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Billet de blog 20 mai 2021

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Israël : derrière les doctrines militaires, le massacre ?

Si l'État hébreu parfait sa communication à travers des clips vidéos arguant la légitime défense, les méthodes appliquées par les forces armées Israéliennes posent une énième fois question.

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    « Le hasard ne peut expliquer une telle dévastation, pas plus qu'on ne peut honnêtement parler de "dommages collatéraux" regrettables. Croire cela, c'est suspendre volontairement sa croyance et ignorer la nature des armes utilisées et, tout aussi important, c'est ignorer la doctrine militaire établie d'Israël. » Tels étaient les mots de Rashid Khalidi en 2014, publiés sur le site de l'Institute for Palestine Studies dont je vous mets le lien ici

La doctrine à laquelle M. Khalidi fait référence est la " Dahiya Doctrine " pour ceux qui ont bien connu les rebondissements autour de l'affaire Wikileaks vous connaissez surement Michael Ratner, qui en a fait état lui aussi en 2014, nous allons en parler. Pour débuter mon propos, je l'illustre avec un tweet de Wikileaks datant d'il y a quelques jours rappelant les révélations qu'ils avaient faites il y a plusieurs années : 

© WikiLeaks

« Le général de division Gadi Eisenkot de Tsahal: "Israël utilisera une force disproportionnée sur tout village qui tire sur Israël. »

Avant tout propos, il faut définir ce qu'est cette doctrine, parmi tant d'autres. Que l'on soit clair, " la guerre, c'est la guerre " pourrions nous dire, et chacun de nous ne sait pas ce qu'il ferait pour défendre son pays. En revanche, j'ose espérer que si votre pays débutait lui-même les hostilités, à tout hasard en expropriant les gens, vous ne viendrez pas par la suite tuer massivement des civils. Là réside la question en réalité, car la mort de civil dans une guerre entre deux armées, deux entités définies, est inévitable et le plus grand des utopistes ne peut imaginer une seule seconde qu'aucun civil ne soit touché, à fortiori avec une artillerie aussi lourde. Néanmoins, au vu des chiffres pour chaque conflit mêlant Israël - car c'est notre sujet aujourd'hui, les autres États ne sont certainement pas en reste - la question du plan établi est légitime
Dans l'aphasie des gouvernants et des organisations mondiales, des voix s'élevant autant d'organisations humanitaires suivant les conflits de près que des particuliers touchés sèment le doute, rapportent des faits qui vont à l'encontre des règles de la guerre telles qu'elles sont définies dans le droit international humanitaire, mais vont également à l'encontre de bien d'autres lois telles que les lois d'exportation d'armement propres à chaque pays. En vulgarisant, et à fortiori dans un conflit aussi asymétrique, il y a une différence entre des dommages collatéraux au but visé et l'intention de bombarder quoi qu'il en coûte en guise de punition massive, nous aurons l'occasion de revenir sur ce point. Le droit des conflits armés reposent sur 4 principes clefs : humanité, nécessité militaire, distinction et proportionnalité. En pratique il est très difficile de les aborder car ils dépendent des faits, et dans chaque conflit ces questions se posent. Commençons. 

La doctrine Dahiya est le nom donné à une doctrine militaire, formulée par un général israélien Gadi Eizenkot, évoquée dans une interview ainsi que dans un télégramme à destination des États-Unis rendu public par Wikileaks. Dahiya, c'est le nom d'un ancien quartier de Beyrouth détruit durant le conflit Israélo-Libanais de 2006, cette doctrine a donc été utilisée dans ce conflit. C'est ce que va dire Eizenkot à propos de ce quartier qui formera le nom de la technique militaire :  « Ce qui est arrivé au quartier Dahiya de Beyrouth en 2006 arrivera à tous les villages qui servent de base à des tirs contre Israël. […] Nous ferons un usage de la force disproportionné sur ces zones et y causerons de grands dommages et destructions. De notre point de vue, il ne s'agit pas de villages civils, mais de bases militaires. […] Il ne s'agit pas d'une recommandation, mais d'un plan, et il a été approuvé.». Soit, bien loin de la doctrine de la proportion revendiquée ouvertement. En quelques sortes, c'est la doctrine de la dissuasion, de la punition collective, dont nous en détailleront les tenants et les aboutissants plus tard. Si Israël a utilisé une technique de guerre manifestement illégal au Liban en 2006, Michael Ratner et d'autres soutiennent que ces pratiques ont étés utilisées également en 2014. 

