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Billet de blog 7 février 2022

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Les effets collatéraux du système et les rêves brisés

Le Sud et le Nord du monde sont partout mais pas de la même manière. Aujourd’hui, le 6 février 2022, on commémore (dans l’action) ce qui s’est passé il y a huit ans de cela aux portes de Ceuta, enclave du royaume d’Espagne dans le Maroc.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le Sud et le Nord du monde sont partout mais pas de la même manière. Aujourd’hui, le 6 février 2022, on commémore (dans l’action) ce qui s’est passé il y a huit ans de cela aux portes de Ceuta, enclave du royaume d’Espagne dans le Maroc. La ‘Guardia Civil’ espagnole a tiré sur des centaines des migrants qui, à la nage, essayaient d’atteindre le territoire ‘européen’ afin d’y trouver ce qu’ils pensaient avoir égaré dans leur patrie. Par la suite de l’action violente des gardes il y eu des dizaines des migrants portés disparus et une douzaine de cadavres identifiés. Leur donner un visage, un nom, une histoire, une famille et imaginer leurs rêves brisés, a été un travail difficile. Seulement la patience et la persévérance des associations des familles et d’autres groupes attentifs aux droits humains, ont pu tisser leur identité. Il s’agit de Samba, Youssouf, Keita, Yves, Armand, Jeannot, Oumar, Blaise, Daouda, Ousmane, Larios et une inconnue de moins de quinze ans. Ils étaient originaires du Sénégal, de la Guinée Conakry, de la Cote d’Ivoire et surtout du Cameroun où l’on jouait aujourd’hui la Coupe Africaine des Nations !

Il s’agit des effets collatéraux du système qui, selon l’Organisation Internationale des Migrations, l’année passée dans le monde, a causé la mort d’au moins 5.300 migrants. Pour le Haut- Commissariat pour les Réfugiés, en 2021, les migrants qui ont perdu la vie dans la tentative d’atteindre l’Europe ont dépassé les 2.500. Les blessures dans l’esprit et la chair des peuples, des familles et des civilisations sont plus nombreuses que les morts. Le Grand Cimetière des Rêves Brisés s’élargit davantage chaque jour. S’allonge le nombre des tombeaux des Rêves qui, nous le savons, constituent sans aucun doute le patrimoine plus précieux qu’une génération devrait passer à une autre. Temples, cathédrale, mosquées, monuments, inventions technologiques de pointe, moyens de communication et de transport, économies globalisés et argent virtuel, ne suffisent pas. Tout cela n’est rien sans le rêve d’un monde plus égal et différent qu’il faut inventer chaque jour et réaliser grâce aussi à ceux qui risquent de transformer les frontières en ouvertures.

Dans l’histoire humaine il n’existe pas un crime plus grand que celui-ci. Confisquer, manipuler, mettre aux enchères et finalement jeter à la poubelle les rêves des nouvelles générations. Pour ce crime, jusqu’à présent, on n’a aucun pardon disponible sur le marché de l’hypocrisie qu’engendrent le système et ses pions. En effet, Il faudra du temps avant que les rêves, refoulés dans les mers, les déserts ou écrasés sur les murs, ne repoussent. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, parfois indifférents, par moments impuissants et tantôt complices, n’a rien de ‘naturel’. L’exclusion d’une partie consistante de l’humanité de conditions de vie digne de ce nom et la capillarité de la violence que cela produit dans la société, ne sont qu’une des conséquences de l’élimination des porteurs de rêves. Les dégâts collatéraux sont particulièrement visibles dans les modalités avec lesquelles les frontières sont un lieu mortel pour les migrants.

Fort heureusement les rêves brisés et ensevelis peuvent ressusciter. Pour cela il suffira de se mettre à l’école des enfants, car c’est en eux que se cache le monde nouveaux que nous attendons.

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