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Billet de blog 7 septembre 2025

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Habiter l’archipel des images

Aucune trame, aucun plan. Mes images naissent comme des apparitions, s’assemblent en constellations fragiles, reliées par des courants invisibles. Je ne cherche pas à expliquer mais à laisser résonner silences et écarts. Créer, c’est habiter cet archipel mouvant, où le sens affleure puis s’échappe, et où l’image parle avant les mots.

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Illustration 1

Il n’y a pas de plan.
Aucun scénario prédéfini, aucun storyboard invisible qui précède mes images. Mon travail photographique ne suit ni méthode stricte ni logique de production. Il se déploie comme un archipel : par fragments, par émergences successives. Une première image apparaît. Elle ne répond à aucun ordre intérieur ; elle se présente d’elle-même, comme une apparition. Parfois, elle s’impose — doucement, mais avec insistance, comme une obsession silencieuse. Puis une autre image surgit, qui se relie — non par le sens, ni par le sujet — mais par un fil plus subtil, plus secret : une lumière, un souffle, une intensité partagée.

Ainsi se forme peu à peu un archipel. Non pas une série au sens strict, mais une constellation d’îles visuelles, liées par des courants invisibles. Je n’essaie pas d’expliquer ces connexions. Elles existent, et cela suffit. Parfois ce sont les silences qui résonnent entre les images ; parfois ce sont les écarts, les marges, ou ce qui résiste à la clarté.

Je travaille ainsi, dans une sorte d’attention flottante. Je laisse les images se répondre, se frôler, parfois se contredire. Ce n’est que plus tard que l’ensemble commence à prendre forme. Une série ne naît jamais d’un titre : elle émerge quand les images commencent à s’organiser, à murmurer une cohérence. Le sens n’est pas donné — il affleure. Et souvent il se dérobe dès qu’on tente de le saisir.

Mon approche est lente, organique. Rien n’est figé. Une série n’est jamais vraiment achevée. Je reviens souvent, des mois ou des années plus tard, à un ensemble que je croyais terminé. Je déplace des images, j’en retire, j’en ajoute. Je recommence. Chaque série contient, en puissance, une autre série possible — une version parallèle de ce qui aurait pu être.

Je ne cherche pas à illustrer une thèse. Je ne documente pas. Je demeure plutôt dans cet entre-deux incertain, où l’image devient un espace de questionnement — du temps, de l’absence, de ce qui nous échappe. Ma photographie n’est pas là pour apporter des réponses, mais pour ouvrir. Elle invite à une forme d’attention, de présence au monde — à ses plis, ses fractures, son souffle.

Créer, pour moi, c’est cela : habiter un archipel mouvant. Accepter que le chemin se trace en marchant. Rester ouvert à l’inattendu. Et surtout, laisser l’image parler avant les mots.


Matthias Koch (non, pas juste photographe)

Né en 1964, quelque part dans l’angle allemand du monde.
Traverse : Caracas, Santiago, Oaxaca.
Puis s’enracine — Ardèche.

Il ne photographie pas les choses. Il photographie leur écho.
Ce qui tremble encore, même après disparition.

Il œuvre dans les zones grises :
mémoire, exil, effacement, silence.

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