Dans une interview, dont je vous ai trouvé le script ici pour ceux qui voudront la lire en entier, Michael Ratner qui défendait activement Julian Assange et Wikileaks, déclarait : « Le plan Dahiya ne laisse aucun doute, aucun, qu'il implique la commission consciente et intentionnelle dans l'exécution de crimes de guerre. Le meurtre de civils et la destruction d'infrastructures civiles, que ce soit au Liban à l'époque ou à Gaza aujourd'hui, ne sont pas des erreurs. Il s'agit d'un acte délibéré, qui est manifestement illégal au regard des Conventions de Genève. » Continuons, pour rappel il évoque cela en 2014, suite au conflit que nous connaissons, il précise son propos comme suit :  « quand on voit la guerre et la dévastation qui se poursuivent à Gaza aujourd'hui, on assiste à la manifestation de la doctrine Dahiya. Elle est portée à son extrême barbarie. Israël attaque Gaza depuis les airs, la mer et le sol avec une force destinée à anéantir les civils et à détruire Gaza. Il exécute le plan Dahiya. Les chiffres sont stupéfiants et terribles. Ils proviennent du Comité palestinien des droits de l'homme à Gaza. Deux mille quatre-vingt-six Palestiniens ont été tués au 21 août, dont les trois quarts (75 %) sont des civils, soit 1 602 sur les 2 000 tués, un sur mille à Gaza. Près de 25 % d'entre eux étaient des enfants, presque 500, 494. Les gens devraient crier à ce sujet. » 
Lorsque Pernille Ironside, porte-parole de l'ONU avait déclaré qu'il faudrait 18 ans pour reconstruire Gaza, cela prend tout son sens. Michael Ratner insiste sur un point, c'est que le télégramme sur cette doctrine aurait été porté à l'attention des plus hauts dirigeants Américain, sous-entendant que la vente d'armes, selon leur loi de 1976 devrait être interdite vers Israël car il ne s'agissait pas de légitime défense puisque le général israélien a ouvertement déclaré son plan, ainsi que la loi dite Leahy concernant les violations flagrante des droits de l'Homme. Michael Ratner poursuivi ainsi « Le général Eisenkot a bien précisé qu'il ne s'agit pas d'une recommandation de ce qu'Israël devrait faire, mais d'un plan déjà approuvé pour utiliser une force disproportionnée.» 
Je voudrais inclure ici les mots récents du sénateur du Vermont, Bernie Sanders « Il est illégal que l'aide Américaine soutienne des violations des droits de l'Homme » ainsi que ceux de la députée Betty McCollum il y a quelques jours « Le moment est venu d'envoyer un message clair au gouvernement israélien : pas un dollar de plus d'aide militaire américaine ne peut être utilisé pour démolir des maisons palestiniennes, annexer des terres palestiniennes et torturer ou tuer des enfants palestiniens », à défaut d'être entendus, ces voix politiques Américaines s'indignant de cela alors que leur pays est une aide massive pour l'armement d'Israël fait plaisir.
Les députés Ilhan Omar, André Carson, ainsi que Rashida Tlaib ont poursuivi aussi « nous continuions à fournir au gouvernement israélien plus de 3 milliards de dollars d'aide militaire chaque année - sans conditions ni obligation de rendre des comptes pour les violations gratuites des droits de l'homme et les saisies illégales continues de terres palestiniennes »
Michael Ratner déclarait exactement sur ce sujet  : « C'était le plan, et c'est ce qui se passe. C'est un câble d'Israël, de l'ambassade américaine à Tel Aviv. Et ce n'est pas comme si les États-Unis n'avaient pas été mis au courant. C'est en 2008. Les chefs d'état-major ont reçu le câble, le Conseil de sécurité nationale, le secrétaire à la Défense et le secrétaire d'État. Tous nos officiels connaissent le plan de la doctrine Dahiya pour commettre des crimes de guerre. » 

