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Billet de blog 5 juillet 2021

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Vie et destin du Sahel

Elle n’arrêtait point de pleurer. Collée à sa maman elle continuait de se plaindre à cause de la faim, le sommeil et la fatigue. Maria Paola n’aurait pas dû être avec nous ce matin-là. Elle, fruit d’un viol opéré par des militaires au Cameroun, convulsionné depuis des années d’inquiétudes politiques liées aux revendications autonomistes de la partie anglophone du Pays

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Elle n’arrêtait point de pleurer. Collée à sa maman elle continuait de se plaindre à cause de la faim, le sommeil et la fatigue. Maria Paola n’aurait pas dû être avec nous ce matin-là. Elle, fruit d’un viol opéré par des militaires au Cameroun, convulsionné depuis des années d’inquiétudes politiques liées aux revendications autonomistes de la partie anglophone du Pays. Sa mère l’embrasse et raconte d’avoir choisi de la faire vivre dans son ventre les mois nécessaires à sa naissance parmi les vivants car elle croit en Dieu qui dit de ne pas tuer. On lui avait dit qu’elle n’aurait pas regretté le choix de faire naitre la vie, un jour. Elle a trois enfants de trois pères différents parce que le premier est mort, le deuxième s’en est allé n’ayant pas reconnu sa paternité et le troisième est celui qui l’a violée. Maria Paola s’endors car les pleurs et la chaleur de sa maman l’ont bercée. Elle aurait pu ne pas être là quand sa maman est passée pour raconter sa vie de réfugiée avec ses trois enfants. Sans aucun père présent, une maison digne de ce nom et un futur constitué par des morceaux humanitaires qu’il faudra tenter de mettre ensemble.

Abdal a perdu sa famille à cause de la guerre menée par une maladie appelée Ebola dans son Pays, la Sierra Leone. Il s’agit d’un Pays inventé de toute pièce pour donner une terre aux esclaves libérés et en faire un dépôt des intérêts de sa majesté la couronne anglaise depuis 1792. La guerre civile des années ’90, avec des amputations des mains et des massacres inoubliables, ont rendu les diamants du Pays encore plus ensanglantés. Abdal, après avoir pris connaissance de certains messages de ses compatriotes sur ‘Facebook’, a opté pour la migration en Algérie où on lui promettait travail, argent et un changement de destin. Après Gao, au Mali, il est fait prisonnier par des ‘bandits rebelles’ qui prennent de l’argent au migrants en transit. Terminé ses deux mois de détention et payé une rançon de 300 dollars, Abdal arrive en Algérie et d’Adra il passe par la ville d’Oran. Ici, avec des dizaines des migrants d’Afrique subsaharienne, il travaille dans un la construction du nouveau stade sous des patrons chinois qui le paient 1 200 dinars par jour. Terminé le chantier il s‘en va à la capitale Alger pour apprendre le métier de carreleur.

La mère de Maria Paola, âgée d’un an et demi et fruit innocent d’une violence dont elle ne sait rien, cherche un autre travail. Ce qu’elle reçoit du Haut-Commissariat pour les Réfugiés, HCR, n’arrive pas à satisfaire les besoins de ses enfants sans pères. Elle avait un travail comme femme de ménage dans une famille où elle travaillait toute la journée pour un salaire infime. Elle a quitté ce travail et cherche un emploi, formation, conseil, reconnaissance et surtout l’opportunité de reconstruire une vie rompue par le destin. Le Niger, Pays plus jeune et plus ‘pauvre’ du monde, s’est transformé, ces dernières années, en terre de transit et de refuge pour des milliers de personnes dont les racines ont été déterrées. La mère de Maria Paola, qui a fui son Pays car persécutée, a choisi le Niger comme maison à cause de l’HCR qu’elle savait très actif pour ces cas-ci. Elle, la mère, retourne dans la sa maison d’asile avec la petite qui dors attachée à son dos.

Abdal, désormais avec un métier intéressant, a trouvé du travail dans un chantier de la capitale Alger. Pendant qu’ils essayent de récupérer du matériel de construction il tombe, avec un compagnon, du septième étage du bâtiment. Il est hospitalisé pendant six mois tandis que son ami meurt sur le champ. Avec l’aide d’une collecte des amis de travail il prend le chemin de retour qui s’arrête, pour le moment du moins, à Niamey. Abdal, opéré plusieurs fois, montre les cicatrices dessinées sur son dos et marche avec une béquille. Il affirme que retourner dans ces conditions au Pays, où il n’a plus personne, c’est inutile. Il nécessite de la visite d’un spécialiste et il est incapable de travailler. Abdal a 27 ans et une béquille pour étayer son destin.

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