruterons dans les prochains mois ce qui se passe vraiment à Gandrange et dans les environs.

Quant à vous, M. le Président, vous dites que vous allez revenir à Gandrange, comme vous l'aviez promis il y a un an (finalement sans jamais y remettre les pieds). Je me permets juste un tout petit conseil: dépêchez-vous. Dans quelques semaines, avec les licenciements qui continuent, les intérimaires qui quittent les usines, les suppressions de postes annoncées dans les autres usines d'Arcelor en Lorraine, l'exaspération des ouvriers risque de se transformer en très grosse colère.

En fait, pour être vraiment franc, je crois que c'est déjà le cas.