Lorsqu'Israël dit que le hamas se cache dans des zones civiles, est-ce (toujours) vrai ? L'AP suite au bombardement de leur tour a exprimé clairement le fait qu'ils n'avaient jamais vu le hamas à l'intérieur. Pour Joel Simon (directeur du Comité pour la protection des journalistes) Israël a ciblé « déliberemment les locaux des médias afin de perturber la couverture de la souffrance humaine à Gaza ». Ce jour, Amnesty International publie un article reprenant plusieurs attaques qu'ils ont suivi, et dont ils ont recueilli les témoignages, je vous le mets ici « Aucun combattant ni objectif militaire ne se trouvait dans les parages au moment des attaques en question ». Cela reste à vérifier, bien entendu. 

Accueili sur le plateau de BFMTV, Mounir Anastas ambassadeur adjoint à la Palestine déclare : 

« Vous remarquerez que les frappes aveugles depuis la semaine dernière ont visé pas seulement soit disant les chefs de hamas, ont visé les centres dessalinisation et de traitement de l'eau, les centres d'électricité, les banques, les rues, les rues qui mènent à l'hôpital ont été détruite, même des terres agricoles. On se pose la question, quel est le but de ces attaques ? si ils voulaient réellement, la technologie israélienne leur permettrait de toucher une chambre dans un appartement, une chambre pas l'appartement tout entier, alors est-ce que réellement le but était d'assassiner quelques soit disant terroriste ? Je pense qu'Israël, vise en cela a mener gaza à une crise humanitaire, les affamer, les assoiffés, c'est ce qu'Israël vise par ces frappes là. »

Les propos de M. Anastas m'ont particulièrement interpellé, car dans le bilan provisoire publié par la journaliste Widad Ketfi sur son compte instagram, nous avons à ce jour au niveau des biens matériels : 

12 immeubles détruits, 500 maisons détruites, 300 maisons partiellement détruites, 65 bâtiments publics détruits, 27 écoles endommagées ainsi que 3 universités, 18 usines détruites, 6 municipalités touchées, 10 stations électriques endommagées, 3 pharmacies détruites, 10 cliniques et centre médicaux endommagés, 29 agences de presse détruites, 5 banques détruites, 28 associations bombardées, 3 marchés publics visés, l'orphelinat de Gaza touché, 50 magasins détruits, 30 routes endommagées, 3 cimetières visés, 15 coopératives agricoles touchées, 10 terrains agricoles endommagés, 3 stades touchés, 11 mosquées touchées, 30 puits d'eau DÉTRUITS.

Israël a par ailleurs réduit l'électricité à 3 h par jour à Gaza (encore une fois), comment les hôpitaux restants peuvent-ils fonctionner, ainsi que les usines de traitement de l'eau, pour ne citer que ces deux exemples ? Comment les Palestiniens, après qu'un journaliste soit mort et que les agences de presse ont été détruites peuvent tenir le monde correctement au courant  ? 

