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Billet de blog 19 mai 2009

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A l'Assemblée, la majorité se définit par soustraction

C'est presque ubuesque: le nouveau règlement de l'Assemblée, dont les députés débattent ces jours-ci, reconnaît pour la première fois l'existence de l'opposition, lui offre un statut juridique et des droits spécifiques, mais il «omet» au passage de définir la majorité.

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C'est presque ubuesque: le nouveau règlement de l'Assemblée, dont les députés débattent ces jours-ci, reconnaît pour la première fois l'existence de l'opposition, lui offre un statut juridique et des droits spécifiques, mais il «omet» au passage de définir la majorité.

Le terme est comme passé à la trappe. Bizarrement...

Auprès du Journal officiel, les groupes politiques pourront seulement se déclarer, s'ils le souhaitent, «d'opposition». Et le groupe majoritaire ne se définira plus qu'en creux: celui qui, parmi les non-opposants, comptera le plus gros effectif dans l'hémicycle. Un casse-tête?

«C'est hallucinant!, s'étouffe le constitutionnaliste Guy Carcassonne, partisan de la réforme des institutions et du règlement, tombé de sa chaise en découvrant cet élément. Désormais, c'est l'opposition qui fait exister la majorité; celle-ci se définit seulement par défaut! Ce système absurde est unique au monde».

Quant aux "petits" groupes secondaires qui refuseront de s'inscrire dans l'opposition au gouvernement, ils seront estampillés «minoritaires», et disposeront de droits propres.

En projetant la composition actuelle de l'Assemblée, le dispositif fonctionne sans encombre: les groupes PS et PC se réclameraient de l'opposition, l'UMP (317 sièges) deviendrait le «groupe majoritaire», tandis que le Nouveau centre (23 députés) ferait figure de «groupe minoritaire». Jusqu'ici, pas d'accroc.

«Mais cette répartition des sièges n'est pas immuable, peste Guy Carcassonne. En 1986, la majorité se constituait du RPR et de l'UDF [respectivement dotés de 155 et 131 sièges]. L'UDF était partie intégrante de la majorité et faisait quasiment jeu égal avec le RPR; il aurait été ridicule de qualifier l'UDF de groupe "minoritaire"! Encore plus de lui accorder, à ce titre, des droits spécifiques! L'UDF aurait cumulé les avantages de la majorité et ceux de la minorité...» Le constitutionnaliste n'a qu'un mot: «Délirant».

Et une explication: en écrivant le nouveau règlement, l'UMP n'aurait pas fait preuve de malice, mais «simplement commis l'erreur de réformer l'Assemblée à la lumière de la situation du jour, comme si l'UMP ou le PS ne devaient jamais exploser, jamais se déliter...» Un pari risqué.

Au PS, on pousse encore plus loin: «De toute façon, sur tout le règlement, ils ont travailé comme s'ils devaient conserver les clefs de la maison éternellement, s'agace le socialiste Jean-Jacques Urvoas. Pour les droits de l'opposition, c'est pareil. S'ils n'ont pas voulu aller plus loin, c'est parce que Jean-François Copé ne s'est pas imaginé à notre place une seconde.»