: Ce n’est pas un portrait.
Encore moins un autoportrait pour le salon. (Moi — frontal, nu. Sans alibi.)
L’appareil photo ? C’est moi.
Le sujet ? Moi aussi.
(On dirait : je témoigne de moi-même. Mais c’est déjà trop dire.)
L’image :
un visage. Le mien. Sans maquillage, sans distance.
Gros plan = responsabilité proche.
Pas l’art du beau. Mais de la trace. De la faute, peut-être. (Ou du souvenir, si l’on veut adoucir.)

Agrandissement : Illustration 1

: Todtnauberg.
La série. L’endroit. La cabane. Les mots qui ne sont pas venus.
(Juillet 49, Celan rencontre Heidegger. — Il reste un poème. Il manque une phrase.)
Je viens de là. Ou d’à côté. Donc : pas innocent.
La forêt qu’Heidegger regardait — je l’ai respirée.
Pas par choix. Par origine.
La photo : pas une pose.
Mais une prise de position. Une attitude — dans la chair.
Le regard ? — pas un regard, un contre-regard.
(Non, je ne te regarde pas. Je te traverse. Jusqu’à ce que tu évites.)
L’image est rugueuse, granuleuse. Comme l’Histoire sous les ongles.
Comme la honte, agrandie.
Je me mets dans l’image —
non pour être vu. Mais pour ne pas fuir.
Le lieu l’exige.
L’ombre de Todtnauberg : ce n’est pas la météo.
Celui qui peut, qu’il regarde. Celui qui ne peut pas — qu’il détourne.
Mais une chose reste :
Il y a quelqu’un debout. Et il reste debout.
⊞ Note de contexte : Todtnauberg (pas un lieu. Une fissure.)
: Sud de la Forêt-Noire.
Une cabane. Heidegger s’y retire. Il pense. Ou pas. (A la Grèce, oui. A la Shoah ? Moins sûr.)
1949. Paul Celan monte. Rencontre. Tension.
Ils parlent. Ou ne parlent pas.
Ils boivent une eau — trop claire.
Un mot est attendu.
Il ne viendra pas.
Le poème restera. Le silence aussi.
Todtnauberg : non pas une réponse, mais une zone d’inconfort mémoriel.
Une question sans balise.
: Matthias Koch y revient. Pas comme biographe. Ni comme procureur.
Mais comme héritier lucide.
Il photographie ce que les archives ne disent pas.
Pas le fait — le frémissement du fait.
Il se place dans l’image.
Non pour s’y montrer. Mais parce qu’on ne peut pas rester hors champ, quand on est né dedans.
⌘ Matthias Koch (non, pas juste photographe)
Né en 1964, quelque part dans l’angle allemand du monde.
Traverse : Caracas, Santiago, Oaxaca.
Puis s’enracine — Ardèche.
Il ne photographie pas les choses. Il photographie leur écho.
Ce qui tremble encore, même après disparition.
Il œuvre dans les zones grises :
mémoire, exil, effacement, silence.
Séries : Eschaton, Unheimlichkeit, In Absentia, Leaving Home, Resonances, Todtnauberg.
À chaque fois : le corps en tension, la parole absente.