Je voudrais maintenant citer les propos d'Omar Baddar, analyste politique et avocat pour les droits humains basé à Washington, qui s'attèle à déconstruire la propagande médiatique d'Israël. Tout d'abord, il vise encore la place de la presse dans ce genre de conflit, car selon lui, il s'agit toujours du même schéma qui est opéré : 

« 1) Statu quo: l'occupation / l'apartheid est une violence contre les Palestiniens

 2) Puis Israël s'intensifie par des expulsions / passages à tabac / fusillades

 3) Ensuite, certains Palestiniens répondent par la violence

 4) Puis Israël "réponds" par des massacres

 Si vous commencez à signaler au n °3, vous induisez votre public en erreur. »

À ce propos, Sonia Mabrouk lorsqu'elle a reçu l'ambassadeur israélien pour évoquer le conflit actuel à la radio, n'a cessé de lui rappeler que l'origine de l'escalade des violences était les expropriations à Sheikh Jarrah, c'est très important. Selon Omar Baddar « Israël ne "réponds" pas à la violence, Israël est l'initiateur de la violence, en vertu d'être une puissance occupante sur les territoires palestiniens, y compris Gaza. Avant qu'une seule roquette ne soit tirée, les Palestiniens de Gaza étouffaient déjà sous un siège brutal.». Continuant, il déclare ceci « Ce cycle particulier de violence a été provoqué par Netanyahu, qui cherchait à détourner l'attention du nettoyage ethnique à Jérusalem en provoquant une réponse violente des militants palestiniens. C'est le but de l'assaut soutenu contre Al Aqsa.». Dans mon précédent article, j'avais évoqué les propos d'une reporter sur place qui disait que l'esplanade des mosquées était la ligne rouge pour les Palestiniens, cette place publique où ils se retrouvent pour partager des moments en famille et parler politique, voir les policiers israéliens entrer dans l'une des mosquées d'Al Aqsa fut incompréhensible pour la jeunesse Palestinienne vivant à Jérusalem. En ce sens, puisqu'Israël se positionne toujours en tant que victime qui répond au Hamas, le chef de la branche armée du Hamas avait déclaré avant le lancement des premières roquettes qu'ils étaient présent et qu'ils souhaitaient l'arrêt de l'expropriation illégale dans le quartier de Sheikh Jarrah, le Hamas n'a pas directement militarisé le conflit, et rapporter ceci ne légitime en rien les lancements de roquettes de leur part par la suite, mais rentre en contradiction avec l'idée qu'Israël ne fait que répondre. Toutefois, nous ne pouvons pas tout attribuer au gouvernement, si des milices d'extrême droite - bien qu'elles ne soient jamais inquiétées par la justice - avaient débuté des ratonnades, intensifiant les conflits à Jérusalem, ainsi que les slogans " mort aux Arabes " ne sont (à ce que je sache) pas sorti de la bouche de Netanyahu. Tout ceci est un climat habituel pour les locaux.
Il s'agit encore et encore du même schéma, les civils palestiniens se retrouvent coincés entre un parti politique ayant une force armée - qui ne fait pas l'unanimité au sein de l'opinion publique Palestinienne - et un État qui les asphyxie déjà en temps normal puis qui utilise une force manifestement disproportionnée durant les attaques. 


