Le lundi passé 4 mai il faisait plus chaud que d’habitude depuis le matin. Toutefois rien ne laisser penser ce qui serait arrivé vers les 14 heures d’ici. On voyait le ciel changer de couleur et ensuite un grand nuage jaune-marron s’approchait de notre point d’observation du phénomène. Quelques secondes et la tempête de sable aurait enveloppé Niamey, créant quelque chose semblable à une éclipse solaire. Pendant des longues minutes les ténèbres sont descendues sur la ville assiégée par le sable et peu après une forte pluie est tombée abondante comme pour se faire pardonner par la poussière, première protagoniste de l’évènement en question. La tempête est une violente perturbation atmosphérique qui nait lorsque des fortes rafales de vent soufflent et soulèvent le sable d’une surface sèche. Selon l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), dans les régions arides ou semi-arides comme en Afrique de l’Ouest, ces tempêtes sont provoquées par des forts temporaux. Ces derniers augmentent la vitesse du vent sur des grandes zones, soulèvent des grandes quantités de sable et peuvent parcourir des milliers des kilomètres.
Le jour suivant on a enseveli Emmanuel, originaire du Libéria, arrivé à Niamey depuis près de deux mois, après avoir expulsé, avec bien d’autres migrants, de l’Algérie. Il est mort samedi passé en ville, peut-être à cause d’une hémorragie interne et puis gardé dans une chambre froide de la morgue jusqu’au mardi. La tombe a été creusée le matin même de l’enterrement dans le sable et le cercueil a été béni et puis déposé sur le sable. Après une brève prière et quelque mot d’adieu de la part de ceux qui l’ont connu, on a eu la bénédiction et aussitôt après les premières poignées de terre faisaient un étrange écho en touchant le cercueil en contreplaqué léger. Les pelles ont complété le remplissage de la tombe et une petite croix de fer a été plantée dans le sable encore frais de la pluie du jour avant. Sur la plaque on a écrit le nom, la date présumée de sa naissance et le jour exact de sa mort, le 2 mai 2020. Le soudeur qui a confectionné la croix a ajouté, comme de coutume, ‘ici repose en paix’. Emmanuel a une fille au Pays et jusqu’à présent, malgré des nombreuses tentatives, on n’a pas pu l’informer du décès de son père.
Eux, par contre, se sont rencontrés à Niamey. Lui, libérien appelé Thomas et elle, d’origine togolaise appelé Eve. Thomas avait tenté l’aventure avec l’espoir d’atteindre la rive de l’autre monde après la mer. Il n’avait même pas pu s’approcher car on l’avait mis dehors de la Libye comme non-désiré. Elle, par contre, avait rejoint sa sœur à Niamey et avait commencé à travailler dans les salles de jeux de la capitale. Elle s’était par la suite affranchie de ce boulot compliqué et a créé un restaurant pour les migrants dans le quartier. C’est bien là que les deux se sont rencontrés et ils ont choisi de partager leur vie pour toujours. Thomas est allé au Togo pour payer la dote de madame à la famille, il a ensuite accepté de célébrer le mariage civil en attendant le mariage religieux, ici à Niamey en son temps. Ne pouvant pas, pour le moment, engendrer des enfants, ils ont adopté un bébé abandonné dans la rue par sa maman, elle-même togolaise, à l’âge de 6 mois. Ils l’ont appelé Miracle comme souvenir de la manière dont il a été sauvé et ils ont affirmés qu’ils ne feront pas de différence dans le cas où il y aurait un enfant venant d’eux. Son restaurant, malgré la crise due à l’épidémie, survie bien.
La tempête de sable de Niamey est aussi une métaphore de l’Occident. L’éclipse solaire qu’on a vécue pendant la tempête, nous rappelle une apocalypse culturelle en bonne et due forme. Le vent de poussière qui aveugle le regard et puis les ténèbres qui semblent sans fin. Dans l’étonnement il y eu un silence d’une demi-heure à peu près, comme s’il s’agissait du septième sceau raconté par le livre de l’Apocalypse de Jean. L’Occident n’est plus le centre du monde et ses morts ne sont pas plus importants de ceux d’ici où le Covid 19 n’existe presque. En revanche l’année passée on a enregistré 3 mil 331 décès de palu, une femme morte sur 7 qui ont accouché et au Sahel on a compté plus de 4 mil morts pour le terrorisme. Aussitôt après arriva la pluie, comme un fleuve qui traverse les rues et le cours de la ville assoiffée d’eau, après un temps assez long de sécheresse. Puis imprévus et sans se soucier de rien, des enfants ont commencé à jouer avec des petit bateaux de papier dans les flaques d’eau.