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Je viens de découvrir Reiner Schürmann. Philosophe allemand, exilé, mort trop tôt. Son livre Les Origines (1976) me frappe d’emblée. Un récit de fractures. Né allemand, trop tard pour la guerre, trop tôt pour l’oublier. Il traverse l’usine paternelle, découvre les traces compromettantes. Il tente l’exil dans un kibboutz israélien, mais est expulsé parce qu’Allemand. La Forêt-Noire, saturée de fantômes. L’Amérique, refuge sans repos. Rien ne s’efface.
Dans ses pages, l’origine n’est jamais un sol. C’est une plaie. Pas d’ancrage, pas de repos. Une langue qui porte la faute. Une mémoire qui colle à la peau. Chaque lieu devient cicatrice.
Todtnauberg. Je l’ai photographié sans encore connaître Schürmann. Et pourtant : la résonance est immédiate. Une cabane, Heidegger. Pensée immense, compromission intacte. Le paysage paraît innocent, mais ne l’est pas. Beauté qui recouvre, beauté qui masque. Ombres en arrière-plan.
Mes photographies refusent la carte postale. Elles écoutent le non-dit. Sentiers muets, arbres dressés, brouillard qui voile plus qu’il ne cache. Le lieu semble parler, mais à voix basse, presque honteux.
Schürmann écrit que l’exil n’efface pas. Je photographie pour rappeler que le paysage n’absout rien. Même lutte contre l’oubli. Même tension entre silence et mémoire.
Aujourd’hui encore, ça revient. Discours simplistes. Autorité séduisante. La tentation de l’ordre. Les hégémonies meurent mal : elles ressurgissent, grimées.
Les Origines et Todtnauberg se rencontrent dans ce constat. Écrire. Photographier. Deux gestes qui se répondent. Même vigilance. Même refus de l’innocence. Même question, insistante : que faire de nos origines quand elles refusent de nous lâcher ?
⌘ Matthias Koch (non, pas juste photographe)
Né en 1964, quelque part dans l’angle allemand du monde.
Traverse : Caracas, Santiago, Oaxaca.
Puis s’enracine — Ardèche.
Il ne photographie pas les choses. Il photographie leur écho.
Ce qui tremble encore, même après disparition.
Il œuvre dans les zones grises :
mémoire, exil, effacement, silence.