Pour revenir à la doctrine dahiya, en soit le nom importe peu. Nous ne pouvons pas dire que c'est cette doctrine qui est toujours utilisée, mais les méthodes sont étrangement similaires. L'idée c'est la dissuasion, c'est l'usage d'une force disproportionnée, manifestement illégale au regard du droit international non pas parce qu'elle est supérieure en terme d'attaque (cela n'est pas forcément illégal en droit des conflits armés) mais parce qu'elle touchera des civils, l'idée serait de leur faire peur pour que jamais ils n'essayent de s'opposer. Les Nations unies avaient commandé une mission d'enquête connue sous le nom de rapport Goldstone, qui a conclu que la stratégie israélienne était « conçue pour punir, humilier et terroriser une population civile. » 
Comme je vous ai dit au départ, la guerre, c'est la guerre, je ne suis pas dupe concernant cela. Ce qui est insupportable, c'est la justification médiatique truquée. Plusieurs voix s'élèvent, dont celle d'Omar Baddar encore une fois, pour déconstruire la théorie d'Israël selon laquelle le hamas utilise des boucliers humains. Selon lui, il s'agit d'une manière de minimiser la responsabilité d'Israël dans les morts de civils, dont les enfants, et c'est pourquoi ils s'attardent à démontrer des images de lanceur de roquette stockées dans des zones civiles, il rapporte que des organisations de défense des droits de l'Homme ont documentés le fait que les bombardements étaient imprudents et aveugles. Je pense que la réalité se situe entre les deux propos, et que cette question doit s'apprécier avec d'autres éléments, autant de preuve existe pour réfuter autant la première théorie que la seconde, alors je ne m'aventurerai pas à parler des boucliers humains en tant que mythe ou réalité.
Néanmoins, au niveau de la résonance médiatique, cette question des boucliers a longtemps été débattue suite à l'opération plomb durci de 2009, concernant cela nous trouvons sur le site du Sénat Français « selon un rapport du Palestinian Centre for Human Rights (PCHR) en date du 12 mars 2009, à 1 434 morts, dont 82 % de victimes civiles. Côté israélien, les chiffres fournis par le ministère israélien des affaires étrangères font état de 13 morts, dont 3 civils. ». Par cela je veux dire que ce n'est pas un hasard de débattre de cela après un bilan autant meurtrier, tout comme celui de 2014, lorsqu'on sait ô combien Israël tient à sa bonne réputation, en occultant totalement leur responsabilité, 82% de morts civils, pour un état qui clame cibler uniquement des haut dirigeant du hamas. Les propos rapportés de Ehud Olmert Premier ministre Israélien en 2009 suite au conflit qu'il aurait déclaré dans son cabinet sont ceux-ci  « La position du gouvernement était dès le départ que s'il y a des tirs sur les résidents du sud, il y aura une réponse israélienne sévère qui sera disproportionnée. ». L'UNWRA avait effectivement trouvé des armes stockées dans une école en 2014, mais Anne Barnard, envoyée spéciale du New York Times à Gaza disait « Il n'existe pas de preuve que le Hamas et d'autres militants forcent les civils à rester dans les zones attaquées - la définition juridique d'un bouclier humain en vertu du droit international. ». C'est pour cela que cette question est difficile. Tsahal accuse le Hamas de stocker des armes dans des zones civiles, mais aucune preuve, aucun témoignage ne stipule que les habitants sont forcés de rester près de ces zones. En même temps, où pourront-ils aller, Gaza étant régulièrement détruit, et quelles seraient les répercussions si ils en parleraient, n'occultons pas le passif du Hamas bien qu'à ce jour il soit plus ouvert au monde, incluant deux femmes dans la direction. À l'inverse, Wikileaks nous dit qu'Israël utilise lui les Gazaouis en tant que bouclier humain.   

