Entre le 19 et le 31 janvier.
Pour ceux qui suivent la bataille des retraites, ces deux dates sont des jalons ostensiblement posés sur le parcours des luttes à venir. La première étape a été un vrai succès. En plus de la colère légitime contre la Macronie, il y avait le plaisir militant de se retrouver : une place de la République qui ne désemplit pas d’après mon expérience parisienne, les retrouvailles avec les camarades, une belle ambiance, pas de “débordements” et surtout la joie retrouvée de l’action commune et l’espoir de changer le cours des choses.
Alors que certains craignaient la résignation et que le gouvernement pariait sur la démobilisation, un constat s’impose : ceux qui veulent sauver le système des retraites sont nombreux et prêts à se mobiliser. L’unité syndicale constitue un formidable point d’appui pour la mobilisation. Ainsi solidaires, les syndicats ne prêtent pas le flanc à des querelles internes sur lesquelles les médias et la Macronie pourraient s’appuyer pour discréditer le mouvement.
Et pourtant ceux-ci n’ont pas ménagé leurs efforts. Dans un premier temps, le récit médiatique s’est appuyé sur l’idée que “réformer le système de retraites est indispensable”. De toute évidence, ni les éditorialistes, ni le gouvernement n’ont réussi à convaincre. Pire même : les opposants à la réforme sont de plus en plus nombreux depuis le mois de janvier (lire ici). Chacun saisit que les arguments du gouvernement tombent à l’eau un à un. Ni l’urgence financière de faire une réforme, ni sa soi-disant équité ne sont entendables, tant les démonstrations de son inutilité et son injustice ont été clairement exposées (pour une synthèse par Michael Zemmour, c’est ici).
Rapidement, la réforme apparaît ainsi aux yeux d’une majorité de français pour ce qu’elle est : une réforme de classes au service des puissants. La finalité économique est de dégager de l’argent pour continuer à gaver le capital (sur le coût des aides au capital, lire ici).
Incapable de convaincre du bienfondé de la réforme, la deuxième salve médiatique est intervenue sur le thème : “à quoi bon se mobiliser, puisque ça ne sert à rien?” (un très bon rappel de l’épisode par Acrimed ici). Ici encore, le constat est amer pour nos adversaires : la mobilisation est au rendez-vous et plus elle durera, plus le coût politique de l’entêtement du gouvernement sera élevé. Certains députés macronistes reculent déjà, et la majorité se retrouve dépendante des Républicains, alliés de circonstance qui ne manqueront pas de quitter le navire si celui-ci semble couler trop rapidement.
Les prochains contre-feux médiatiques seront probablement : “le mouvement s’essouffle” ; “la CGT bloque la France” ; “les casseurs prennent le pas sur les manifestants”... ou une tentative de personnalisation du mouvement, autour de figures honnies par l’éditocratie comme Jean-Luc Mélenchon ou Philippe Martinez. A ce stade, l’absence de personnalisation du mouvement est efficace et rend plus difficile leurs attaques.
Pour le moment, c’est la Macronie qui accumule les erreurs. Ne boudons pas notre plaisir de les voir s’empêtrer dans leur communication. Quelques exemples : l’aveu que la réforme va pénaliser les femmes (ici), ou qu’elle est injuste (ici), la provocation de classe envers les AESH qui seraient responsables de choisir un métier mal rémunéré (ici), Bayrou, le vieil allié, qui se désolidarise (ici)... Qu’il semble loin le Macron de 2017, adulé par les médias et qui semblait intouchable. A peine six mois au pouvoir et lui et les siens semblent déjà complètement usés.
La suite se déroulera le 31. Le succès du 19 nous donne de l’espoir, mais aussi quelques craintes : la mobilisation sera-t-elle à la hauteur? Initialement, la date du 31 pouvait sembler trop éloignée et offrir un répit inespéré au gouvernement. C’est finalement l’inverse qui se produit. Le rapport de force demeure figé à la date du 19, qui fut une indéniable réussite de notre côté. Ce délai a permis à tous de s’organiser et à chacun de se libérer pour manifester et réitérer une grande mobilisation.
Le succès de cette deuxième manche ouvrirait des perspectives enthousiasmantes pour la suite. Évidemment rien n’est gagné, il faudra être nombreux et organisé, ne pas commettre d’erreurs, éviter les chausses-trappes pour faire reculer le projet injuste du gouvernement. Mais, pour la première fois depuis bien longtemps, il semble que l’espoir ait changé de camp.