Lui, le sable, c’est vraiment un bon enseignant. Chaque jour Il nous met devant notre incontournable, fragile et humaine vérité. Les cimetières, nous le savons, hébergent un nombre indéfini de projets de changement comme, par exemple dans le domaine agricole de la ‘Renaissance’, qu’on a appelé ici les trois ‘N’. Les Nigériens qui (se) Nourrissent des Nigériens donne forme à un projet qui dure depuis 10 ans et bien sûr, cette année encore on enregistre des millions de personnes qui manqueront de nourriture suffisante. Vous étiez ici, vous pourriez voir comment terminent les plans de développement ‘autocentrés’ et les empires. Laissez passer un peu de temps et le sable tout couvrira de son manteau doré qui s’illumine d’immensité au coucher du soleil. Palais, carrefours, feux optiques, échangeurs, rond points, marchés et magasins qui semblaient éternels, sont sans aucun effort balayés par le vent et le temps qu’ici, jusqu’à présent, se mesure avec le sable. Il faut reconnaitre, néanmoins, un certain nombre de louable et désespérées tentatives de programmation, promotion et gestion des stratégies de croissance économique. Elles durent le temps nécessaire pour vendre des illusions bon marché aux bailleurs des fonds qui, par naïveté ou par intérêt, croient encore au respect des contrats et des organigrammes de l’occident.
Lui, le sable, c’est vraiment un bon enseignant. Chaque jour il nous met devant la matérialité historique qui marque et accompagne notre fugace existence. De ce point de vue le sable est tout à fait révolutionnaire car il rappelle la vérité des paroles et des choses que la ‘dématérialisation’ globale impose partout. On ‘dématérialise’ l’argent, les corps, les centres de pouvoir et les religions qui, selon eux, devraient simplement disparaitre car ils promettent un paradis d’autres époques. Le sable contexte, amène la poussière, fragilise et fait naufrager ces tentatives qu’ailleurs semblent couronnées de succès. Notre sable est bien charnel car il met en évidence ce dont nous sommes pétris et ce à quoi nous retournerons, un jour quelconque. Ici nous aimons encore les monnaies métalliques qui font du bruit quand elles tombent. Nous aimons aussi la monnaie en papier qui porte les empreintes du travail, de l’échange, de la troque, de la sueur et de la fatigue. Une banque note qui passe de main en main et se salit et se froisse dans les poches du maçon, du paysan et de la femme qui vit dans la rue. Chez nous les corps sont de chair et se fatiguent, souffrent, meurent par manque de nourriture, à cause des maladies ou par distraction. Il s’agit des corps qui ont un poids et une histoire qui n’apparait pas sans épaisseur comme cela arrive dans les séries de la TV. Les centres de pouvoir, tout comme les industries d’extraction et de transformation qui se délocalisent et ce faisant s’éloignent des regards suspects des moyens de communication qui pourraient enquêter.
Lui, le sable, c’est vraiment un bon enseignant. Chaque jour il nous met devant notre humaine nudité toujours placées entre mendicité et cécité. Il nous aide à ne pas tricher avec la vie car il pousse à saisir l’essentiel de notre identité de poussière que le vent porte ailleurs. Il n’aime pas les distanciations, ni sociales ni politiques car il se fait prochain de tous en commençant par les pauvres qui, su sable, sont les plus grands supporteurs. Eux et le sable ont en commun le fait de se trouver ‘en bas’, piétinés et bien souvent oubliés comme des marginaux. Le sable a horreur de l’abstraction, de la prise en otage des paroles de la part des puissants et de l’éloignement de la pure matérielle spiritualité des choses. Il ne se laisse emporter par qui promet un futur radieux qui ne s’approche jamais au présent d’un visage qu’on caresse ou des lèvres que l’on ne saurait oublier. Le sable accueille des conspirateurs qui, comme lui, savent enfouir et garder la graine de l’unique rébellion qui mérite ce nom. Ils ont appris à l’appeler liberté.