© WikiLeaks

« Mais de loin, la réverbération la plus forte la plus forte réverbération en Israël a été celle créée par l'organisation israélienne l'organisation israélienne "Breaking the Silence", qui a rassemblé le témoignage de 26 soldats anonymes des FDI.  Tous ces soldats ont participé à l'opération "Plomb durci" dans la bande de Gaza, et ont témoigné de cas où des habitants de Gaza ont été utilisés comme boucliers humains, des obus incendiaires au phosphore ont été tirés sur des sur des zones de population civile, ainsi que d'autres exemples de puissance de feu excessive qui a causé des morts et des destructions inutiles de biens.» 
J'en reviens à ce que je disais, cette question des boucliers humains n'est pas clair ni d'un côté ni de l'autre. Elle doit s'apprécier aussi par le fait que la démographie de Gaza est dense par exemple, et que le Hamas ne possède pas vraiment d'emplacement militaire comme on l'imagine, il ne s'agit pas de deux armées se combattant sur un champ de bataille. Si Israël fait un usage disproportionné de la force, en bombardant trop par rapport à la cible visé, la question des boucliers humains et en cela aussi biaisé. Bombarder un bâtiment civil devenu militaire n'est pas fondamentalement interdit, mais si nous reprenons le fameux exemple de la tour de presse : rien ni personne attestait que le hamas s'y trouvait. Une rumeur circulait sur les réseaux sociaux disant que la chaîne " Al Aqsa TV " était émise du bâtiment, or cela s'avère faux les bureaux de cette chaîne avaient déjà été détruit précédemment, ces derniers se trouvaient dans un autre immeuble, à ce jour personne n'explique objectivement pourquoi la tour hébergeant les locaux de l'AP et de Al Jazeera a été ciblée. C'est un peu comme quand, dans les clips vidéo Israliens, on lit " le Hamas et le jihad islamique " pour nous occidentaux cela nous fait penser au groupe terroriste daesh, mais la réalité est autre. Si le Hamas a des liens par exemple avec l'Iran que je déplore, il n'en a pas avec daesh et il est d'ailleurs fermement opposé à ce groupe, il existe à ma connaissance une petite brigade affiliée à daesh vers Jérusalem, qui ne côtoie pas le Hamas, pourtant ils sont perpétuellement cités ensemble, est-ce pour émouvoir l'opinion publique francophone ayant été touchée ? En somme, les informations sont brouillonnes et nous causent des difficultés à tous pour comprendre ce qu'il se passe. 

Pour revenir à la doctrine de guerre, j'aimerais reparler de la position des États-Unis. Plus haut, j'avais évoqué les propos de Michael Ratner, mais j'aimerais citer également ceux de Rashid Khalidi : 

« Il n'est pas surprenant que l'on ait trouvé peu de mentions de la doctrine Dahiya, que ce soit dans les déclarations des politiciens américains ou dans le reportage de la guerre par la plupart des grands médias américains, qui se sont attardés à décrire les actions d'Israël comme de la "légitime défense ».
La loi de 1976 sur le contrôle des exportations d'armes précise que les armes fournies par les États-Unis doivent être utilisées "pour la légitime défense". Compte tenu de cette disposition de la loi, lorsque les responsables américains, à commencer par le président, décrivent les opérations d'Israël à Gaza comme de la légitime défense, ils ne font peut-être pas que répéter comme un perroquet la ligne rigoureusement établie par Israël et ses partisans. Ils disent peut-être aussi cela pour échapper à la responsabilité légale en vertu du droit américain et à d'éventuelles poursuites pour crimes de guerre, aux côtés des responsables israéliens chargés de donner les ordres, et des officiers et soldats qui appuient effectivement sur la gâchette." 

