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Billet de blog 8 novembre 2017

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Là où se trouve l’autre monde. Visite guidée à l’humanitaire nigérien

Il se trouve plus proche de ce qu’on pourrait croire. L’autre monde est à portée de vol, ou plutôt de crise. Un monde humanitaire fait à l’image et ressemblance des «prêt à porter» des kiosques qui parsèment les quartiers de la ville.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il se trouve plus proche de ce qu’on pourrait croire. L’autre monde est à portée de vol, ou plutôt de crise. Un monde humanitaire fait à l’image et ressemblance des ‘prêt à porter’ des kiosques qui parsèment les quartiers de la ville. Les guerres et le terrorisme avant tout, avec le bien connu cortège de réfugiés, déplacés et ceux qui migrent à l’intérieur du pays. En anglais, Internally Displaced People, IDP. Chacun a le droit d’être classifié, compté, catégorisé,  assisté et surtout contrôlé. Réduit à un dossier, un numéro, un lieu et une administration. Les sièges des ONG se délocalisent selon les circonstances, changent de nom, de couleur, l’espace de stationnement protégé, de projet selon les nécessités et surtout des fonds alloués. Les volontaires aussi changent et ils restent le temps nécessaire pour régler l’urgence et puis espérer qu’une autre arrive aussitôt. Les inondations, les famines, les migrations, les frontières qui se déplacent selon la direction du vent, la consolidation de la paix, la gestion de la ‘bombe’ démographique, la violence faites aux femmes et les mariages précoces. Chacun y trouve son compte. C’est cela qui rend le monde humanitaire compatible et surtout appétissant. 

Essayer pour croire. Un monde autre avec une remise si mit aux enchères. La politique a depuis longtemps confisqué l’humanitaire. Cela arrive pour continuer l’œuvre de démolition et de dépouillement des plans de destruction structurelle de la Banque Mondiale et du Fond que d’International n’a que le nom. Les accords sont juste commerciaux et les loteries de bienfaisance se font pour envoyer les enfants à l’école. Naissent entre temps les adoptions à distance avec les photos souvenir et les souhaits du nouvel an. Dans le pays on organise les élections afin d’embrouiller les maladies car c’est à l’hôpital que l’on meurt le plus souvent. Formations professionnels pour ceux qui veulent apprendre le métier de vivre et voyages à l’étranger pour les chercheurs universitaires. Les fils des puissants, eux, fréquentent les écoles qualifiées pensées pour tromper le pouvoir. Cela aussi grâce aux ONG qui diluent l’antagonisme de classe et banalisent les inégalités sociales. Ce n’est pas par hasard si les guerres deviennent ‘humanitaires’ et les ONG aident les états à réduire les violences engendrées et à panser les plaies qu’eux-mêmes ont provoquées.

Prenons, par exemple, la question des migrants. Les frontières extérieures de l’Europe, l’argent investi pour faussement réduire le nombre des ‘irréguliers’ qui traversent les limites. Il s’agit, en réalité, d’un ‘arme de distraction de masse’, comme bien nous le rappelle l’ami Salvatore Palidda. La soit – disant invasion migratoire est fonctionnelle au système néolibéral qui a besoin de main d’œuvre ‘docile’ afin de pouvoir se perpétuer.  C’est à ce moment que la vague des ONG se présente. L’autre monde très humanitaire défend les droits humains ‘post-mortem’(après la mort), dénonce qui les financent (Europe et affiliés) et entre tempos il espère que cela puisse continuer sans fin. On contribue à contrôler les frontières, à financer la création des nouveaux postes de trie pour les migrants et, comme l’OIM (la fameuse et tant décantée Organisation Internationale des Migrations), et puis se glorifie de ‘sauver’ les migrants dans le désert et faire la comptabilité des morts dans la mer. C’est cela le typique double jeu que l’autre monde humanitaire contribue, dans l’impunité, à créer. A chacun le sien, disait la canonique définition de la justice. Les ONG ont choisi la meilleure partie, qu’un jour leur sera enlevée pour la donner aux pauvres, les seuls avec le droit de transformer le monde.

Venez-voir pour croire. Un tour dans la ville de Niamey, les jours de fête et les jours ordinaires. Allez dans les lieux où plus forte se présente l’urgence humanitaire. Panneaux sans fin, placés dans les points stratégiques pour la joie du regard des assistés et surtout des bailleurs des fonds. L’autre monde humanitaire a réussi, avec un succès certain, à changer la douleur en spectacle payant.

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