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Billet de blog 9 janvier 2018

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La guerre perdue du Sahel

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les migrants sont un prétexte afin de militariser l’espace du Sahel. En effet, depuis un temps immémorial, cette zone de jonction avec le désert du Sahara a été un lieu d’échange commerciaux et de migrations humaines. Jusqu’à nos jours l’Afrique occidentale est parmi les régions du monde avec le plus haut pourcentage de mobilité humaine. La plupart des déplacements se réalise à l’intérieur de l’espace cité. Une partie minime des migrants s’aventure vers l’Afrique du nord et une partie encore plus réduite essai de transiter vers l’Europe.

 La guerre contre les migrants n’a pas débutée maintenant. Un regard rapide aux différents ‘Sommets’ de l’Union Européenne qui ont justifié et guidé les politiques de contrôle et d’externalisation des dynamiques migratoires. Au cours de cette opération s’est précisée la stratégie marchande qui prévoyait des engagements des deux côtés de la Méditerranée. Les Etats africains intéressés s’engageaient à contrôler les frontières, à se reprendre les migrants ‘non- désirés’ et, quand demandé, à héberger des centres pour ‘filtrer’ entre les réfugiés et les migrants. L’Europe, de sa part, s’engageait à donner de l’argent, de la formation aux agents de contrôle des frontières et à aller ‘aux racines profondes des causes des migrations. Ce dernier point impliquait aussi des fonds, appelés ‘fiduciaires’, pour des projets de développement local.

But de cette stratégie, vouée à l’échec depuis sa conception, est celui de contrôler la mobilité humaine. Les autres aspects seront fonctionnels  par rapport à cet objectif déclaré. Les fonds alloués aux pays africains seront désormais liés à la ‘docilité’ des Etats à contrôler (empêcher le voyage) des migrants ‘suspects’ et à reprendre sur le territoire les éventuels refoulés de l’Europe. Il s’agit d’un chantage qui ne fait que mettre en évidence le rôle subalterne des Pays africains dans le processus juste ébauché.

Le Niger, pays stratégique par sa position géographique et géopolitique, s’est vu assigner un rôle de premier plan dans l’application de la guerre contre les migrants. En effet, le Pays s’est doté d’une lois contre le trafic humain et des migrants qui pas par hasard a été approuvée en 2015. Demandant et recevant des aides financières, le Niger, s’est graduellement transformé dans une entreprise qui a pu bénéficier de la sous-traitance de la mobilité régionale. Cela s’est passé en ‘bloquant’ physiquement les migrants. Agadez en étant la partie la plus visible. Dans ce contexte les puits sont essentiels pour la survie des voyageurs du désert. Les chauffeurs des ‘pick-up’, afin d’éviter de se faire arrêter, abandonnent, en cas de danger de la police, les migrants. Plusieurs dizaines sont morts et d’autres ont été sauvés par l’intervention humanitaire qui comme toujours joue sur les deux fronts. Avec une main il ‘caresse’ et avec l’autre il ‘gifle’, c’est-à-dire il se met au service du contrôle des migrants et des politiques dissuasives des migrations ‘irrégulières’. Dans cette guerre perdue contre les migrants une étape supplémentaire est celle ‘d’armer’ le territoire.

 Ce qui a été dénoncé en Libye, les esclavages de nos jours, est en soi un phénomène bien connu, accepté et reproduit par le système. Dans tout le Maghreb les noirs passent comme des ‘esclaves’ et la même chose arrive dans les plantations ‘civilisées’ pour la récolte des tomates, des oranges et d’autres semblables fruits et légumes. Le contrôle des migrants ‘otages’ est bien sur fonctionnel à l’économie néolibérale de l’occident et de ses acolytes africains.

 L’exploitation vise à transformer les migrants en des ‘objets dociles’ dans les mains du pouvoir sans pitié du capital. On est fort pour faire de la charité. Beaucoup moins, en revanche, pour lire et analyser avec lucidité et ensuite combattre ces politiques d’apartheid global’. Dans le monde on trouve qui peut bouger à son bon plaisir. Le business du tourisme est sans limites tandis que pour l’autre partie du monde la mobilité est une galère. Il existe une minime partie du monde qui décide la destinée de l’autre, bien plus nombreuse et importante. C’est donc pour pérenniser la division du monde, de ses richesses et ressources que l’on perpétue le système de contrôle de la mobilité humaine, malgré elle soit reconnue par la Déclaration des Droits Humains.

Comment passer de l’organisation des évènements tels que nous les voyons, de la ‘charité’ qui accompagne la croissance exponentielle du monde humanitaire, des fermetures de type raciste en Europe et aussi en Afrique à une réalité qui considère la mobilité humaine comme l’état ‘normal’ de l’humanité. Vivre est migrer. Assumer avec respect juridique et solidaire cette évidence qui est comme le miroir de la civilisation, pourra finalement aider à construire un autre monde, ou mieux encore, un monde ‘autre’.

                                                                             Mauro Armanino, Niamey, janvier 017

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