Mardi 23 juin, lors d'une réunion à huis clos, les députés socialistes ont réélu à mains levées leur chef de file, Jean-Marc Ayrault, seul candidat à sa succession. «Qui vote contre?» Personne. «Qui s'abstient?» Personne. Le maire de Nantes, ami de François Hollande, repart donc pour une treizième année aux manettes -en pleine phase théorique de «refondation» du parti...
Jean-Marc Ayrault détenait déjà le deuxième record de longévité sous la Ve République: seul Gaston Defferre, patron de 1962 à 1981, a duré davantage à la présidence du groupe PS... Sinon, à l'Assemblée nationale, Pierre Joxe a piloté 5 ans, Louis Mermaz 2 ans (1988-90), Jean Auroux 3 ans (1990-93), Martin Malvy 2 ans (1993-95)...
«Cette année, on a oublié de rénover», persifle Arnaud Montebourg dans Profession politique. En juillet 2008, l'élu de Saône-et-Loire avait échoué à renverser Jean-Marc Ayrault (57 voix décrochées contre 120), après avoir fait campagne contre l'immobilisme («Nous avons le devoir (...) d'imaginer une autre combativité», clamait sa profession de foi). Désormais secrétaire national du parti à la rénovation, Arnaud Montebourg (déjà battu en 2002 et 2007), n'a pas jugé opportun d'y retourner.
«Aucune alternative n'était crédible», souligne l'entourage de Jean-Marc Ayrault, au fait des rapports de courants. Laurent Fabius, que la rumeur disait gourmand, qui avait épaté sur le récent projet de loi organique restreignant le droit d'amendement, ne s'est pas lancé. Pourquoi jouer aux kamikazes? «C'est le meilleur orateur, mais il aurait fait 80 voix maximum», reconnaissent ses amis -sans doute moins.
L'ancien Premier ministre, qui a largement contribué à l'élection de Martine Aubry comme première secrétaire du PS, reste bien trop «clivant». «Je ne lui pardonne pas sa campagne de 2005 contre la Constitution européenne» (menée à rebours des positions du parti), ressassent ses opposants. Quant aux «quadras» (Manuel Valls, Gaëtan Gorce...), ils n'auraient pas fait un pli.
Pour bâtir une majorité, de toute façon, il aurait fallu un minimum de temps pour phosphorer. Or l'équipe du «sortant» a calé le scrutin entre le Congrès de Versailles et le remaniement gouvernemental; l'appel à candidature a duré 2 jours à peine... «C'était le meilleur moyen de tout congeler», s'agace un représentant de la gauche du parti.
Le «Président» pouvait en plus plaider le réveil du groupe ces derniers mois. Sans conteste, il a rehaussé sa pugnacité (combats virulents sur la réforme des institutions, au point d'entonner La Marseillaise dans l'hémicycle et de boycotter les séances; pilonnage du projet de loi Hôpital; victoire sur Hadopi, etc.). «Franchement, c'était pas l'ambiance d'aller contre lui», résume un royaliste. «C'était pas mûr», confirme un ambitieux, en embuscade.
Reste qu'à l'issue de cette réélection, mardi, Jean Glavany (candidat contre Jean-Marc Ayrault en 2007 avec le soutien de Bertrand Delanoë) a pris la parole pour ronchonner: grosso modo, il a critiqué la stratégie de «communication» du «patron» et le fiasco de certaines opérations spectaculaires... Dans sa ligne de mire: le camion publicitaire loué en avril dernier pour tourner autour de l'Elysée, avec un slogan anti-bouclier fiscal, que les forces de l'ordre avaient illico dégagé («Monsieur le Président, trouvez-vous normal que les boucliers ne protègent que les riches?»); et le rassemblement impromptu, lundi 22 juin, devant la Salle du Jeu de Paume de Versailles (où les représentants du Tiers-Etat avaient prêté serment en 1789), pour protester contre la convocation du Congrès par Nicolas Sarkozy...
«Merci de votre confiance», a conclu Jean-Marc Ayrault mardi.