Si l'on se balade sur les réseaux sociaux, quiconque s'aventurant à remettre en cause la stratégie militaire se voit opposer la stratégie de la proportion. En fait, réellement, le débat est ici : la justification médiatique. L'image d'un pays est importante, se justifier est important sur la scène internationale, souvenons nous que récemment Israël s'est vu dans l'embarras suite à l'ouverture de l'enquête de la CPI. Le débat est là puisque totalement à contre-courant des chiffres rapportés dans des bilans plus macabres les uns que les autres, arguer la légitime défense en devient cynique, à fortiori lorsqu'on voit les dégâts sur Gaza. La question de la proportionnalité en droit international est la clef de tout, et le battage médiatique est intéressant lorsqu'on occulte les événements précédents l'escalade des violences, renversant le rapport de force entre le bourreau et la victime. 
À ce propos, Rashid Khalidi évoque le Hamas, et je souhaite l'évoquer aussi ici, car l'occulter reviendrait à établir une propagande dans l'autre sens alors que je la déplore. L'idée de M. Khalidi, c'est que le Hamas - et nous le voyons - n'est pas en capacité de rentrer véritablement en guerre. Ils sont très armés d'un point de vue terrestre, mais au niveau des roquettes elles sont imprécises et de fabrications artisanales pour la plupart. Le battage médiatique autour des lancements de roquettes du hamas est ambiguë, car jamais ne sont mentionnées les caractéristiques mêmes des dites roquettes. Évidemment et incontestablement, si ces roquettes avaient un guidage supérieur et que le Hamas avait en sa possession une toute autre artillerie, eux aussi commettraient potentiellement des crimes de guerre, la CPI se penchera également sur cela. Ce que dit M. Khalidi c'est qu'en face, les attaques sont délibérément plus destructrices, et que la réponse en terme d'armes est questionnable puisque nous ne pouvons ignorer la puissance de l'armée israélienne et son équipement perfectionné (cf l'ambassadeur un peu plus haut d'ailleurs), la question de la proportion englobe toutes les décisions prises : attaquer, quand attaquer, qui attaquer, avec quoi attaquer. Il ne sera jamais question ici d'occulter les tirs du Hamas, ni leur part de responsabilité, simplement de remettre en question l'idée de la légitime défense qui ne corrobore ni avec les faits ni avec les déclarations cités. Répondre au Hamas ne veut pas dire viser des infrastructures totalement civiles, qu'est-ce que cherche à faire Israël, pense-t-il sortir en héros d'une guerre aussi asymétrique lorsque nous connaissons la vie sous cloche des Palestiniens ?
L'intellectuel d’origine juive Norman Finkelstein affirme que « ni le blocus inhumain et illégal imposé à Gaza ni les "opérations" criminelles périodiques qu’Israël a déployées contre Gaza ne tirent leur origine des roquettes tirées par le Hamas. Il s’agit de décisions politiques israéliennes résultant de calculs politiques israéliens, dans lesquels les actions militaires du Hamas apparaissent comme un facteur nul » (Finkelstein, N.G., Gaza. An Inquest Into Its Martyrdom, Berkeley, University of California Press, 2018), en ce sens je vous mets l'article si le hamas n'existait pas, publié par E'M.C. En somme, le Hamas a des actions condamnables, mais il ne représente pas un joker que l'on sort pour justifier tout et n'importe quoi. 
Également je viens de repenser à un article de Wael Mejrissi, je vous le mets ici

Israël a déjà eu recours à des punitions collectives (à l'instar du blocus..), les habitants ainsi que Al Jazeera ont témoigné de cela. En effet, une société israélienne a inventé une eau ayant une odeur qui, selon les victimes, est un mélange entre des excréments et des cadavres en décomposition, rien que ça. L'entreprise a conçu cela pour réprimer les foules et le produit est exporté ailleurs dans le monde, pour être utilisé dans des manifestations par exemple. Or " les forces israéliennes ne l'utilisent pas seulement pour réprimer les protestations, mais aussi pour infliger des punitions collectives. Les camions à ordures traversent les quartiers palestiniens en pulvérisant les bâtiments en représailles aux résidents locaux qui protestent contre l'occupation et l'apartheid israéliens. En conséquence, les entreprises doivent fermer pendant des jours et les familles doivent quitter leur maison pendant de longues périodes jusqu'à ce que la puanteur disparaisse. C'est ce qui en fait un outil de punition collective brutal." selon Al Jazeera. Si cela peut s'avérer utile dans des manifestations bien que discutable, en l'occurrence Israël ne l'aurait pas utilisé que sur les foules, mais en badigeonnant des rues entière ainsi que des habitations de ce mélange, alors même qu'aucune manifestation n'y était présente. 

