Vivre quelque part, ce n’est pas occuper un espace. C’est entrer dans une épaisseur.
Depuis des années, j’habite en Ardèche, sur les terres que mon beau-père a travaillées toute sa vie. En y marchant, en y travaillant, je tombe sans cesse sur ses traces : un fil de fer tordu, une pierre déplacée pour l’eau, un outil oublié sous la terre. Des gestes simples, précis, inscrits dans la durée. Ils ne disent pas la possession, mais la relation.
Agrandissement : Illustration 1
Le territoire n’est pas un décor. C’est une superposition active.
Minéral, végétal, animal, humain : des plans qui ne s’empilent pas mais se traversent. La pierre porte le temps long, la plante négocie avec le sol et la lumière, l’animal dessine ses lignes de passage, l’humain intervient, ajuste, parfois dérègle. À cela s’ajoutent les strates du temps : ce qui a été, ce qui persiste, ce qui revient autrement.
Le lieu devient alors un espace multidimensionnel — fait de matière, de mémoire, de gestes, de présences visibles et invisibles.
Agrandissement : Illustration 2
Dans de nombreuses cosmologies chamaniques, le monde n’est jamais réduit à ce que l’on voit. Il est traversé de forces, de relations, de seuils. Les êtres humains n’y sont pas séparés du reste du vivant : ils circulent entre les règnes, négocient, écoutent, interprètent. Cette manière d’être au monde résonne fortement avec ce que nous redécouvrons aujourd’hui : nous ne sommes pas face aux paysages, nous sommes dedans.
RÉSONANCES s’inscrit dans cette attention. Photographier devient un geste proche de l’écoute : suivre les signes, les correspondances, les continuités discrètes entre les règnes. Non pour expliquer, encore moins pour maîtriser, mais pour rendre sensible ce qui agit sous la surface.
On nous a appris à séparer. Le sol, lui, relie.
Habiter un territoire, aujourd’hui, est un geste politique discret : reconnaître que le monde n’est pas muet, accepter que tout n’est pas réductible à l’usage, prendre soin des relations plutôt que des seules formes.
Agrandissement : Illustration 3
RÉSONANCES ne propose pas un récit fermé. C’est une tentative de présence. Un ralentissement du regard. Une manière de rester en lien avec cette épaisseur du monde — minérale, végétale, animale, humaine — que nous traversons, et qui, silencieusement, nous traverse.
Trouvez l'intégralité de la série Résonances -> ici
Agrandissement : Illustration 4
⌘ Matthias Koch (non, pas juste photographe)
Né en 1964, quelque part dans l’angle allemand du monde. Traverse : Caracas, Santiago, Oaxaca. Puis s’enracine — Ardèche.