Agrandissement : Illustration 1
Ces derniers mois, en revenant sur mes archives et en retravaillant certaines séries que je pensais achevées, une évidence s’est imposée : mon travail ne se laisse pas enfermer dans des ensembles clos. Depuis plusieurs années, il se construit par séries, chacune avec son autonomie, son rythme, son vocabulaire visuel. Mais avec le temps, ces séries ont commencé à dialoguer entre elles, à se répondre, parfois à se déplacer. Elles forment aujourd’hui un ensemble plus vaste, un champ de résonances que j’ai choisi d’appeler méta-série.
La méta-série n’est pas une série supplémentaire. Elle n’a ni début clairement identifié, ni fin programmée. Elle constitue une structure souterraine, un cadre conceptuel dans lequel les projets prennent place, se transforment et se réévaluent. Certaines images changent de statut avec le temps ; ce que je croyais achevé se rouvre, ce que je pensais périphérique devient central.
Dans cette logique, il arrive qu’une même photographie appartienne à deux séries différentes. Loin d’être une anomalie, ce glissement est constitutif de la méta-série. Ces images fonctionnent comme des liens, des ponts ou des zones de passage entre des ensembles distincts. Elles créent des correspondances visibles ou souterraines et invitent à une lecture transversale du travail. Une image n’est plus assignée à un seul récit : elle circule, se charge de nouveaux sens selon le contexte dans lequel elle apparaît.
Cette approche correspond à ma manière d’habiter le monde, dans un temps instable et fragmenté, traversé par des tensions politiques, écologiques et existentielles. Qu’il s’agisse de Metamorphosis, de Todtnauberg, d’Unheimlichkeit, d’Eschaton ou de séries plus intimes, toutes interrogent, chacune à leur façon, un même état du monde : un monde en transformation, souvent en sursis.
La méta-série me permet d’articuler ces projets sans les enfermer dans une narration unique. Elle accepte les écarts, les chevauchements, les retours en arrière. Elle assume l’inachèvement et la porosité des formes. Photographier ainsi, c’est travailler dans le temps long, accepter que le regard évolue, que les images vieillissent et que leur charge symbolique se transforme avec le contexte.
⌘ Matthias Koch (non, pas juste photographe)
Né en 1964, quelque part dans l’angle allemand du monde. Traverse : Caracas, Santiago, Oaxaca. Puis s’enracine — Ardèche.