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Billet de blog 18 mai 2025

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Todtnauberg – Une photographie du retour

À partir du hameau de Todtnauberg, lieu de la célèbre rencontre entre Heidegger et Celan, Matthias Koch explore en photographie les strates d’une mémoire européenne hantée par le retour cyclique des régimes autoritaires. Une méditation visuelle sur ce qui rôde dans les paysages et se répète dans l’histoire.

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Dans sa série Todtnauberg, Matthias Koch ne photographie pas la Forêt-Noire : il photographie ce qui y rôde. Le silence d’un monde que l’on croyait révolu, et qui pourtant revient. Car ce n’est pas le paysage que Koch interroge, mais ce qu’il dissimule. Le nom même de Todtnauberg — ce hameau allemand où Heidegger écrivit une partie de son œuvre — agit ici comme un seuil, une fracture temporelle. C’est là que le philosophe reçut Paul Celan en 1949, dans un étrange face-à-face entre le penseur compromis et le poète rescapé des camps. De cette rencontre, il ne reste qu’un poème énigmatique, et un silence lourd d’abîmes.

Illustration 1

Matthias Koch part de ce lieu pour remonter les strates d’une mémoire européenne non réconciliée. À travers des images volontairement austères, il évoque la persistance des régimes autoritaires, leur retour cyclique sous des formes nouvelles, parfois sournoises. Todtnauberg parle de cette tragique récurrence : l’éternel retour des horreurs que l’on croyait dépassées. Gaza, aujourd’hui, n’en est que le dernier exemple — effroyable, indéniable. On y bombarde des civils, on y piétine le droit, et l’Europe regarde ailleurs, comme tant de fois dans le passé. Koch, sans l’illustrer frontalement, le rappelle par l’écho visuel d’un monde en suspens.

Illustration 2

Les arbres, les routes forestières, les bâtisses de montagne ne sont jamais neutres : ils deviennent décor d’un théâtre mental où se rejoue l’histoire — ses oublis, ses dénis, ses répétitions. Rien n’est crié dans Todtnauberg, tout est murmuré. Koch travaille par allusions, creux, silences. Ses photographies semblent respirer l’air épais de l’après — après les discours, après les ruines, après les réconciliations avortées.

Illustration 3

Todtnauberg est une mise en garde, mais aussi une élégie. Le photographe ne cherche pas à convaincre, mais à éveiller. Son regard n’est ni documentaire ni nostalgique : il est traversé par la philosophie, la littérature, et par l’expérience d’un Allemand vivant en France, attentif aux signes ténus d’un basculement latent. L’Histoire, suggère-t-il, n’est pas linéaire mais cyclique — et l’oubli en est le carburant.

Illustration 4

Dans un monde saturé d’images criardes et immédiates, les photographies de Matthias Koch demandent du temps. Elles s’adressent à une conscience éveillée, à celle ou celui qui sait que ce qui menace ne crie pas toujours, mais s’installe doucement, dans les replis du quotidien. À Todtnauberg, peut-être, tout recommence.


Pour aller plus loin
L’ensemble de la série Todtnauberg, accompagnée d’un texte de présentation, est à découvrir sur le site de l’auteur :
👉 www.matthiaskoch.co/projects/todtnauberg

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