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Billet de blog 7 juin 2021

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Splendeurs et misères dans le Sahel

Alphonse était parti avec son grand frère pour l’Algérie. Après la mort de leurs père par maladie, son travail de moto-taxi à N’Zerekoré en Guinée, n’arrivait pas à assurer le futur de la famille. Avec ses 19 ans Alphonse voit mourir son frère, tombé du ‘pick-up’ qui le transportait avec une quarantaine de migrants, dans le désert du Mali.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Alphonse était parti avec son grand frère pour l’Algérie. Après la mort de leurs père par maladie, son travail de moto-taxi à N’Zerekoré en Guinée, n’arrivait pas à assurer le futur de la famille. Avec ses 19 ans Alphonse voit mourir son frère, tombé du ‘pick-up’ qui le transportait avec une quarantaine de migrants, dans le désert du Mali. L’attaque des terroristes-bandits a complété son voyage d’aller en Algérie. Ils l’ont épargné car ils ont compris qu’il avait perdu son frère : ils ont eu pitié de lui. A Alger il est accueilli par l’Association ‘Rencontre et Développement’ et, pendant son séjour dans leur maison, il est informé que la santé de sa maman se détériore. Par téléphone il comprend seulement que sa maman voudrait le voir avant qu’il ne soit trop tard. Avant de régulariser ses papiers il apprend le décès de sa mère. Alphonse, avec l’aide de l’Association, parts avec le peu qu’il a pu mettre de côté pendant son bref séjour en Alger. Avant d’atteindre Tamanrasset des policiers algériens lui arrachent le portable, deux paires des chaussures et une chemise. Il lui reste un sac à dos et un peu d’argent qu’il avait su cacher pour continuer le voyage. Alphonse retourne au Pays natal et il espère que son oncle puisse lui acheter une moto afin de reprendre le métier qu’il avait abandonné il y a quelque mois de cela. Alphonse ne sera jamais plus le même qu’avant.

Ici nous sommes les bons derniers dans le récent rapport sur le développement humain publié par une agence des Nations Unies, le PNUD. Dans ce document on y trouve les noms bien connus des Pays avec un index de développement très élevé, tels que la Norvège, l’Irlande, la Suisse et Hong Kong. Suivent les Pays avec un index de développement élevé comme l’Albanie, la Cuba socialiste après la dynastie des Castro, l’Iran avec les ‘gardiens de la révolution’ et le Mexique des ‘zapatistes’ qui sont en train de naviguer vers l’Espagne, d’où étaient partis les colons il y a des siècles de cela. Avec un index moyen de développement le rapport signale le Maroc avec l’enclave de Ceuta qui a expérimenté une voulue ‘invasion’ migratoire. Suivent entre autres l’Irak et le Guatemala, Pays que, chacun à sa manière, ont pu tester la réalité de la démocratie ‘exportable’ des Etas Unis. Dans la partie finale du document cité on trouve la plupart des Pays de l’Afrique subsaharienne. Ils sont définis avec un développement ‘faible’ et, entre autres, nous trouvons le Burundi, le Tchad avec le fils du feu Maréchal Idriss Deby, la République Centrafricaine avec la présence russe qui déstabilise la France et dernier, une fois de plus, le Niger. Les échangeurs, les palais cachés derrière les barbelés, les hôtels avec les étoiles éparpillées autour du fleuve et la construction du nouvel aéroport international, n’auront pas suffi pour déboulonner le Pays de ce classement auquel, il faut le dire, nous nous sommes habitués. Le Niger se trouve au numéro 189, premier en partant du bas de la liste.

Christophe et ses enfants quitterons le Pays le 14 juin prochain à travers l’Organisation Internationale des Migrations. Après avoir effleuré le monde des réfugiés, lui et ses enfants ont confirmé leur désir de retour au Pays, la République (relativement) Démocratique du Congo, RDC. Il espère renaitre après les années en transit vers une terre qu’il n’a jamais atteinte. Sa femme, en revanche, dans cette terre s’y trouve déjà. Elle a été ensevelie à Ouagadougou, la capitale de Thomas Sankara du Burkina Faso qui le regrette toujours. Ses fils ont dû passer le test du tampon Covid et lui, Christophe, a accepté de se faire vacciner pour éviter tout problème. Sur la carte de vaccination à la question ‘profession’, ils ont répondu…migrant. Il disait que personne ne lui a jamais demandé sa profession et il affirme que son seul rêve est celui de donner à ses enfants le futur que lui n’a jamais savouré.

Malgré les efforts des chefs d’Etat africains et de la multitude de donateurs, dans notre Sahel on trouve une juste réticence à accepter de se faire vacciner contre la Covid. Toute une question de priorité, de décence et de respect. Seulement dans le Niger on a enregistré, en 2020, quelque 5 mil morts à cause du palu, la plupart des petits enfants. Pour éviter une autre hécatombe le gouvernement nigérien a annoncé une campagne de distribution personnalisée de millions de moustiquaires. Quand la première épidémie que nous devrions vaincre est la faim alors nous parler des vaccins des riches est une offense.  Quand la préoccupation principale est celle de l’insécurité liée aux groupes armés terroristes, qui tuent et provoques l’exode de milliers de personnes, nous parler du Coronavirus comme d’une guerre est un crime.

Qui devrait continuer d’être vacciné en priorité serait donc l’Occident, nous suggèrent les migrants morts dans la Méditerranée. Un vaccin qui faciliterait la liberté de la mobilité humaine. Comme nous le rappelle Michelle Bachelet, du Haut-Commissariat pour les Droits Humains dans un récent rapport qui accuse l’Europe et la Libye…’Jusqu’à quand on n’aura pas des canaux suffisants pour des migrations sures, accessibles et régulières, les gens continueront à traverser la mer, malgré les dangers et les conséquences’

Cela implique que le seul certificat que l’Afrique devrait demander à tous les citoyens, locaux comme étrangers, serait un ‘Pass- Démocratique’. Un papier qui montrerait l’engagement effectif pour les droits humains et la dignité de toute personne. Un ‘Pass’ qui donnerait des garanties de citoyenneté active afin de créer un monde différent, c’est dire libéré de toute exclusion. Ceux qui ne seraient pas en mesure d’exhiber ledit certificat seraient amenés en quarantaine. Aussitôt après ils seraient invités à suivre une session de pratique de la démocratie dans une école de sable que seulement les enfants du Sahel savent inventer.

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