Christian Jacob, le «Monsieur Environnement» de l'Assemblée, président de la commission du Développement durable créée cet été pour reverdir le Palais-Bourbon, vient de rater une occasion de défendre son «bébé» et d'asseoir son pouvoir, face aux poids lourds de la commission des Affaires économiques, réputés plus rétifs à l'écologie.
L'épisode, passé inaperçu, s'est déroulé mardi 29 septembre, dans un hémicycle quasi vide. Les députés examinaient, ce soir-là, un projet de loi donnant un droit de regard au Parlement sur une quarantaine de nominations qui relèvent du chef de l'Etat (à la tête de La Poste, du CSA, etc.). Ce texte accorde à l'Assemblée la faculté de bloquer n'importe quel choix du Président de la République, dès lors que 3/5ème des députés membres de la commission compétente (Défense, Affaires étrangères, etc...) s'opposent au nom proposé.
Après audition, la commission des affaires culturelles pourra par exemple refuser l'installation du poulain de l'Elysée à la tête de France Télévisions...
Sur ce modèle, le gouvernement avait prévu, dans son projet de loi, de confier le contrôle de la nomination du patron de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à la nouvelle commission du Développement durable (73 membres, dont le chasseur UMP Jérôme Bignon ou le Vert Yves Cochet). Ce «fléchage» semblait s'imposer, l'ASN ayant pour mission de protéger les Français et «l'environnement des risques liés au nucléaire».
Mais la commission des Affaires économiques, interlocuteur traditionnel des industriels, s'est sentie dépouillée de ses prérogatives -elle qui gérait précédemment les dossiers environnementaux. Cet été, déjà, son président, Patrick Ollier, avait contesté le fait qu'on lui retire les projets de lois relatifs aux transports pour les confier à Christian Jacob.
Cette fois, Patrick Ollier n'aura pas lâché prise: grâce à un amendement qu'il s'est donné la peine de venir défendre à 23h30, il a privé la commission du développement durable de son droit de veto sur les nominations à la tête de l'Autorité de sûreté nucléaire, récupérant le morceau. Un seul député UMP, Guy Geoffroy, a protesté avec le PS contre cet «accaparement», qui réduit l'influence d'une commission Environnement déjà critiquée par nombre d'écologistes pour ses compétences rachitiques.
Au micro, la socialiste Aurélie Filippetti a interpellé ses collègues: «Pourquoi avoir créé une commission Développement durable, si elle ne peut même pas valider la nomination du président de l'Autorité de sûreté nucléaire?!». Et de regretter que «Monsieur Jacob ne soit pas dans l'hémicycle pour défendre la commission qu'il préside!»
En face, Patrick Ollier s'est contenté de rappeler que sa commission des affaires économiques restait en charge des questions énergétiques, donc de la filière nucléaire aussi.
C'est exact. Mais reste cette question (dont on devine la réponse, compte tenu du poids des lobbies): pourquoi donc l'énergie n'a-t-elle pas été transférée à la commission Développement durable?
Plusieurs députés UMP avaient pourtant défendu cette idée: «Si c'est pour se contenter de la biodiversité et des déchets, ça n'est pas la peine!», nous avait même déclaré Alain Gest l'an dernier...
PS: Après lecture de ce billet, Christian Jacob m'a téléphoné, regrettant qu'on lui «taille ainsi un costard»: «D'abord, parmi la quarantaine de nominations présidentielles soumises par ce projet de loi à l'avis du Parlement, la commission Développement durable aura largement sa part, puisqu'elle en contrôlera une douzaine [la présidence du Haut conseil des biotechnologies ou du conseil d'administration de Réseau ferré de France], explique Christian Jacob. Ensuite, ma commission n'était pas attaquée mardi soir; je n'avais pas à la défendre! En effet, il a toujours été dit, depuis le début, que le dossier Energie resterait à la commission des Affaires économiques. Ma commission n'est pas en charge de l'énergie, donc pas du nucléaire. J'ai toujours été d'accord avec cette répartition des compétences, qui correspond au découpage entre les ministères de l'Ecologie et Bercy; ça n'est pas un sujet de frictions. Nous, au Développement durable, on a tout le volet transports (maritime, fluvial, ferroviaire, aérien...). On a la construction, les infrastructures, l'aménagement du territoire, l'écologie, la chasse...»
Le gouvernement, qui voulait lui confier un droit de regard sur la nomination du président de l'Autorité de sûreté nucléaire, n'aurait donc pas compris ces subtilités?!?