A mes amis de gauche tout d’abord :
Quel échec!
Nous avons baissé notre garde, nous avons raté tant de choses pour voir l’extrême-droite si forte. Nous avions la NUPES, elle a fonctionné un temps. Nous voici avec le Nouveau Front Populaire. Il faudra faire mieux.
Nous nous sommes laissés embarquer dans nos querelles de chapelle. Nos dirigeants, censés nous représenter, s’y sont vautrés joyeusement face à des médias, des macronistes et des identitaires bien trop contents de nous voir ainsi nous chamailler. Et nous, modestes militants, sympathisants, électeurs, nous n’avons pas su leur dire stop, à ceux-là même qui devaient nous montrer la voie. Mais ne les blâmons pas trop, la tâche n’est certainement pas aisée, et rien ne nous dit qu’une nouvelle génération sera meilleure que l’ancienne.
Pourtant, il nous faudra bien jeter les vieilles rancunes à la rivière. A l’évidence, parce que c’est inefficace, cela nous fait perdre tellement de temps et d’énergie. Mais surtout parce que si nous prônons la diversité dans la société, face à leurs projets funestes d’effacer les différences sous une préférence nationale, ce n’est pas seulement pour être solidaire, c’est surtout parce que nous devrions être convaincus que c’est plus efficace. La diversité est une richesse, elle nous promet un fonctionnement plus vertueux, elle enrichit nos opinions plutôt que de les opposer, elle les “créolise”.
Pour le dire simplement, ceux, dont je fais partie, qui s'étaient promis de ne plus jamais voter PS, devront bien accepter que F.Hollande et R.Glucksman font partie de la gauche, et ceux, nombreux, qui ne peuvent plus supporter J.L.Mélenchon, devront bien reconnaître qu’il en est une autre facette. Les querelles de personnes font partie du cirque médiatique, ne nous laissons pas distraire. Par deux fois, aux élections législatives en 2022 et en 2024, l’union s’est faite sous la pression. Alors pour ne plus revivre le triste spectacle des invectives de la présidentielle de 2022 et des Européennes de 2024, il faudra tenir bon et leur rappeler que notre diversité est une richesse.
Parlons-en, agissons ensemble et faisons vivre la démocratie partout.
Aux électeurs macronistes, ensuite.
A ceux qui voteront pour faire barrage, un sourire en coin, je leur dirais bien “ça fait mal, hein? On a l’impression de se salir, d’aller à l’encontre de ce pour quoi on s’est toujours battu. Mais vous verrez, ça passe et après on se dit qu’on a fait ce qu’il fallait pour éviter le pire.”
J’ai lu récemment ce dicton : “en politique on croit choisir son adversaire, mais en réalité on choisit son successeur”. L’obsession macroniste de mettre en scène un duel avec Le Pen aura largement contribué à crédibiliser cette dernière. Et puis à force de vouloir mettre un signe égal entre le RN et la gauche, vous avez perdu toute crédibilité quand, par la suite, vous avez appelé à voter pour nous.
Parlons-en, actons nos divergences, mais aussi construisons le cadre démocratique dans lequel nous voulons agir.
Aux électeurs lepénistes, enfin.
On ne se connaît pas. Je dois avouer, je vous ai rarement croisé, ni dans mon milieu familial, ni dans mon milieu professionnel, ni dans mon milieu amical.
Pourtant, vous êtes nombreux et de plus en plus. Ce cloisonnement explique sans doute notre incompréhension. Alors certes, nous, gens de gauche, sommes parfois un peu hautains, convaincus d’avoir raison, d’être du côté du bien, un brin moralisateur. Pardonnez-nous nos excès de langage, ces combats nous tiennent tellement à cœur. Nous serons toujours moins méprisants que le président E.Macron. Et si nous partageons un profond rejet pour cet homme, le meilleur moyen de lui dire n’est peut-être pas un bulletin RN. Je ne crois pas qu’une politique de rejet à l’égard des différences résoudra quelconque de vos problèmes, à part faire grandir une haine dont on ne saura pas où elle s’arrête.
Parlons-en et trouvons les moyens de faire France, autrement que par le rejet.