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Billet de blog 2 août 2021

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L’arbre de l’indépendance de sable

C’était le 3 aout de 1960, l’année des indépendances d’une bonne partie de Pays de l’Afrique subsaharienne, que le Niger proclama son indépendance vis-à-vis de la ‘protection’ coloniale française. La proclamation de la République autonome de la Communauté Francophone fut le 18 décembre de 1958. Pour la circonstance s’est affirmée la coutume de planter un arbre, l’arbre de l’indépendance

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’était le 3 aout de 1960, l’année des indépendances d’une bonne partie de Pays de l’Afrique subsaharienne, que le Niger proclama son indépendance vis-à-vis de la ‘protection’ coloniale française. La proclamation de la République autonome de la Communauté Francophone fut le 18 décembre de 1958. Pour la circonstance s’est affirmée la coutume de planter un arbre, l’arbre de l’indépendance. La célébration de la fête de l’indépendance et celle des arbres se rejoignent comme pour donnes des racines aux promesses dont cet événement était porteur. Le Niger s’était ajouté aux Pays africains qui avaient déjà déclaré l’indépendance. La nôtre est suspendue à un arbre planté le jour de l’indépendance de sable.

De cela, sans peut-être l’imaginer, parlait, dans le discours officiel du jour de l’indépendance, le premier président du Pays, Diori Hamani, le 3 aout de 1960….’ En ce haut moment de notre histoire, c’est un sentiment de profonde fierté qui emplit le cœur des hommes et des femmes du Niger. Je dis que cette fierté est légitime, car elle plonge ses racines dans la dignité sacrée de la personne humaine, dans son besoin de liberté, dans son désir de paix et de fraternité…’ Pour cela, par la suite, on a commencé à planter l’arbre pour que l’indépendance puisse s’enraciner et, un jour, porter les fruits qu’au début l’on pouvait seulement souhaiter. Un arbre planté dans le sable et le vent du Sahel.

Dans l’année en question, le mois de janvier, le Cameroun avait commencé la dance des indépendances et le Togo l’avait suivi, avec le Madagascar et la RDC en juin. La Somalie en juillet et puis le ‘groupe’ des Pays en aout. Le Bénin, le Niger, le Faso, la Cote d’Ivoire, le Tchad, le Centrafrique, le Congo-Brazza, le Gabon et le Sénégal : tous le mois d’aout ! Le Mali en septembre, le Nigéria en octobre et, toute dernière la Mauritanie le mois de novembre de 1960. La tradition de l’arbre, fut voulue par le deuxième président du Niger, l’official Seyni Kountché, auteur du premier coup d’état militaire. Planter des arbres pour enraciner la démocratie après la prise de pouvoir par la force en 1974. L’année suivante il aurait institué la fête de l’arbre le jour de l’indépendance.

Et pourtant, tout dans notre vie, parle et cri ‘dépendance’ ! Que serions-nous sans l’autre ? Je suis parce que NOUS SOMMES, affirme la philosophie africaine. L’indépendance est ce pour qui l’on lutte et parfois on donne la vie et puis ce qui arrive c’est une dense araignée de dépendances qui s’affirme. L’économie, la politique, la religion, l’amitié, le mariage, le travail et tout ce qui constitue la vie n’est rien d’autre qu’une série indéfinie de dépendances ! Les aides, les jeux olympiques, les horaires des avions et des trains (là où ils fonctionnent), les vagues de la mer et le transit des migrants dans le désert avec les ‘passeurs’ ne sont rien d’autre que des dépendances à peine masquées. Voilà pourquoi ils ont choisi de planter des arbres pour la fête nationale. Juste pour apprendre à dépendre de la terre par les racines et s’attacher aux autres aves les branches.

Vivre signifie choisir de qui dépendre. L’on a des liens qui libèrent et d’autres qui emprisonnent. Il y a trente ans de cela, le mois de juillet de 1991 avait eu lieu la Conférence Nationale Souveraine à Niamey. Après trois décennies de démocratie ‘tordue’ il s’agissait de contribuer à assoir, sur des bases consensuelles et participatives, une société plus ouverte, libre et porteuse de dignité pour tous. La Conférence avait était un véritable sursaut de nouveauté qui avait écrit sur le sable qu’un autre Niger était possible. Après trente ans on a traversé d’innombrables expérimentations politiques pour arriver à l’actuelle ‘Renaissance’ nigérienne qui ne saurait se vanter de l’héritage de la Conférence. La dépendance de l’argent nous rend esclaves. 

Ce mardi on plantera des arbres dans le Pays qui célèbre l’indépendance afin de courir derrière les frontières que l’Europe a achetées et que tout sorte des trafiquants utilise pour s’enrichir. Nous planterons des arbres pendant qu’on continue de massacres nos Forces de Défense et nos paysans qui n’ont d’autre tort si ce n’est celui de rester attachés à leur terre. Nous poserons les arbres comme s’il s’agissait d’un barrage contre les prochaines invasions néocoloniales et nous unirons nos branches pour former le seul héritage digne d’être livré à nos enfants. On continuera de l’appeler liberté.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.