À ce jour, 230 morts Palestiniens, dont 65 enfants et 39 femmes, également plus de 1710 blessés qui garderont pour la plupart de lourdes séquelles, ainsi que 12 morts Israéliens et 27 blessés. Ce soir, le Hamas et Israël se sont accordé pour un cessez-le-feu ainsi qu'une armistice mutuelle. Dans chaque conflit, l'usage d'une force vraisemblablement disproportionné ne semble bousculer que peu de monde, si ce n'est les associations pour les droits humains, et la propagande médiatique en est un facteur important.
J'aimerais alors citer les mots de Nimer Sultany dans The Guardian  :

« Ces derniers jours, des gens de ma ville ont partagé des vidéos d'arrestations policières de jeunes hommes et de brutalités policières non provoquées - des pratiques qui rappellent l'activité policière à Jérusalem-Est. Benjamin Netanyahu a publiquement assuré la police de ne pas se soucier des enquêtes et des commissions d'enquête. L'incitation a conduit à des attaques de colons armés et de groupes d'extrême droite organisés à Lydda et ailleurs. Le chant de « mort aux Arabes » de ces groupes est familier aux citoyens palestiniens des stades de football à travers le pays. (...) Les déplacements forcés, la confiscation de terres, un statut juridique inférieur et l'incarcération sont des réalités partagées par tous les Palestiniens, que ce soit "à l'intérieur" d'Israël ou dans les territoires occupés. Il est tout simplement faux de prétendre qu'une coexistence préexistante a été brisée. Les Palestiniens à l'intérieur d'Israël protestent contre la politique israélienne à Cheikh Jarrah et le bombardement du camp de prisonniers de réfugiés très peuplé qu'est Gaza parce qu'ils voient l'unité et la continuité du système colonial d'oppression sur tous les Palestiniens. Notre protestation affirme l'unité d'une lutte anticoloniale pour l'égalité et la liberté. »

Lorsque la colonisation se poursuit en toute impunité, l'idée serait alors pour Michael Ratner en appliquant la doctrine dahiya de donner une leçon collective. Collective pour endiguer le mouvement de résistance de la jeunesse palestinienne, grandissant sous l'oppresseur, sous le blocus. Tel est son propos « Le fait qu'ils aient dû entrer en guerre tous les deux ans contre la population de Gaza et d'autres territoires occupés montre que la résistance ne s'arrêtera pas. Ce qu'ils font rend la résistance encore plus forte. Mais peut-être que l'espoir d'Israël est de rendre Gaza inhabitable au fil des ans pour chasser les Gazaouis. » Je n'ai par ailleurs jamais vu autant d'associations humanitaires s'insurger, même dans les précédents conflits. 
Lors de l'ouverture de l'enquête de la CPI, Israël n'a pas voulu y collaborer. Mais ce n'est pas la première fois qu'ils refusent ce genre de questionnements. Nous pouvons nous souvenir de 2018, lors de différentes manifestations, où ils avaient fait usage de balles réelles, l'ONU s'était dit préoccupé « L'ONU, l'Union européenne et des ONG ont réclamé des enquêtes indépendantes, idée rejetée par Israël. Les Etats-Unis, grand allié d'Israël, ont bloqué les démarches en ce sens à l'ONU. Le Comité de l'ONU se dit "préoccupé" par le fait que bien qu'Israël ait annoncé publiquement la conduite d'une enquête sur ces événements à Gaza, "une enquête indépendante et impartiale n'a pas encore eu lieu ». Également « Les 18 experts indépendants de ce comité, qui dépend du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, se disent "gravement préoccupés par le fait que de nombreuses personnes décédées ou blessées ne semblaient représenter aucune menace imminente au moment où elles ont été abattues ». 

En guise de conclusion, je reprends les récents propos d'Amnesty International qui couvre le conflit de près « Nous avons recueilli des informations sur quatre attaques meurtrières lancées par Israël contre des habitations. Rien n'a été fait pour prévenir les civils avant l'attaque afin qu'ils puissent se sauver. » Les méthodes d'Israël posent encore une fois moult questions. .

Illustration 3
Bombardements des forces israéliennes sur Gaza, le 18 mai. © AFP
Illustration 4
bilan conflit israélo-palestinien de 2008 à 2020. © Statista

Je vous laisse avec un article de révolution permanente sur le sujet ici

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