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Billet de blog 7 mai 2009

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Licenciement à TF1: Albanel «imagine» que la chaîne a ses raisons

Jeudi 7 mai, en plein hémicycle, Christine Albanel a trahi sans le vouloir, au détour d'une phrase, le degré de proximité entre le pouvoir et TF1, la chaîne de Martin Bouygues, ami de Nicolas Sarkozy...

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Jeudi 7 mai, en plein hémicycle, Christine Albanel a trahi sans le vouloir, au détour d'une phrase, le degré de proximité entre le pouvoir et TF1, la chaîne de Martin Bouygues, ami de Nicolas Sarkozy...

Vers 15 heures, les députés de l'opposition interrogeaient alors la ministre de la Culture et de la communication sur les conditions scandaleuses du licenciement de Jérome Bourreau-Guggenheim, dévoilées quelques heures plus tôt par Libération. Grosso modo, l'affaire de ce jeune cadre de TF1 pourrait se résumer ainsi: en mars, il a adressé un mail privé à la députée de sa circonscription, pour dézinguer le projet de loi Hadopi contre le téléchargement illégal (en discussion à l'Assemblé) et lui suggérer, en tant que citoyen, de ne pas le voter.

L'assistante de l'élue a aussitôt transféré ce courriel au cabinet de Christine Albanel, pour réclamer un contre-argumentaire circonstancié (comme le font souvent les parlementaires). Illico, le cabinet a fait suivre le mail à un ponte de TF1 (chaîne ouvertement pro-Hadopi), pour pointer du doigt le dangereux mouton noir! Et Jérome Bourreau-Guggenheim s'est retrouvé limogé, en avril, son patron lui reprochant explicitement le contenu de sa correspondance privée...

Illustration 1

Jeudi, donc, la ministre est venue nier «solenellement» toute responsabilité dans cette histoire, suggérant que l'un de ses conseillers avait pris ses aises et contacté TF1 sans jamais l'en informer... «Je ne suis absolument pour rien dans cette affaire, a juré Christine Albanel. Je n’ai jamais demandé à personne la tête de qui que ce soit!» À ce jour, aucun élément ne permet de la contredire...

Mais ce qui ne manque pas d'étonner, c'est la petite phrase qui a suivi, passée totalement inaperçue. La ministre a en effet ajouté: «Ce sont des décisions internes à la société TF1, je ne sais pas sur quels fondements elles ont été prises; en fait, je ne connais pas spécialement bien ce dossier, mais probablement, ça va au-delà d'une opinion exprimée de manière privée, probablement ça va au-delà, c'est sans doute une différence de stratégie plus globale, du moins je l'imagine

Pourquoi donc Christine Albanel s'imagine-t-elle a priori que TF1 a ses raisons? Pourquoi livre-t-elle à la représentation nationale son sentiment personnel, selon lequel Jérome Bourreau-Guggenheim, «sans doute», «probablement», a fauté en public à d'autres occasions (comme l'affirme aujourd'hui la société dans un court communiqué, sans apporter aucun élément)? Pourquoi la ministre, qui reconnaît benoîtement n'avoir aucune bille, présume-t-elle «une différence de stratégie plus globale» entre l'entreprise et son cadre? Bref, pourquoi cherche-t-elle à sauver l'image de TF1 et vole-t-elle au secours de Martin Bouygues?

Vers 15h05, jeudi, Christine Albanel s'est rassise. Et le communiste Jean-Pierre Brard s'est fait un plaisir de dénoncer la «consanguinité entre l'appareil d’Etat et les grands capitalistes»...

Pour mémoire, Mediapart avait publié en décembre (et en exclusivité) le Livre Blanc de TF1, une dizaine de pages confidentielles adressées à l'Elysée par les lobbyistes de la chaîne privée, qui avait en partie inspiré la réforme de l'audiovisuel public (et la suppression de la publicité)