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Billet de blog 6 avril 2019

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Bonne Chance au Sahel

Il était arrêté depuis deux jours sur la route. Un vieux camion rempli de bois de chauffe a eu une panne au moteur et il se trouvait au beau milieu de la route qui mène au Rond- Point de la Francophonie à Niamey. La route est bien goudronnée et, selon les heures du jour, assez fréquentée.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il était arrêté depuis deux jours sur la route. Un vieux camion rempli de bois de chauffe a eu une panne au moteur et il se trouvait au beau milieu de la route qui mène au Rond- Point de la Francophonie à Niamey. La route est bien goudronnée et, selon les heures du jour, assez fréquentée. Sur la partie arrière du camion blanc et vert ils ont écrit à la main BONNE CHANCE, avec de la peinture rouge. De ‘Bonne Chance’ au Sahel nous en avons vraiment besoin. Les camions qui transportent des tonnes de bois, en premier lieu et surtout les citoyens de cet espace privilégié par le sable. En attendant la réparation du moteur, comme d’habitude, les jeunes apprentis, étendus sur des nattes, étaient en train de sommeiller et ils rêvaient peut être un nouveau camion. Bonne Chance aux nombreux camions, parfois fatigués par l’âge et le travail, qui ravitaillent les restaurants et les familles de la capitale avec le bois qui servira pour cuire la viande au bord de la route. La coupe des arbres favorise la tant décriée désertification de la savane qui entoure la ville et s’aventure vers le Burkina Faso. Les camions et les ânes, chacun avec son identité propre, assurent quotidiennement le bois pour la survie culinaire de Niamey. On a aussi le gaz comme possible alternative mais il est cher, parfois difficile à trouver et de toute évidence pas adapté à la préparation de la viande des animaux plus recherchés. Bonne Chance, tout comme les autres camions de ce type, roule par la pratique e surtout parce qu’ils connaissent par cœur les routes de la capitale.

De Chance, d’autre part, il en faut pour ceux qui voyagent avec les bus des nombreuses compagnies de transport de la ville. Quand ce ne sont pas les ponts sur le fleuve Niger à tomber, le grand risque se cache dans les contrôles des douanes. Marchandises non registrées, carte d’identité périmée, carnet de santé sans tampon, diplômes de l’école primaire jamais terminée et visa facultatifs, compliquent les passages aux frontières. Il ne pas non plus négliger les accidents possibles sur la route, dus à l’état des routes, à la vitesse excessive et au probable usage d’amphétamines de la part des jeunes chauffeurs des compagnies mentionnées. Ne parlons pas, ensuite, des milliers de taxis qui rendent possible la mobilité des femmes de maison, des étudiants et des travailleurs informels qui assurent le pain quotidien aux nombreux enfants parqués dans les écoles privées de la capitale. Avec ou sans plaque, avec le numéro de série qui change selon les circonstances, les taxis, malgré les contrôles et les visites techniques, marchent seulement avec la Bonne Chance des vigils qui connaissent les chauffeurs. La décision d’imposer la ceinture dans la voiture est passée sans difficulté à cause des amandes plutôt salées qui, pendant quelque jour, ont semé la panique parmi les chauffeurs. Certains taxi sont à l’arrêt par manque d’essence ou des pièces ou à cause d’un accident avec un moto qui roulait dans le sens contraire de la marche. Bonn Chance aux migrants.

Suivis, encerclés, fichés, volés avant même de partir, emprisonnés si seulement ils osent se déclarer, détenus, emprisonnés et parfois torturés, mis aux travaux forcés, les migrants ont besoin de Bonne Chance pour arriver vivants à destination. Un projet, appelé avec ironie ‘Redemption Song’, promu par une ONG italienne en vue de constituer une ‘coalition’ qui puise lutter efficacement contre la migration ‘irrégulière’. On entend donc qu’il faut beaucoup de Chance pour arriver à ce que 50 millions d’européen on fait dans le passé, lorsque ils migraient aux Amériques, entre Pays européens et en Afrique pendant l’aventure coloniale. De cela on peut déduire comme une bonne quantité de Bonne Chance soit nécessaire afin de passer le filet de plus en plus étroit des ONG qui veulent aider les migrants à réfléchir sur l’éventuel retour au Pays natal. Il faut compter avec les ONG qui assistent pour les voyages de retour, celle qui s’occupent des traumas post-migratoires et post-torture dans les centres de détention et puis les ONG qui s’occupent des micro-crédits ou des Activités Génératrices de Revenu, AGR ! Toutes ces ONG aident les migrants à retourner au néant qu’ils voulaient laisser. Il faut une bonne dose de Bonne Chance, enfin, pour se marier, vu que la plus part des mariages ne durent guère plus de quelque mois. Il faut de la Chance, ne l’oublions pas, pour qui sort de la maison: il n’est nullement sur d’y retourner, vu les disparitions au Sahel. La Bonne Chance est essentielle pour terminer l’université vu la durée indéfinie des années académiques. Bonne Chance, le camion en panne pendant deux jours, est retourné à voyager et il a terminé la distribution de bois. Au Sahel cela n’est pas une surprise : la Bonne Chance c’est Dieu qui la donne.

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